Conditionnement
Loi Agec : la banane se met à nu
La banane aussi subit les revers de la loi Agec. Témoignage de Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN-Fruidor Bananes, lors du passage de FLD à la mûrisserie de Rungis de Fruidor Bananes
La banane aussi subit les revers de la loi Agec. Témoignage de Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN-Fruidor Bananes, lors du passage de FLD à la mûrisserie de Rungis de Fruidor Bananes
Visite de la mûrisserie Fruidor de Rungis, ce début janvier. Si l’activité est dynamique, il est un espace plus calme : l’espace dédié au conditionnement, qui a beaucoup changé en quelques années. De quatre chaînes de conditionnement, il n’y en a désormais plus qu’une seule, petite, en fonctionnement : la mise en carton, avec une machine pour l’enrubannage si besoin… Pour l’UGPBAN, c’est le lancement de la francité avec le ruban bleu-blanc-rouge qui a initié le mouvement d’une offre quasi sans emballage.
Article 77 : la GMS exige une offre quasi sans emballage
Mais la loi Agec a fortement impacté la banane. L’article 77, en premier lieu, qui interdit les emballages plastique non biodégradables et home-compostables sur les fruits et légumes commercialisés en unité de moins de 1,5 kg. Le décret d’octobre a finalement donné dérogation jusqu’en 2026 pour les fruits cueillis à maturité et mûris à point dont la banane. « Mais il y a eu un phénomène d’anticipation de la GMS en 2020 et 2021 et la présentation de la banane en flowpack a quasiment disparu, explique Pierre Monteux, directeur général. Le flowpack a été substitué par le ruban pour le bio et le 1er prix. »
On trouve ainsi une offre quasiment sans emballage en GMS. Il reste le cœur de gamme, le vrac, en carton. Un 1er prix enrubanné, une banane française enrubannée, un bio enrubanné (en général 5 fruits – 750 g).
Le ruban, enjeu de protection, de segmentation et de communication
Le ruban, outre la communication, permet de définir une unité de vente avec ou sans facturation (avec ou sans pesée selon les enseignes. La banane française, elle, est systématiquement associée à un prix et un nombre de doigts).
Mais en 2026, le ruban sera interdit, à moins d’avoir trouvé une alternative home-compostable. « Mais quelle part des consommateurs fait son propre compost aujourd’hui ?, s’interroge, agacé, Pierre Monteux. La loi va dans le bon sens mais ne nous donne pas les moyens d’y parvenir. Il n’existe pas aujourd’hui de solution technique, sachant qu’il y a des contraintes de températures et d’hygrométrie extrêmes qui jouent sur la durée de vie du ruban. Et les fournisseurs d’emballages, des internationaux, ne vont pas investir des fortunes en R&D uniquement pour un petit marché français. Mais je fais confiance à la technologie, on va trouver, on ne va pas attendre 2026 pour agir. »
Stickers : pas de dérogation mais six mois de « tolérance »
Autre point d’irritation et non des moindres : l’article 80 sur les stickers, qui lui n’a pas fait l’objet d’un décret ou de dérogation et est donc en application depuis le 1er janvier 2022, avec une tolérance de six mois pour écoulement des stocks.
Or, le sticker c’est un enjeu de communication et donc de valorisation, un moyen de traçabilité et d’informations consommateurs, sur des produits vendus en vrac. Et le vrac c’est aujourd’hui 70 % de la commercialisation. Beaucoup de fruits sont stickés, outre la banane : pomme, avocat, orange…
Dès fin 2021, des actions devant le conseil d’Etat ont été engagées par les différentes interprofessions. Car l’article tel qu’écrit interdit les produits stickés sur le territoire national, ce qui induit une distorsion de concurrence face aux bananes dollar et aux oranges espagnoles (le stickage se fait en production). « Ou alors l’article s’appliquera à tout le monde, comme les pouvoirs publics nous disent, mais là c’est une entrave à la libre-circulation des marchandises, avertit Pierre Monteux. Le plus rageant, c’est que seul le support est concerné par l’obligation d’être biodégradable home-compostable. La colle et l’encre doivent seulement être alimentaires. »
Déréférencement de marchandises stickées par la GMS
« Nous sommes sous la menace de contrôles de l’Etat ou d’un client qui refuserait, à juste droit, d’acheter des marchandises stickées, s’inquiète Pierre Monteux. Et ma crainte finale c’est que la GMS nous demande, pour tous les fruits et légumes, de passer en emballage de plus de 1,5 kg pour s’affranchir de Agec, et cela sans changer le prix. »
Un début d’année sous de bons auspices pour la banane de Guadeloupe et Martinique malgré les difficultés. La banane, comme toutes les filières, est fortement touchée par la flambée des coûts des intrants. « Faiblesse de l’euro face au dollar, présence des papèteries en Europe…La banane antillaise est moins touchée que la banane dollar cette année », estime Pierre Monteux pour FLD le 13 janvier. Le directeur général évoque des volumes modérés mais une belle qualité. « Ce début d’année se présente sous de bons auspices, d’autant plus que sur le marché, l’offre globale est modérée en banane et l’offre de fruits concurrents faible. » Les volumes de bananes de Guadeloupe et Martinique pourraient, selon les premières prévisions, tourner autour de 215 000 t en 2022, alors qu’ils ont atteint à peine 200 000 t en 2021. « Ce déficit de 10 à 12 000 t est lié au coup de vent [Elsa] de juillet en Martinique, et au conflit social qui nous a fait perdre 5 à 6 000 t », précise Pierre Monteux. Lire aussi FLD Hebdo du 23 décembre 2021.
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