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Les initiatives de toastage se multiplient

Le toastage de protéagineux intéresse de plus en plus d’éleveurs. Les retours sont plutôt bons et les résultats des expérimentations sont très attendus.

La recherche d’autonomie alimentaire et de traçabilité, les démarches de lait sans OGM et l’essor du bio amènent de plus en plus d’éleveurs à produire des protéagineux. Utilisés crus, ceux-ci sont toutefois mal valorisés, car une grande partie des protéines est dégradée dans le rumen. Une piste est de les cuire par toastage pour protéger les protéines de la dégradation ruminale, permettant leur assimilation dans l’intestin et améliorant la valeur PDIE et PDIA. Depuis trois ans, les projets de toastage se multiplient donc. En Vendée, à l’initiative d’éleveurs laitiers du Grapea-Civam, la Cuma Défis 85 a acquis en 2015 un toasteur de la marque italienne Mecmar, au débit de 1,5-2 t/h, complété par un système de ventilation. L’ensemble est installé sur une remorque agricole qui se déplace sur neuf points de toastage. Vingt-trente éleveurs l’utilisent pour 350 t/an de graines, surtout de féverole, un peu de pois et de lupin. Dans le Sud-Ouest, deux toasteurs mobiles Mecmar circulent désormais en Hautes-Pyrénées, Gers, Landes et Pyrénées-Atlantiques, portés par la Cuma départementale du Gers et la Cuma LPI. Les deux appareils, de débit 1,5-2 t/h, sont complétés par un système de refroidissement et désormais fixés sur des remorques agricoles. Une centaine d’éleveurs de volailles et ruminants les utilisent, pour 1 200 t de graines en 2018, essentiellement du soja produit sur les exploitations.

Des toasteurs à fioul ou électrique

En 2016, la société bretonne Protéa Thermic s’est équipée d’un toasteur Mecmar de débit 4 t/h, installé sur un camion et couplé à un trieur. Le toastage est proposé en prestation dans le Grand Ouest, le Nord, l’Est et le Centre. Deux cents éleveurs y ont eu recours en 2018, dont 50-60 % en bio et près de 60 % en lait ; 5 000 t de graines ont été toastées, dont deux tiers de féverole, le reste en pois, soja, lupin. En 2019, la société va s’équiper d’un second appareil de débit 10 t/h. « Ce deuxième toasteur permettra d’augmenter les capacités de toastage et de faire face à la saisonnalité de la demande, précise Joël Guégan de Protéa Thermic. Et comme il sera équipé d’un chargement et d’une vidange pneumatiques, il sera plus souple à mettre en œuvre notamment lors du passage de graines conventionnelles aux graines bio. »

En Deux-Sèvres, le fabricant d’aliments Pasquier VGT’AL s’est doté d’un toasteur Mecmar à poste fixe qu’il propose en prestation aux éleveurs du département et limitrophes. En 2018, 3 000 t de graines de soja et lupin surtout ont été toastées, dont un tiers en bio. La société envisage d’acquérir un deuxième appareil. Dans les Monts du Lyonnais, un groupe de 10 éleveurs bio s’est engagé dans la production et le toastage de protéagineux suite à la décision de Biolait d’interdire l’achat de matières premières importées. Leur choix s’est porté sur un toasteur électrique Dilts-Wetzel importé des États-Unis, d’un débit de 800 kg à 1 t/h. Un des élevages, le Gaec du Mûrier, l’a acheté et toaste 25-30 t/an pour lui et 20-25 t pour d’autres éleveurs. « Comme il y a peu de protéagineux dans la région, un petit toasteur, prévu aux Usa pour 1 000 vaches, nous a paru plus adapté, explique Lionel Riche, du Gaec du Mûrier. De plus, l’appareil est très simple et nécessite très peu de surveillance et maintenance. Il peut tourner 24h/24 en passant seulement deux trois fois par jour sans risque d’incendie. Les formalités ont par contre été compliquées, avec l’obligation de se déclarer importateur, le passage en douane, la mise aux normes CEE. » En comptant les formalités, le toasteur a coûté environ 20 000 euros.

Une baisse du coût de la ration

Les analyses de graines montrent en général une amélioration des PDIE et PDIA après toastage. Mais les valeurs diffèrent de celles de l’Inra et les calculs ne prennent sans doute pas en compte l’effet du toastage. Globalement, les éleveurs utilisant des graines toastées sont satisfaits. Pour ceux qui apportaient des graines crues, le toastage permet en général d’augmenter le volume de lait. En Meurthe-et-Moselle, où 12 éleveurs font toaster du pois et du soja depuis 2017, « le ressenti est que le lait a augmenté de 2-3 l/VL/j, avec une baisse des taux en 2017 », indique Sophie Rattier de la chambre d’agriculture. Et pour ceux qui apportent des protéagineux toastés en substitution d’un correcteur azoté, les performances sont en général maintenues avec une baisse du coût de la ration. « La culture de protéagineux et le toastage ont réduit presque de moitié le coût de la protéine dans la ration, soit une économie de 17 000 €/an pour 100 VL », constate Lionel Riche. Tous ces résultats ne sont toutefois que des estimations ne tenant pas compte de la qualité des fourrages, de l’évolution des rations…

Les résultats sont parfois aussi plus mitigés. En Normandie, où 13 élevages apportant de la féverole ou du lupin toastés ont été suivis par la chambre d’agriculture en 2016-2017, 8 ont noté une hausse du lait (3 fiables, les autres ayant fait évoluer leur ration), souvent avec une baisse des taux, et 3 ont vu le volume et les taux baisser (avec des fourrages médiocres). « L’effet du toastage ne peut se mesurer que s’il vient corriger des fourrages de bonne qualité », conclut l’étude.

Plus intéressant sur la féverole

Côté éco

Le coût du toastage varie de 50 à 70 €/t selon le matériel, l’organisation, le type de graines. Il est de 140 €/h en Vendée, soit en moyenne 70 €/t, de 50 €/t en moyenne dans le Sud-Ouest et de 60 €/t pour Protéa Thermic et Pasquier VG’tal (70 €/t en bio). La hausse du prix du gazoil devrait toutefois faire grimper ces coûts en 2019. Enfin pour le toasteur électrique du Gaec du Mûrier, le coût est de 65 €/jour pour 600 kg à 1 t de graines toastées selon les espèces.

Zoom sur le process

° Le toastage est un procédé de cuisson qui engendre une modification chimique des protéines, qui se complexifient avec les sucres par la réaction de Maillard. Les protéines sont ainsi mieux protégées de la dégradation ruminale. Il détruit aussi les facteurs antinutritionnels des protéagineux, notamment du soja, et augmente leur appétence. Enfin, en asséchant les graines et en éliminant bactéries et champignons, il améliore la conservation.

° Sur les toasteurs Mecmar, un brûleur à fioul insuffle de l’air à 280 °C sous un tapis perforé, sur lequel passent les graines qui ressortent à 120 °C.

° Dans le toasteur électrique Dilts-Wetzel, une vis fait avancer les graines dans un tube de 150 mm de diamètre, lui-même inclut dans un tube de 300 mm, avec entre les deux tubes un bain d’huile chauffée à 160 °C. C’est la chaleur de l’huile qui cuit les graines. Le débit est réglé par l’inclinaison des tubes qui détermine la vitesse de passage des graines.

° Dans tous les cas, les graines doivent être triées et nettoyées avant toastage, notamment avec le toasteur Mecmar, pour éviter tout risque d’incendie. La Cuma du Gers oblige aussi à brancher un tuyau d’eau pour arroser le brûleur en cas de départ de feu. Enfin, elle conseille de faire sécher les graines avant toastage, pour gagner en débit de chantier et en gazoil et faciliter le stockage avant toastage, ce qui limite les problèmes de saisonnalité.

Une alternative au formaldéhyde chez les fabricants d’aliment

1 Dans le cadre du projet Proleval, Valorex a renouvelé son process industriel centré sur l’extrusion mise au point il y a 20 ans. Le nouveau process, utilisé aujourd’hui pour sa gamme Prodival et en test dans SOS Protein, combine des traitements thermiques (dont la cuisson-extrusion), mécaniques et enzymatiques. Les graines sont traitées sur le site de Valorex (35) et sur des sites de partenaires : dans la Vienne (Ekoranda-Terrena), l’Aveyron (Promash), le Doubs (Moulin d’Avanne). Et d’autres installations devraient voir le jour. « L’idée est de cultiver des protéagineux là où il y a un outil pour les cuire », explique Guillaume Chesneau, directeur Recherche & Innovations.

Certains protéagineux sont produits par des éleveurs et réintégrés dans l’aliment après traitement. D’autres achètent seulement l’aliment contenant des protéines locales. « Le prix bas du soja actuellement incite moins les éleveurs à se tourner vers les protéines locales, admet Guillaume Chesneau. Les démarches de lait sans OGM leur sont par contre favorables. Et les suivis faits chez des éleveurs montrent la pertinence technique et économique de l’utilisation de protéagineux ainsi traités. »

2 En 2017, Neovia a adapté son process de toastage mis au point pour les tourteaux de soja et colza il y a 4-5 ans, aux graines de protéagineux. Le procédé repose sur un broyage, l’ajout de sucre indispensable à la réaction de Maillard et un chauffage au-dessus de 100 °C pendant près de 2 h. « L’idée avec un chauffage long et doux est de favoriser une réaction de Maillard et qu’elle reste réversible dans l’intestin », explique Christine Gérard, responsable R & D Ruminants. Les graines, surtout de la féverole, sont traitées à Longué-Jumelles (49).

Dans le cadre de SOS Protein, Neovia a étudié l’effet du process sur la dégradabilité ruminale des protéagineux. Cent cinquante grammes de pois, lupin et féverole ont été traités sur un outil pilote avec deux concentrations de sucre et deux durées de chauffage. L’impact du traitement a été quantifié par la dégradabilité enzymatique 1 h (De 1h) de la protéine puis, pour la féverole, par l’incubation in sacco dans le rumen de quatre vaches pour mesurer la dégradabilité théorique (dt). La matière la plus réactive au process est le pois pour lequel le traitement réduit la De 1h de 50 points, contre 45 pour la féverole et 25 pour le lupin. Les mesures in vivo confirment l’effet bénéfique du traitement, avec un effet d’autant plus marqué que le taux de sucre est élevé et la durée de chauffage importante.

 

Des études dans le cadre de SOS Protein

Lancé en 2016 pour quatre ans avec plusieurs partenaires (chambres d’agriculture, Inra, instituts techniques, entreprises…), SOS Protein est un programme de recherche expérimentation visant à améliorer l’autonomie protéique en Bretagne et Pays de la Loire. Une piste explorée est celle des techniques de protection limitant la dégradation ruminale des protéines.

Les trois techniques de protection du Grapea (toastage à la ferme), de Neovia et de Valorex ont été mises au point et testées en laboratoire. Les protéagineux les plus intéressants sont le pois et la féverole. Le toastage a très peu d’effet sur le lupin, très pauvre en amidon, ce qui limite les réactions de Maillard.

Des résultats d’essais en fermes expérimentales au printemps

Pour permettre l’évaluation de ces techniques, l’Inra a élaboré une méthodologie basée sur les réponses biologiques de sécrétion de matières protéiques dans le lait. Et mené des essais sur la densité optimale d’un concentré pour permettre un transit rapide hors du rumen (1,1 à 1,3).

Des essais sont par ailleurs menés sur des lots de 2X16 et 2X19 vaches sur les fermes expérimentales de Trévarez (29) et des Trinottières (49) sur les hivers 2017-2018 et 2018-2019. Ils comparent l’effet des trois techniques appliquées à la féverole sur les performances du troupeau. Les résultats seront connus au printemps 2019.

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