Hauts-de-France : Les éleveurs de porcs de La Collégiale sont aussi des commerciaux
La viande de Coduno (abréviation de Cochon du Nord) est vendue aux grandes surfaces du nord de la France par ses producteurs. Ils prospectent les chefs bouchers et assurent le service après-vente.
La viande de Coduno (abréviation de Cochon du Nord) est vendue aux grandes surfaces du nord de la France par ses producteurs. Ils prospectent les chefs bouchers et assurent le service après-vente.
Ils sont une vingtaine d’éleveurs de la région des Hauts-de-France, adhérents de la coopérative Unéal et regroupés dans l’association La Collégiale, à avoir pris à bras-le-corps la commercialisation de leur production auprès des GMS de la région. Dès qu’ils le peuvent, ils prennent leur bâton de pèlerin pour aller prospecter les chefs bouchers des rayons « trad », là où la viande fraîche est vendue. « Chaque éleveur de l’association a la responsabilité du développement des ventes d’un secteur autour de son exploitation », explique Patrick Lardier, l’animateur de l’association. Leur mission consiste à prendre contact avec le responsable du rayon, puis de le convaincre de mettre du Coduno, le nom du cochon qu’ils produisent, sur leurs étals. Dans un deuxième temps, les éleveurs doivent entretenir l’intérêt des consommateurs par des animations auprès des consommateurs. Pour cela, l’association s’est dotée d’un budget de 15 000 euros afin de leur fournir tous les outils marketing nécessaires.
Santé et proximité, deux arguments majeurs de vente
Le Coduno est une marque privée appartenant à La Collégiale. Les porcs sont produits sous cahier des charges Bleu blanc cœur, qui impose de la graine de lin dans l’alimentation d’engraissement. Cette matière première apporte des acides gras oméga 3, réputés bons pour la santé des consommateurs. « Les chefs bouchers nous confirment que l’argument santé est un élément majeur dans l’acte de vente », souligne Didier Roisin, éleveur de porcs à Neuvireuil et président de La Collégiale. « De plus, la graine de lin améliore la qualité gustative de la viande. Des tests en aveugle l’ont prouvé. » Une seule lignée génétique mâle piétrain NN est autorisée (Maxter 16). « Nos clients sont très satisfaits de la qualité de la viande de cette génétique. Nous n’avons aucune raison d’en changer », rapporte Patrick Lardier. Le cahier des charges impose aussi une gamme d’aliments fabriqués par la coopérative Uneal. « Nous voulons que la production soit la plus homogène possible, avec une alimentation et une génétique identiques pour tous les cochons. » Les consommateurs apprécient aussi l’origine locale du Coduno, produit uniquement dans les Hauts-de-France. Une identification renforcée par le logo « Saveurs en or », une marque collective de certification régionale. « Les aliments locaux sont de plus en plus populaires parce qu’ils sont perçus comme plus frais, plus sains, et plus bénéfiques pour l’environnement et l’économie locale », souligne-t-on à La Collégiale.
20 c€/kilo en rémunération du travail fourni
La viande de Coduno est payée 40 centimes d’euro par kilo plus cher par les grandes surfaces que son équivalent en production conventionnelle. Il s’agit essentiellement de longes vendues en l’état. Libre ensuite au magasin de fixer le prix de vente des côtes de porcs et des rôtis aux consommateurs. Les éleveurs touchent tous les mois 20 centimes d’euro par kilo de viande vendue sur leur zone en rémunération de leur travail. « Pour certains, cela correspond à plus d’un Smic », constate Patrick Lardier, qui souligne que ce retour constitue aussi un argument de vente. « Les consommateurs apprécient que leur acte d’achat permette une meilleure rémunération de l’éleveur, ce qui leur semble loin d’être garanti pour des produits issus de circuits longs. » Tous perçoivent également une base de 4 euros par porc certifié Coduno. « Nous ne labellisons pas les carcasses de plus de 93 kg froid, car leurs longes sont trop lourdes pour être valorisées en magasin. » L’objectif de faire correspondre la production aux besoins des clients est bien présent dans l’esprit des éleveurs de La Collégiale. « Le contact en direct avec nos clients nous permet de prendre rapidement conscience de ces besoins », explique Didier Roisin, qui souligne que le cahier des charges n’étant lié à aucun signe officiel de qualité peut évoluer à tout moment.
La production de Coduno est de 1 100 porcs par semaine. Une petite partie part en carcasses complètes vers des boucheries traditionnelles de la région. Pour valoriser les autres pièces des carcasses que les longes achetées par les GMS, La Collégiale travaille avec un salaisonnier local intéressé par la démarche Bleu blanc cœur. Il produit une gamme complète de charcuterie : jambon à l’os, pâtés, saucisses, saucissons, avec un procédé de fumage traditionnel au bois de hêtre. « Malgré cette diversification récente, nous ne sommes qu’à 35 % de valorisation de la carcasse », concède Patrick Lardier. « Notre objectif est d’augmenter cette valorisation pour mieux rémunérer les éleveurs ».
Christophe Poidevin, éleveur de 170 truies NE à Les Moëres, dans le Nord
« Le courant passe très vite avec les chefs bouchers »
« Les premiers contacts avec les chefs bouchers des grandes surfaces sont parfois maladroits, mais très vite le courant passe. Dès lors qu’on se présente comme éleveur au téléphone, nous arrivons très vite à décrocher un rendez-vous. Les chefs bouchers apprécient la relation directe au producteur. Nous pouvons répondre aux questions techniques, et si besoin nous les invitons à visiter nos élevages. Ça apporte toujours quelque chose et cela permet de renforcer nos liens. Nous créons souvent des relations de sympathie avec eux. Ils veulent qu’on s’en sorte et estiment devoir contribuer à une meilleure rémunération de notre production en achetant nos produits. Pour ma part, j’éprouve une certaine fierté à faire bénéficier de cette démarche aux adhérents de la coopérative Unéal qui ont la volonté de se diversifier. Je fais travailler les entreprises régionales et je vois que le résultat de mon travail est apprécié. »
Des porcs sur paille pour diversifier la production
L’association La Collégiale mise aussi sur le développement d’une production de porcs Bleu blanc cœur élevés sur paille et développée par la coopérative Unéal. Ce mode de logement et sa marque – Délicochon – existaient déjà à la création de l’association. Mais la production était tombée en désuétude par manque de débouchés. Délicochon vient en complément du Coduno pour approvisionner les magasins de distribution alimentaire Prise Direct créés par le groupe Advitam en 2016 pour valoriser les débouchés de ses adhérents. « Il nous faut un produit différencié de celui vendu en grande surface. La paille peut faire cette différence", explique Henri Florin, directeur des productions animales de la coopérative Unéal. Aujourd’hui, La Collégiale alimente le rayon boucherie de six magasins Prise Direct. L’objectif est de créer 20 nouvelles enseignes d’ici 2020 au Nord de Paris. « Beaucoup d’entre eux sont favorisés par leur implantation urbaine, propice au développement de la vente directe." Le potentiel de production est estimé à 15 000 porcs par an. Il reste désormais à trouver des éleveurs qui acceptent de se diversifier et de créer les bâtiments d’engraissement sur paille, avec à la clé un prix de vente minimum garanti et une plus-value de 30 centimes d’euro par kilo de carcasse labellisée.