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Les leçons d’une campagne mildiou 2021 hors norme en vigne

Le mildiou a frappé très fort en 2021 dans de nombreux vignobles. Une pression inédite qui interroge sur les raisons d’une telle virulence et sur les moyens à mettre en œuvre pour mieux se préparer.

© B. Bazerolle

Déjà confrontés au gel printanier, la plupart des vignerons français ont dû affronter un mildiou d’une virulence exceptionnelle. « Du jamais vu depuis les années 1950 en Champagne », souligne Arnaud Descotes, directeur technique et environnement du Comité Champagne, qui estime que « le mildiou est à lui seul responsable de 30 % de la perte de production de la récolte, avec des parcelles touchées à 100 % ».

Une situation dramatique que l’on retrouve dans plusieurs bassins où le mildiou, plutôt discret en début de saison, a explosé ensuite. Cette pression exceptionnelle lors de la campagne 2021 interroge de nombreux vignerons, déjà confrontés en 2018 et en 2020 à des pressions hors normes. « Le mildiou n’est pas plus virulent, rassure Alexandre Davy, ingénieur à l’IFV. Ce sont les conditions climatiques peu communes de l’année, associées aux difficultés de protection qui ont conduit à l’explosion de la maladie. »

Une pluviométrie excessive à la période la plus sensible

La première raison d’une telle virulence est en effet liée à une pluviométrie parfois extrême sur une végétation en plein développement (rattrapant son retard dû au gel), entre le stade floraison et fermeture de la grappe, c’est-à-dire la période la plus sensible. « En quelques jours, la pression est passée mi-juin de rien à immense », observe Séverine Dupin, responsable expérimentation à la chambre d’agriculture de la Gironde.

En Alsace, on enregistrait déjà au 13 juillet autant de précipitations sur le vignoble que pour toute l’année 2020. « Toutes les conditions étaient réunies pour le développement exponentiel du mildiou : un inoculum présent, des chaleurs assez importantes, une croissance rapide juste avant la floraison et des précipitations conséquentes et ininterrompues », résume Frédéric Schwaerzler, conseiller viticole à la chambre d’agriculture d’Alsace.

Le contexte de l’année 2021 n’a pas toujours permis le positionnement des produits en préventifs, d’où des insatisfactions et des échecs de protection. D’autant plus qu’il n’existe pas de produit éradiquant contre le mildiou. En bio, le lessivage des solutions à base de cuivre a nécessité de nombreux renouvellements, souvent difficiles voire impossibles à mettre en œuvre. En conventionnel, l’adaptation de la stratégie fongicide avec des modes d’action plus robustes au lessivage (pénétrants, systémiques) a pu faciliter la protection, même si, pour certaines exploitations viticoles travaillant sans CMR (comme le folpel par exemple), la protection était plus compliquée.

Sur ce sujet, Arnaud Descotes rappelle que la durabilité de la viticulture est aussi économique et qu’en situation extrême comme 2021, la priorité était de sauver la récolte. « Par crainte de dépasser les IFT, certains vignerons ont décidé en cours de campagne d’arrêter les traitements, ce n’était pas raisonnable. La vigne nécessitait une protection pour sauver une partie de la récolte mais aussi pour mieux préparer l’année suivante », dit-il.

Des solutions à base d’oxathiapiproline efficaces

Dans ce contexte particulièrement éprouvant pour les fongicides, certaines solutions à base d’oxathiapiproline associée au cuivre ou à la zoxamide ont fait la preuve de leur efficacité et de leur résistance au lessivage. « Compte tenu de la pression de sélection exercée sur les pathogènes, la campagne 2021 a pu par ailleurs favoriser la progression des résistances pour les familles les plus sensibles », précise Alexandre Davy.

Certaines matières actives comme le fluopicolide ou la cyazofamide sont suspectées de résistance avec des pertes d’efficacité observées en Champagne, ce qui n’est pas le cas dans d’autres régions où, positionnées en préventif, ces solutions fongicides ont été efficaces. La note commune sur les résistances aux fongicides qui paraîtra en janvier 2022 précisera la situation et les nouvelles recommandations.

Être plus réactif et s’équiper en conséquence

Dans ce contexte climatique très favorable au développement de la maladie, il était indispensable de resserrer les cadences quels que soient les produits utilisés. Une réactivité souvent difficile à mettre en pratique compte tenu du peu de jours disponibles pour traiter. « Les vignerons qui ont réussi à maîtriser le mildiou sont ceux qui ont réussi à protéger leur vigne entre les épisodes pluvieux, avec de la souplesse dans l’organisation mais aussi grâce à des matériels type chenillards pour intervenir parfois en situation de portance limite », souligne Arnaud Descotes.

La réactivité était encore davantage nécessaire en bio, compte tenu du lessivage des solutions fongicides à base de cuivre, avec un nombre de traitements qui a explosé, souvent au-delà de quinze passages. « Pour ces vignerons, le positionnement des fongicides (avant les évènements contaminants) et la répétition des passages ont fait la différence », remarque Benoît Bazerolle, conseiller viticole à la chambre d’agriculture de la Côte-d’Or.

D’autre part, la qualité de pulvérisation a bien souvent été déterminante. « C’est dans les années difficiles que les défauts de pulvérisation se font sentir. Le réglage correct des pulvérisateurs et un travail face par face sont nécessaires – mais pas toujours suffisants – pour assurer une bonne protection de la vigne », observait l’IFV en 2018 dans une note suite à une campagne déjà chahutée par le mildiou. Un message plus que d’actualité en 2021. « Les travaux en vert, comme l’épamprage et le relevage, ont par ailleurs été primordiaux pour une application efficace des traitements phytosanitaires ainsi que pour l’aération des grappes », ajoute Séverine Dupin. Là encore, le nombre de jours disponibles pour réaliser ces interventions en pleine pousse de la vigne était limité et explique une partie des échecs de protection.

Après une telle campagne, l’heure est venue pour les vignerons de s’organiser au mieux pour pouvoir traiter dans un délai court avec un matériel de pulvérisation adapté. Le contrôle et le réglage du pulvérisateur seront plus que jamais prioritaires pour les campagnes à venir.

Deux nouveautés antimildiou et un retrait

Pour la campagne 2022, les vignerons auront à leur disposition deux nouveaux fongicides antimildiou :

Le Pass Orondis qui associe deux fongicides (Orondis et Zongrum) dans un pack avec deux matières actives complémentaires, l’oxathiapiproline (OXTP) pour Orondis et l’amisulbrom pour Zongrum. Orondis est homologué à 20 g/ha et Zongrum à 75 g/ha. Syngenta annonce une tenue au lessivage de 60 mm.

Videryo F, spécialité fongicide qui associe 40 g/l de cyazofamide et 400 g/l de folpel, est homologué à 2,5 l/ha.

En revanche, comme prévu, le mancozèbe est désormais interdit. Cette matière active rentrait dans la composition d’une trentaine de spécialités fongicides.

à suivre

Et si on limitait l’inoculum primaire pour mieux maîtriser le mildiou ?

La lutte contre le mildiou de la vigne est centrée sur le contrôle des contaminations pendant la saison culturale et vise essentiellement la phase asexuée du pathogène. « Nous disposons en effet de peu de connaissances sur la phase sexuée hivernale du mildiou et le rôle de l’inoculum primaire, avoue François Delmotte, directeur de recherche Inrae. Nous ne savons pas en particulier quantifier cet inoculum dans les parcelles viticoles et on ne sait pas non plus si cet inoculum est limitant pour le développement de l’épidémie l’année suivante. Une de nos pistes de recherche serait de mettre en place des mesures prophylactiques, pour limiter la reproduction sexuée du mildiou et prévenir en amont l’épidémie de l’année suivante. »

Le chercheur et son équipe travailleront en collaboration avec l’IFV pendant trois ans (2022 à 2025) sur un projet qui vise à ramasser les feuilles des parcelles de vigne afin de mesurer l’impact de cette mesure sur la mise en réserve de la vigne et les contaminations primaires de mildiou au printemps suivant.

Ce sujet a été abordé lors de la cinquième édition du séminaire Vins et environnement organisé par l’ISVV le 10 novembre à Bordeaux Sciences Agro.

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