Les standards de poulets ECC et BCC tissent leur toile
Le déploiement des engagements de l’ECC (European Chicken Commitment) porté par des organisations non gouvernementales (ONG) doit conduire à une transition significative pour les élevages d’ici 2026, mais avec encore beaucoup d’inconnues.
Le déploiement des engagements de l’ECC (European Chicken Commitment) porté par des organisations non gouvernementales (ONG) doit conduire à une transition significative pour les élevages d’ici 2026, mais avec encore beaucoup d’inconnues.
En comparaison avec les autres continents où le marché du poulet se résume au poulet blanc à croissance rapide, dominant le poulet coloré des basses-cours, l’Europe connaît une organisation bien différente. La segmentation des marchés européens du poulet de chair est bousculée depuis 2017 par l’instauration d’un cahier des charges international visant au bien-être animal, lequel a été imposé par de nouveaux acteurs et réseaux d’influence, et non par la réglementation.
Le référentiel ECC (European Chicken Commitment) est porté par une trentaine d’ONG européennes et vise à mettre en place de meilleures conditions d’élevage des animaux (liste de races/souches accréditées) pour améliorer leur bien-être (densité maximale de 30 kg/m2, 50 lux d’intensité de lumière naturelle, 2 mètres de perchoirs et 2 substrats à picorer pour 1 000 volailles…) et de meilleures conditions d’abattage (étourdissement sous atmosphère contrôlée). Hors Europe, c’est le terme BCC (Better Chicken Commitment) qui est utilisé pour désigner l’accréditation sur ce même cahier des charges.
Sous la bannière du bien-être animal
En juin 2023, on comptabilisait dans le monde 587 engagements vers l’ECC ou le BCC émanant d’entreprises du commerce et de la restauration, les « commitments », dont 232 en Amérique du Nord, 7 en Australie et Nouvelle-Zélande, et 110 en France. Ces entreprises comprenant de nombreuses multinationales poussent la filière poulets à évoluer vers ce cahier des charges.
L’implantation différente de ce nouveau référentiel dans les pays européens a été l’objet de plusieurs interventions lors du Forum Hubbard à Évian.
Pour connaître les détails des engagements effectivement pris par les différentes entreprises et vérifier la réalité de leur transition, Paul van Boekholt, responsable commercial Europe du Nord pour Hubbard, invite à consulter le European ChickenTrack report (1) publié en avril.
Il rappelle également la pression continue des ONG en Grande-Bretagne et aux États-Unis pour faire progresser le bien-être animal.
L’exception des Pays-Bas
La situation aux Pays-Bas, où a été développé dès 2007 un concept d’élevage de poulet à croissance lente en utilisant les jardins d’hiver, a été présentée. Le label Beter Leven 1* est depuis cette année adopté par tous les distributeurs pour le marché national duquel le poulet conventionnel a disparu, et plus de la moitié des fermes se réfèrent à ce BLK1*.
Ce cahier des charges est plus exigeant que celui de l’ECC avec une densité en élevage de 25 kg/m2 et une durée d’élevage de 56 jours. Dans ces fermes, les coûts de production ont augmenté de 42 % en 2022, a rappelé l’économiste Peter van Horne de l’Université de Wageningen.
Les autres éleveurs pourraient rallier le standard ECC, afin de vendre aux entreprises de restauration, fast-food et exportateurs de viande de poulet vers la France et le Royaume-Uni. Cette transition se soldera notamment par une diminution du nombre de poulets par ferme et par une augmentation des coûts d’élevage de 17 % à 22 % (chiffres en 2021), mais aussi à la phase d’abattage. Cette augmentation serait moindre dans d’autres pays européens, selon les chiffres de l’étude de Wageningen.
Marks & Spencer adopte l’ECC
Vivienne Harris, responsable agriculture pour le distributeur britannique Marks & Spencer, a présenté des études d’opinion réalisées auprès des acheteurs de poulet frais de leur marque. L’une montre qu’ils privilégient à 74 % la qualité de la viande, 67 % son origine britannique et 60 % le bien-être animal. Elle a rappelé que le distributeur, qui avait déjà adopté en 2002 un label « maison » différencié Oakham avec la souche Ross 508, a été le premier à s’engager pour l’ECC en 2019, revendiquant le titre de leader en matière de bien-être animal. Un travail avec les producteurs et des campagnes d’information lui ont permis en septembre 2022 de mettre en vente dans tous les rayons du poulet Oakham Gold produit avec les souches Hubbard JA787 et Hubbard Redbro. Affichant clairement le parti du bien-être animal, Marks & Spencer vend 100 % de ses poulets sous cahier des charges ECC.
Ce lancement s’est accompagné de campagnes de communication avec des éleveurs, mais aussi des chefs mettant en valeur la qualité de la viande. Vivienne Harris a souligné que depuis cette mise en rayon les ventes de ces poulets ECC ont augmenté jusqu’à juin de 24 % en valeur. Les prochains mois montreront si ces résultats encourageants perdurent. Au Royaume-Uni, l’inflation pourrait freiner l’attrait d’une partie des consommateurs pour ces poulets haut de gamme.
Quant à l’éleveur californien David Pitman, très engagé dans la production de viande de qualité avec des souches à croissance plus lente, il ne mésestime pas l’impact d’une hausse de prix de 20 à 25 % de ces produits, difficile à expliquer aux consommateurs américains. « Ils ne sont pas encore prêts à payer davantage, et l’inflation est un problème. » Actuellement, il vend 10 à 15 % de poulets BCC sur les marchés locaux.
Dans l’expectative de la future réglementation européenne
Au Forum Hubbard Premium d’Évian, experts et assistance avaient en tête le cahier des charges ECC élaboré par les ONG, mais aussi le rapport scientifique de l’Efsa sur le bien-être des poulets publié fin février. Celui-ci prévoit notamment une densité maximale en élevage à 11 kg/m2 (3 fois moins que l’ECC), ou de limiter la croissance quotidienne des animaux à 50 g. Il constitue l’une des étapes préparant la révision de la réglementation européenne sur le bien-être animal. Le rapport, qui a soulevé un tollé chez les professionnels craignant une baisse significative de la productivité de l’élevage européen, doit être analysé dans ses conséquences économiques et sociales. La Commission européenne pourrait publier un projet de réglementation à l’automne, pour une adoption courant 2024, par ailleurs année d’élection du Parlement européen.