Bio en restauration collective : « Si les 20 % de bio étaient atteints, on réduirait la crise des producteurs bio »
Alors que la loi Egalim exige 20 % de bio au moins dans les menus de la restauration collective, Interfel et le Cniel, les deux interprofessions en charge du programme de communication “Prenez en main la bio”, ont réuni la presse pour une matinée bilan.
Alors que la loi Egalim exige 20 % de bio au moins dans les menus de la restauration collective, Interfel et le Cniel, les deux interprofessions en charge du programme de communication “Prenez en main la bio”, ont réuni la presse pour une matinée bilan.
Aujourd’hui, 80 000 cantines intègrent des produits bio dans leurs repas, fruits et légumes et produits laitiers en tête. « La restauration collective constitue donc un relais de croissance majeur pour le développement du bio », affirment Interfel et le Cniel, les interprofessions des fruits et légumes frais, et du lait et des produits laitiers.
Mais où en est-on aujourd’hui ? L’article 24 de la loi Egalim exige depuis le 1er janvier 2022 pour la restauration collective publique et depuis 1er janvier 2024 pour les restaurants collectifs privés, au moins 50% de produits de qualité et durables, dont 20 % de produits bio (en valeur HT sur le coût total des repas par an) doivent être proposés aux convives. Entre l’inflation et la crise du bio, il semblerait qu’on en soit encore loin.
Restauration collective : « On va savoir où en sont les consommations réelles»
En restauration collective, le bio représente 7 % des achats (tous produits) selon les chiffres de l’Agence Bio ; les chiffres de Ma Cantine (site du gouvernement pour accompagner les acteurs de la restauration collective dans la transition alimentaire) indiquent plutôt 15 %, avec des niveaux hétérogènes selon le secteur, l’enseignement étant le bon élève (environ 14 %) et le médico-social très à la traîne (4 %).
Ce témoignage intervient dans une série d’articles sur les leviers à activer pour augmenter la part de bio dans la restauration collective. Ces articles ont été motivés à la suite d’une matinée d’informations à la cuisine centrale du 17e arrondissement de Paris puis à la cantine de l’école de Bessières le mardi 16 janvier et organisée par l’interprofession des fruits et légumes frais Interfel, l’interprofession laitière Cniel et l’association des professionnels de la restauration collective Restau’Co, dans le cadre de la campagne de communication “Prenez en main la bio” co-financée par l’UE, associant le Cniel et Interfel.
Plus de légumes transformés que de frais
Concernant les fruits et légumes, il faut considérer le frais et la IVe gamme. Les fruits bio représentent environ 5 % des achats de fruits en RHD (dont 60 % de frais), pomme, poire et kiwi constituant le top 3.
Les légumes bio représentent 3 % des achats de légumes en RHD, avec une majorité de produits transformés en raison du travail de découpe et d’épluchage que réclame le frais. Le top 3 : carotte, tomate, courgette.
« Sur les 8 millions de tonnes de fruits et légumes produits en France, 5 % vont à la restauration collective. Parmi ces 5 % qui vont à la restauration collective, 5 % sont bio », précise Paulin Matchon, responsable du comité Bio d’Interfel.
La restauration hors domicile, un débouché en progression pour les produits laitiers bio
Côté produits laitiers, le bio représente 5,5 % de la collecte de lait de vache en France, 4 083 producteurs de lait et 243 laiteries. En réponse à l’engagement du plan de filière, les volumes de lait bio avaient doublé entre 2017 et 2022 avant de se rétracter au printemps 2023, en raison de l’arrêt du bio dans les exploitations voire même l’arrêt de production de lait. Tendance en lien avec la baisse de consommation de produits laitiers bio en GMS (-12 % en 2023 vs 2022 et -23 % en 2023 vs 2019) alors que la GMS représente 62 % des débouchés.
La restauration hors domicile en revanche représente un débouché en progression (8,1 % en 2022 contre 6,9 % en 2021 en valeur). « Il y a encore des marges de progression, précise Julia de Castro, chef de projet Bio au Cniel. Yaourts, fromages blancs et desserts lactés sont déjà bien positionnés mais certains produits ont encore de la marge : lait liquide, beurre, fromages. »
Production bio : « Il est plus facile d’arrêter une activité que d’en commencer une »
Yves Sauvaget, éleveur laitier bio et président de la Commission Bio du Cniel, a dénoncé « l’absence de volonté politique » dans le médico-social, mauvais élève de la loi EGalim. « Dans le scolaire il y a eu une vraie prise de conscience avec une volonté politique des élus locaux. Il n’y en a pas dans le médico-social qui est pourtant un enjeu, car il sert trois repas dont le petit-déjeuner, donc une opportunité pour le lait. Or qui passe commande pour le médico-social ? C’est l’Etat, le même qui nous a imposé la loi Egalim. Mais à la vitesse où ça va, même si la RHD bascule sur le bio, y aura-t-il encore des producteurs demain pour la fournir ? On a 5 % de cessations d’activité contre moins de 1 % avant la crise. C’est du jamais vu. Il faut maintenir la production bio sinon il n’y aura pas de producteurs pour fournir la RHD selon Egalim. » Ronaldo Oyama, maraîcher et horticulteur (SCEA Koorin et SAS Florbio) confirme : « Il est plus facile d’arrêter une activité que d’en commencer une. »
Selon Yves Sauvaget, si les 20 % de bio dans les menus de la restauration collective étaient respectés, ça serait 100 millions de litres de lait bio supplémentaires valorisés, soit 150 à 160 millions de litres de lait bio. Aujourd’hui, sur les 1,2 milliard de litres de lait bio collectés, ce sont plus de 500 millions de litres de lait qui sont déclassés.
Interrogé sur la situation en fruits et légumes, Interfel a rassuré en affirmant qu’on était encore loin de ce constat.