Réconcilier l’élevage avec l’opinion publique
Des professionnels de l’élevage, des experts scientifiques et internationaux ainsi que des décideurs politiques européens ont été réunis, le 7 février à Bruxelles, pour esquisser collectivement les modèles de production et de consommation de viandes durables à l’échelle du Vieux Continent.
Des professionnels de l’élevage, des experts scientifiques et internationaux ainsi que des décideurs politiques européens ont été réunis, le 7 février à Bruxelles, pour esquisser collectivement les modèles de production et de consommation de viandes durables à l’échelle du Vieux Continent.
« Nous souhaitons définir collectivement ce que sont les systèmes de production et de consommation de viandes durables que nous voulons préserver au sein de l’Union européenne », explique Jean-François Guihard, président de l’interprofession du bétail et des viandes (Interbev), en introduction de la table ronde organisée par l’association nationale à Bruxelles le 7 février 2023 et intitulée "Élevage, viande & Green Deal : quelle vision de l’Union européenne ?"
Les professionnels de l’élevage, les experts scientifiques et internationaux et les décideurs politiques européens réunis à cet évènement ont appelé à s’entendre sur une approche européenne partagée de la durabilité. Tous s’accordent à dire que les principes et les méthodes à suivre doivent s’appréhender de façon équilibrée, et reposer sur des fondements scientifiques.
« Ce n’est pas la transition écologique qui fait peur aux représentants de la filière bovine, ovine, équine et caprine. Ce que nous déplorons, c’est l’absence de vision assumée, l’incohérence des décisions et des politiques publiques, ainsi que les injonctions parfois contradictoires qui brouillent nos perspectives d’avenir », reprend Jean-François Guihard. Un tel manque de visibilité est préjudiciable à l’installation des jeunes générations, estiment les experts.
Sortir de l’idéologie
Pour Pascal Canfin, président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen : « il y a une nécessité absolue pour réussir cette transition écologique de dépolariser le sujet, de sortir de l’idéologie ». « Cette bataille d’opposition entre les délégations agriculture, environnement et santé doit cesser, afin d’aboutir à une législation cohérente qui s’inscrit dans la durée », ajoute Dacian Ciolos, député européen (Roumanie) et ancien commissaire à l’Agriculture.
Les différents intervenants ont chacun à leur tour soulever l’importance de repositionner l’élevage dans l’opinion publique, afin d’éviter toute rupture de lien avec les consommateurs. Pour Paolo De Castro, député européen (Italie), cette étape passe, entre autres, par l’éducation alimentaire des citoyens, afin qu’ils aient toutes les clefs en main pour faire les bons choix dans leur alimentation.
Rendre compte de l’utilité des modèles extensifs
« L’urgence est climatique et environnementale, certes, mais elle est aussi de compter suffisamment d’éleveurs demain pour nourrir la population européenne », intervient Benoît Lutgen, son homologue belge. Au-delà de l’enjeu majeur d’assurer notre sécurité alimentaire à long terme, il s’agit de rappeler les nombreux bénéfices sociaux et environnementaux que confèrent les systèmes herbagers à la société (stockage de carbone, maintien de la biodiversité, lutte contre les incendies de forêts…). Les intervenants considèrent que ces services publics rendus autres que la production de viande ou de lait, et découlant de bonnes pratiques, mériteraient d’être rémunérés. Pour Pascal Canfin, le Carbon farming représente une réelle opportunité de création de valeur pour les élevages extensifs. Selon lui, la tonne de carbone stockée devrait être payée au moins 50 € et au mieux autour de 60-70 € pour faire marcher l'économie.
Par ailleurs, Pascal Canfin pointe l’injustice du système actuel, « qui fait peser la contrainte sur l’éleveur, l’acteur qui est probablement le moins en capacité de faire bouger les choses tout seul ». Des propos soutenus par Dacian Ciolos, qui estime que le coût des efforts fournis doit être réparti dans toute la chaîne alimentaire, afin de responsabiliser l’ensemble des maillons à la transition écologique.