Alimentation animale : le soja non déforestant "mass balance" en passe de devenir la norme en France
Le marché européen du soja se segmente selon les lieux d’origine, mais surtout en fonction des caractéristiques imposées par les acheteurs. Alors que la règlementation européenne sur la non déforestation importée, en version traçabilité depuis la parcelle, est pour l’instant suspendue, les marchés se concentrent d’une part sur la non déforestation "mass balance" et d’autre part sur les derniers cahiers des charges non OGM, le bio restant là comme ailleurs un marché totalement distinct.
Le marché européen du soja se segmente selon les lieux d’origine, mais surtout en fonction des caractéristiques imposées par les acheteurs. Alors que la règlementation européenne sur la non déforestation importée, en version traçabilité depuis la parcelle, est pour l’instant suspendue, les marchés se concentrent d’une part sur la non déforestation "mass balance" et d’autre part sur les derniers cahiers des charges non OGM, le bio restant là comme ailleurs un marché totalement distinct.

Sur les 30 Mt d’équivalent tourteau de soja consommés par la nutrition animale européenne (3,5 Mt pour la seule France), une part assez faible et constante est produite sur place (2,9 Mt), l’autonomie de l’Union européenne restant minime. Mais cette fraction du soja sert ses segments les mieux valorisés, celui du bio et celui du non OGM.
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Le soja non OGM en perte de vitesse
Seuls quelques pays dans le monde sont encore capables de fournir du soja non OGM en dehors du bassin UE/Danube, comme l’Inde et l’Afrique de l’Ouest, plus spécifiquement le Nigeria. Dans ces zones, la productivité est faible, autour de 1 t/ha pour des producteurs exploitant en moyenne 1 hectare. À titre de comparaison, une exploitation brésilienne pour du soja standard va afficher 3,5 à 4 t/ha dans des exploitations de plus de 200 hectares.
Une productivité en soja non OGM très variable selon les pays producteurs
Du côté du soja UE, naturellement non OGM règlementairement, les rendements peuvent afficher 2 à 2,5 t/ha mais les coûts de production restent sans commune mesure avec ceux de l’Amérique du Sud.
Le soja bio en mode résistance
Certaines des origines du soja non OGM sont également capables de fournir des certificats bio, même si certains opérateurs, comme Sanders, excluent l’origine Inde, perçue comme incertaine. À noter que l’Union européenne produit environ 280 000 t de graines de soja bio, principalement en France, Autriche, Roumanie, Allemagne et Italie. Elle en consomme environ 470 000 t de graines, dont 350 000 t pour l’alimentation animale.
Le principal pays tiers fournisseur de graine de soja bio reste le Togo qui a largement renforcé sa présence depuis 2018 (production multipliée par six entre 2018 et 2024). Seules la Croatie et la Roumanie sont autosuffisantes mais sur de petits volumes.
La Chine, principale fournisseur de tourteau de soja bio à l'Union européenne
Quant aux tourteaux de soja bio, moins présent dans nos achats, c’est la Chine qui fournit 60 % des 261 000 t d’équivalent graines consommées par l’Union européenne. Cette dernière n’est au total autosuffisante qu’à hauteur de 38 % en soja bio toutes formes confondues.
Le soja non déforestant en vogue
Hors bio, l’Union européenne achète principalement des tourteaux, même si elle consomme des graines oléagineuses dans ses usines de trituration : une année comme 2025 est d’ailleurs plus favorable à la trituration de soja que de colza. La France est encore plus consommatrice de tourteaux que la moyenne européenne (82 %).
La segmentation totale du champ à l'usine induit un surcoût non négligeable
Fournir du non OGM exige une segmentation totale de la graine au champ à la livraison du tourteau en usine d’aliments pour animaux, y compris des garanties pour toute la logistique. Or, qui dit segmentation dit forcément prime. Toutefois, le critère non OGM pouvant être vérifié par analyse, la charge de la preuve est moins lourde que pour une traçabilité sur un critère non analysable en laboratoire comme la non déforestation.
Pour l’instant, le marché de la non déforestation en version traçabilité depuis la parcelle n’existe pas : aucune cotation n’est proposée tant que la date d’entrée en vigueur du règlement européen reste assez lointaine.
Certains lots, achetés alors que le report de l’entrée en vigueur de cette réglementation européenne n’était pas encore validé, à l’automne 2024, ont pu afficher des primes entre 40 et 60 €/t. Mais pour 2025, personne ne semble positionné sur ce segment. C’est donc la non déforestation « mass balance » qui est proposée aux acheteurs, notamment français. Ils se sont engagés dans la charte Duralim et sa montée en puissance vers le 100 % d’achats garantis sans déforestation pour l’année 2025 (après une croissance régulière de cette part sur les quatre dernières années). La quasi-totalité des marchés français étant désormais en non déforestant "mass balance", il n'est plus vraiment question de prime mais plutôt de prix. La différence tarifaire avec du standard (OGM) s’affiche actuellement autour de +3 €/t à +4 €/t.
Qu’est-ce que l’approvisionnement en "mass balance" ou "bilan massique" ?
Il existe de multiples façons de s’approvisionner en ingrédients certifiés pour les produits de consommation. Selon la définition de Rainforest Alliance, lorsque les entreprises assurent la séparation physique des ingrédients achetés à une ferme certifiée par rapport aux ingrédients non certifiés tout au long de la chaîne d’approvisionnement, on parle d’un "modèle en ségrégation" de l’approvisionnement. Lorsque les entreprises optent pour un approvisionnement en "mass balance" ou "bilan massique", les ingrédients certifiés et non certifiés sont mélangés à un moment ou un autre du transit ou de la production du produit final.
En "mass balance", il ne s’agit pas de tracer chaque lot d’un produit agricole de la production à la consommation, mais d’identifier les producteurs respectant des critères déterminés - cela peut être le non travail des enfants ou la non déforestation - et de leur verser une prime directement.