Prix du lait : Le partage de la valeur de plus en plus inéquitable selon la Fondation pour la nature et l’homme
La répartition de la valeur dans le secteur laitier conventionnel est inégalitaire, et les éleveurs sont perdants de l’augmentation des prix, selon une étude de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH). La méthodologie utilisée est discutée au sein de la filière.
La répartition de la valeur dans le secteur laitier conventionnel est inégalitaire, et les éleveurs sont perdants de l’augmentation des prix, selon une étude de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH). La méthodologie utilisée est discutée au sein de la filière.
[Mise à jour du 11 décembre, ajout propos Alessandra Kirsch, directrice des études chez Agriculture Stratégies]
« Sur vingt ans, la répartition de la valeur des produits laitiers entre le maillon distributeur, transformateur et producteur, est de plus en plus inéquitable, pour tous les produits laitiers, en défaveur des éleveurs », résume la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) - ex Fondation Nicolas Hulot -, à l’occasion de la présentation de leur rapport sur le sujet, le 27 novembre. « Alors qu’en magasin, le prix d’une plaquette de beurre de 250 grammes est passé de 1,35 euro HT à 1,81 € HT, la marge brute réalisée par la distribution est montée de 32 %, celle de la transformation a grimpé de 80 % et celle de l’éleveur n’a progressé que de 11 % entre 2018 et 2021 », ont illustré les auteurs. L’étude a été réalisée à partir des données de l’Office français des prix et des marges.
Les écarts s’accentuent entre l’amont et l’aval avec l’inflation
Les conclusions de cette étude mettent en lumière que les bénéfices des plus grandes entreprises de la distribution ont été multipliés par deux entre 2018 et 2021. Ceux des plus grandes laiteries sont passés de 449 à 697 millions d’euros sur la même période. « Dans le même temps, le résultat courant avant impôt des exploitations laitières spécialisées est resté relativement stable autour de 26 625 €/an. Pour 58 heures de travail hebdomadaire, cela représente entre 0,7 et 0,9 Smic horaire », pointent les auteurs.
Néanmoins, « les indicateurs choisis et les comparaisons effectués sont discutables », estime Gérard You, de l’Institut de l’élevage. « L'utilisation des chiffres est carrément douteuse et je pèse mes mots, abonde Alessandra Kirsch, directrice des études chez Agriculture Stratégies.
Les causes de cette iniquité sont connues et rappelées par la FNH : la concentration de la distribution et leur guerre des prix ; la concentration des transformateurs ; la standardisation du lait et le marketing des industriels pour différencier leurs produits sur d’autres éléments que la matière première elle-même. Ainsi, le consommateur paye davantage une marque, l’image, une communication, que les qualités propres au lait. Autre cause : le manque de transparence sur la façon dont la valeur d’un produit revient aux producteurs.
Pour plus de transparence et des OP renforcées
Forte de ces constats, la fondation formule six propositions :
• Organiser une conférence sociale dans la filière laitière incluant des citoyens tirés au sort, afin de bâtir un plan de filière
• Rendre obligatoire la transparence des marges nettes des acteurs de la transformation et de la distribution. Et renforcer le pouvoir de l’Autorité de la concurrence. « Plus de transparence doit permettre d’éviter de trop fortes hausses de marge de la part des maillons les plus puissants. »
• Développer les contrats tripartites, le bio et le commerce équitable, en visant un tiers des produits laitiers sous MDD et un tiers des produits sous marque nationale, venant de ces filières, d’ici 2030
• Créer un fonds mutualisé de transition agroécologique, qui sera abondé par un pourcentage minimum des bénéfices et dividendes exceptionnels des acteurs de la transformation et de la distribution
• Soutenir les organisations de producteurs (OP) répondant à des critères sociaux et environnementaux en augmentant la part du budget PAC allouée aux programmes opérationnels
• Développer des usines de taille intermédiaire, pour une meilleure traçabilité du lait, en y consacrant une partie des investissements des transformateurs et distributeurs
Sur ces différents points, la FNH insiste sur les engagements pour l’environnement, qui sont incontournables. Or, « le défi de la transition agroécologique demeurera impossible sans rémunération correcte », rappellent les auteurs.
Enfin, la fondation souhaite que soit étudiée l’opportunité de mettre en place un prix plancher de la matière première agricole, tenant compte de ses coûts de production. Ainsi que l’idée d’un encadrement des marges.