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ZNT et vignes : les réponses à vos questions

Entrées en application au 1er janvier 2021, les dispositions sur les zones de non traitement issues de la loi Egalim restent complexes et fluctuantes.  Nous les avons décryptées lors d’un webinaire le 29 mars grâce à Philippe Noyau, président de la chambre régionale d’agriculture centre-val de Loire, secrétaire adjoint de l’APCA et agriculteur dans le Loir-et-Cher, ainsi qu’Éric Chantelot, directeur du pôle Rhône Méditerranée de l’Institut français de la vigne et du vin et référent national sur les questions phytosanitaires. Voici l’état des lieux que nous avons pu dresser.

 © J. Gravé
© J. Gravé

Les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs ou face par face sont des équipements coûteux et pas adaptés à tous les types de vigne. Existe-t-il d'autres possibilités permettant de réduire la distance de non traitement ?

E.C. :  Début 2020, un travail engagé sous l’égide de L’Inrae avec les instituts techniques et l’Anses a recensé toutes les alternatives pouvant être envisagées pour la réduction de la dérive dans le cadre de l’arrêté du 27 décembre. Un rapport a été remis au ministère de l’agriculture fin avril – début mai 2020. Des travaux pour évaluer ces alternatives ont été lancés et financés par le ministère pour une durée de deux ans. Ce qui est intéressant c’est que l’Anses participe à ces discussions et à la validation des protocoles, ce qui pourrait permettre d’inclure les possibilités de réduction qui seront validées dans les AMM.

Pour consulter le replay du webinaire du 29 mars, cliquez ici.

Quelles pistes de réduction des distances de sécurité sont à l'étude ?

E.C. : Il y a d’abord des travaux sur les matériels pneumatiques réputés avoir une dérive importante. On étudie ce qui pourrait être fait quant au réglage des buses, de quelle manière on pourrait modifier le type de sortie de ces matériels pour réduire la dérive.

Le deuxième niveau, c’est la façon de gérer les rangs de bordure, en pulvérisant systématiquement vers l’intérieur de la vigne et en fermant les buses du côté de la zone riverain.

Sur ces deux aspects, nous pensons, par les travaux que nous avons engagés dès 2021, pouvoir déboucher sur des résultats pour permettre d’autres systèmes alternatifs à la liste de matériel de pulvérisation.

Un dernier point, c’est l’évaluation technique de la pose de filets ou de la présence de haies vives en bordure des parcelles. Le système des haies vives est séduisant mais il est très compliqué à évaluer sur un plan technique, déjà par la difficulté d’évaluer ce qu’est une haie vive.  La mesure des effets de sa porosité par rapport à la dérive est aussi compliquée. Pour les filets, l’Anses pose la question du risque de sur-pollution à un endroit donné, avec une accumulation des produits.

P.N. : Sur les haies, je suis assez dubitatif à moins qu’elles ne soient présentes avant. Car pour implanter une haie, il faut arracher un rang au moins, et attendre que ça pousse 5 à 10 ans pour qu’elle soit efficace, si c’est prouvé. Quant aux filets, il faut arriver à les maintenir, c’est assez complexe.

Lire aussi " Cinq étapes pour réussir sa haie viticole"

À partir d’où faut-il compter cette distance à respecter : la clôture, la limite cadastrale, la maison… ?

P.N. : Le cadre a été volontairement flou. Une maison avec un pré pas cultivé, c’est différent d’une maison où le jardin borde les vignes. La jurisprudence fera acte de loi. Le jour où il y aura une personne qui se plaindra d’une odeur ou d’une dérive même si sa maison est loin de la vigne, il y aura une expertise et il y aura une juridiction qui s’appliquera pour tout le monde et fera loi. Ça pose un réel problème. Quand la maison est loin, on peut protéger ses plantes jusqu’à la limite en évitant la dérive puisque la loi est ouverte. Mais à chacun d’analyser son contexte.

Donc, très concrètement, je suis viticulteur avec des vignes à proximité d’une habitation, quelle est la meilleure chose à faire en 2021 ?

E.C. : Puisqu’il n’est pas possible à ce jour de réduire la zone de non-traitement avec les produits conventionnels, la seule solution permettant d'entrer dans le cadre de la réglementation actuelle, c'est de  prévoir un programme bio ou de biocontrôle pour ces parcelles ou à minima, les rangs de bordure. C’est contraignant et ça nécessite donc d’introduire un nouveau système de culture pour la parcelle.  Il faut donc envisager du soufre et du cuivre contre le mildiou et l’oïdium ou les associer à d’autres solutions de biocontrôle, sachant que ces dernières restent aujourd’hui sur des efficacités assez réduites et ne peuvent à elles seules contenir la pression des maladies.

Pour les insectes, la confusion sexuelle peut être installée sur la parcelle, si elle est incluse dans une zone de lutte de 5 à 10 ha minimum. C’est une technique bien maîtrisée aujourd’hui. Si ce n’est pas possible, des solutions bio existent avec des efficacités plus réduites : l’utilisation des bacillius ou voire des trichogrammes, mais qui pose d’autres problèmes car le soufre ne peut être utilisé en même temps.

Lire aussi " Comment intégrer le biocontrôle "

Si on se projette un peu plus loin, il y a une autre solution à laquelle pensent de plus en plus de viticulteurs, c’est d’implanter des variétés résistantes sur les 4, 5 ou 10 rangs, en bordure d’habitation, selon la configuration de la parcelle. Cela permettrait de fortement réduire les passages de pulvé et donc l’effet psychologique sur les voisins. Nous préconisons seulement deux traitements sur ces variétés, pour le mildiou et l’oïdium, pour sécuriser les gênes de résistance. On peut estimer que dans les 10 ans à venir, on pourrait avoir quinze ou vingt variétés françaises qui seront résistantes aux maladies mildiou, oïdium et black rot.  

Quels sont les produits pour laquelle la distance de sécurité de 20 m est incompréhensible ?

E. C. : Il y a les produits CMR2. On peut se passer de ces produits. Le mancozèbe est concerné mais il ne sera plus autorisé à la fin de l’année 2021. On peut aussi citer les insecticides à base d'Indoxacarbe ou les herbicides à base de Flumioxazine.

Cette interdiction de 20 m ne représente pas une contrainte trop importante mais elle pourrait le devenir à cause de l'évolution des autorisations sur le cuivre. Aujourd'hui, deux cuivres (Copless et Micros-cop) sont identifiés comme dangereux avec une distance incompréhensible de 20 m alors que par ailleurs on a autorisé le cuivre comme moyen de gestion des distances de sécurité. Le cuivre au niveau de sa réévaluation à l’échelle européenne est aujourd’hui jugé comme une molécule dangereuse à effet écotoxicologique ou toxicologique pour l’être humain. Il vaut mieux le prendre en compte comme un cadre contraignant. On risque d’arriver durant l’année 2021 à avoir la plupart des cuivres qui seront positionnés dans la catégorie avec distance de sécurité incompressible de 20 m, sauf cas particulier. Une contrainte risque donc d'arriver avec l’introduction de ces critères dans le cadre des AMM et non seulement dans celui de l’arrêté qui n’est, rappelons-le , valable que pour les produits qui n’ont rien de précisé sur leurs étiquettes.

Lire aussi " S’adapter aux règles des ZNT riverains en viticulture "

Qui est sensé contrôler l'application de la réglementation ? Des contrôles sont-ils prévus ? Qu’est-ce que l’on risque ?

P.N. : Il y a l’ONB et l’administration centrale régionale peut contrôler. La police environnementale peut intervenir pour savoir si on a bien respecté ces bandes là. Il n’y aura pas de contrôle systématique. Il n’y a pas assez de moyens pour ça.

Les contrôles risquent d’être surtout sur dénonciation d’un voisin ou d’une organisation. Je crains plus ça. On voit de plus en plus de cas avec des agressions de personnes qui protègent leurs plantes. Mais ce n’est pas tout le monde. Parfois le voisin est d’accord. Mais même dans ce cas, je pense qu’il faut quand même respecter car une plainte peut venir d’une autre personne.

La liste des produits concernés par les distances de sécurité incompressibles est consultable ici

 

Les réponses aux questions des participants

En dehors du matériel, pour réduire les dérives, pourquoi ne pas intégrer l'utilisation d'adjuvants anti-dérive ?

Éric Chantelot : la question des adjuvants anti-dérive a été très longuement débattue au sein du groupe de travail sur les ZNT. Le problème c’est que l’effet de l’adjuvant anti-dérive est fortement lié à la formulation du produit commercial. Un adjuvant dans un produit A peut effectivement avoir un effet de réduction de la dérive de 50%, mais ce même adjuvant avec le produit B risque de n’avoir que 20%, voire moins d’efficacité. C’est ce que l’on a constaté lors des expérimentations faites avec les fournisseurs. Donc ça veut dire que pour pouvoir homologuer un adjuvant il faudrait tester tous les couples adjuvants-produit commercial possibles. Or on ne peut pas procéder ainsi. Mais il n’est pas exclu que les fournisseurs eux-mêmes déposent un dossier d’homologation à l’ANSES pour une formulation donnée et qu’elle soit validée car elle a l’effet escompté.

Les insecticides utilisés contre la flavescence dorée sont-ils soumis aux ZNT riverains?

E.C : Non, car lorsqu’on est dans le cadre d’une lutte obligatoire, comme c’est le cas avec la flavescence dorée, les produits sont exemptés de distances de sécurité. D’autant que le pyrévert est un produit autorisé en bio. 

La protection par des phéromones type Rak peut-elle être réalisée sur des ilôts bien inférieurs à 4-5 ha?

E.C : Ça va dépendre de la configuration. Si vous avez 4 ha au milieu de 100 ha de vignes protégés par des insecticides classiques, les phéromones ne serviront à rien sur cet îlot.  Mais si ces vignes sont isolées, oui ce sera efficace. Il faut raisonner par rapport à l’environnement global. Il y a des technologies de phéromones pulvérisables qui arriveront prochainement sur le marché, ce qui devrait permettre de lever cette contrainte

Les ZNT riverains s’appliquent-elles aussi aux logements habités de façon occasionnelle ?

Philippe Noyau : C’est un point que l’on a aussi défendu lorsqu’on a travaillé sur la réglementation. Pour un logement qui n’est habité que deux jours par semaine, on a le droit de pulvériser même si la maison est proche du terrain. Mais le problème est qu’on ne sait pas si le voisin vient en milieu de semaine ou le weekend. Et sin on tombe sur un voisin qui n’est pas tolérant ça peut être problématique. Là aussi on est dans le flou et on aura plus de détails lorsqu’il y aura des jurisprudences. Désolé de ne pas répondre clairement à la question, mais c’est comme ça que ça se passe, les choses ne sont pas claires.

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