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L’arbre et la haie, alliés des éleveurs

Renchérissement du prix du pétrole et sécheresses estivales récurrentes ont fait émerger de nouvelles utilisations du bois bocager. Il devient une alternative aux énergies fossiles et à la paille de litière, sans négliger de nouvelles possibilités encore balbutiantes pour l’alimentation des bovins.

éleveur taille haies
© C.Delisle

Arbres et haies sont incontournables dans les zones d’herbage. Historiquement, les haies répondaient à quatre finalités. Éviter d’avoir à garder les animaux pour les empêcher d’aller sur les cultures. Borner le parcellaire et signaler l’appropriation légale du sol. S’y ajoutait une fonction alimentaire par la présence des châtaigniers, noyers et autres arbres fruitiers. Enfin, être source de combustible.

Avec l’arrivée du cadastre, des clôtures en fils barbelés puis électriques, une partie de ces fonctions sont devenues caduques. Puis entre 1950 et 1980, quand les énergies fossiles étaient bon marché, le bois de chauffage a perdu l’essentiel de son intérêt. Au cours du même intervalle de temps, le bocage a été sans ménagement adapté à la spécialisation des exploitations et à la mécanisation de l’agriculture. Les haies ont alors davantage été analysées comme un handicap et non comme un atout.

D’après Solagro, un cabinet d’Ingénierie, conseil et formation dans le secteur de l’agroécologie, la méthanisation, le bois énergie et le gaz renouvelable, près de 70 % des 2 millions de kilomètres de haies présents en France à l’apogée du bocage (1850-1930) ont été détruits, soit 1,4 million de km. Cette suppression à grande échelle a connu un pic entre 1960 à 1980. Elle s’est depuis nettement ralentie, mais le linéaire des haies françaises continue de régresser. Au cours de ces dernières années, les quelque 3 000 km de haies plantées par an en moyenne ne compensent pas les 11 500 km de disparition annuelle. L’érosion a en particulier été très nette ces vingt dernières années dans bien des départements des zones dites « intermédiaires » où la polyculture associée à l’élevage allaitant a peu à peu cédé la place à la spécialisation vers les grandes cultures.

Se protéger des intempéries

Dans les zones d’élevage et en particulier celles largement concernées par les systèmes allaitants, le recul est nettement plus modeste. Le bocage est très présent et remplit encore tout son rôle de protection des troupeaux des intempéries, tant en début du printemps qu’en fin d’automne, tout en procurant de l’ombrage lors des chaudes journées de plein été. « Beaucoup d’agriculteurs sont très sensibles à ce volet. Le confort de leurs animaux fait partie de leurs priorités et la présence des haies et arbres isolés y contribue largement. Un animal qui n’est pas dans des conditions optimales n’est pas en mesure d’exprimer tout son potentiel. C’est tout simplement une question de bon sens ! », souligne Sylvie Monnier, directrice d’une mission technique dédiée aux bocages et aux agroforesteries, rattachée à l’association Union régionale des forêts et des haies Auvergne Rhône-Alpes.

« Certains éleveurs sont aussi attachés au fait d’avoir de belles haies bordées de grands arbres sur leur parcellaire. Cela contribue à rendre leur cadre de vie agréable et met en valeur leur cheptel. Bien des sélectionneurs charolais mettent leur lot de jeunes taureaux proposés à la vente dans de belles pâtures à l’ombre de chênes dont le diamètre des fûts en impose. Le coup d’œil n’en sera que meilleur ! », poursuit Sylvie Monnier. Et de regretter que la plupart de ces grands arbres ont trop souvent peu de remplaçants potentiels pour les années à venir. Les habitudes et la facilité de travail font que de nombreuses haies basses sont passées annuellement à l’épareuse sur leurs trois côtés sans relever l’outil d’un bout à l’autre de la haie. Les jeunes tiges d’avenir qui pourraient permettre le renouvellement des arbres de haut jet à moindres frais passent toutes dans le broyeur avec forcément à terme le risque de voir les beaux et grands arbres se raréfier peu à peu dans le bocage alors qu’ils contribuent à sa beauté.

Intérêt croissant pour le bois énergie

À côté de leur rôle pour la protection et le bien-être des cheptels, bien des éleveurs ont pris conscience de l’intérêt des arbres et des haies pour répondre à un nouvel enjeu que l’on croyait perdu : le bois énergie. Ce renouveau est en grande partie lié aux évolutions techniques du matériel agricole et forestier. Comparativement au bois bûche, gourmand en main-d’œuvre, l’arrivée de la plaquette a révolutionné l’utilisation du bois en tant que source d’énergie. En modernisant sa récolte, sa transformation puis son stockage, elle permet de gagner du temps, de travailler en sécurité tout en limitant la pénibilité du travail. Même si la tronçonneuse demeure un outil clé, les grappins coupeurs prélèvent des brins entiers puis les disposent de façon à rationaliser les chantiers de déchiquetage. Avec des déchiqueteuses, le volume nécessaire aux besoins annuels d’une chaudière individuelle est ensuite broyé en quelques heures. La durée de séchage des plaquettes n’excède pas six mois soit deux à cinq fois moins que des bûches, ce qui permet d’utiliser du bois coupé dans l’année. Les nouvelles chaudières au bois déchiqueté affichent un réel confort d’utilisation si on les compare aux chaudières à bûches qu’il est nécessaire de regarnir très régulièrement. Elles n’ont plus rien à envier aux chaudières au gaz ou au fioul. Ces plaquettes sont également de plus en plus utilisées pour des chauffages de collectivité. Elles alimentent également des unités de cogénération de dimension conséquente. Autant de débouchés où l’offre pouvant être proposée par des agriculteurs ou groupes d’agriculteurs se retrouve en concurrence avec celle des différents acteurs du monde de la forêt qui proposent de leur côté des volumes conséquents avec une qualité également plus régulière d’autant que les filières bois énergies ont des exigences croissantes pour la qualité des plaquettes utilisées. Pour autant, produire du bois énergie constitue pour des éleveurs une possibilité de diversifier leurs sources de revenu sans révolutionner le fonctionnement de leur élevage mais en cherchant à valoriser au mieux l’existant.

Un substitut possible à la paille

L’autre utilisation spécifiquement agricole est celle de la plaquette litière. Son recours est très lié à la multiplication des stabulations libres et de leurs aires de couchage sur litière accumulée. Un mode de logement qui a considérablement accru les besoins en paille dans toutes les zones d’élevage et en particulier d’élevage allaitant. Ce n’est pas sans conséquences sur le marché de la paille, avec des tensions accrues côté tarifs, surtout dans un contexte de sécheresses estivales récurrentes. « Le fait d’utiliser des plaquettes pour confectionner la litière change l’approche et le regard des éleveurs sur le bocage », souligne Étienne Bourgy, chargé de projet énergies à la chambre d’agriculture de la Nièvre.

Plaquette énergie ou plaquette litière, ces nouveaux débouchés pour le bois incitent certains éleveurs à faire évoluer la façon dont ils gèrent leur bocage. Un des enjeux est de remettre des haies en production et pour cela de substituer la haie basse par de la haie de haut jet en confortant son bilan carbone, d’autant que le fioul nécessaire aux cinq passages d’épareuse pour l’entretien « au carré » d’une haie basse laisse à penser qu’elle émet davantage de carbone qu’elle n’en stocke.

Des haies pour compenser des émissions de carbone

Il n’est pas interdit de penser que des éleveurs puissent un jour bénéficier de crédit carbone compte tenu de la capacité du bocage à prélever du gaz carbonique et à le stocker dans le bois des haies bocagères. Ils leur seraient attribués pour permettre de « compenser » les émissions faites par d’autres acteurs de l’économie et constituerait une incitation supplémentaire à conforter la présence d’un bocage bien géré. Les haies hautes associant des grands arbres (chênes, châtaigniers, frênes, hêtres…) à des essences plus basses (noisetiers, charmes, érables champêtres, aulnes glutineux…) auraient alors forcément davantage d’intérêts que des haies basses maigrichonnes rabotées sans ménagement à l’épareuse chaque année. « Nous sommes en train de mettre en place une méthode pour mieux chiffrer cet impact pour des haies de haut jet. Nous devons être plus précis dans notre approche en prenant en compteur la hauteur de la haie, le nombre de tiges par unités de longueurs et l’impact des différentes d’essences », indique Sylvie Monnier.

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