Voilà une génisse logée dans la stabulation et alimentée à l’auge. Ni le week-end dernier ni lundi, personne ne l’a vue malade. Pourtant elle devait bien présenter de petites anomalies de son comportement, de son attitude et de son faciès. Mardi, elle penche sans doute un peu la tête, l’oeil est déjà immobile, paralysé, complètement sec et l’oreille du même côté pend.
Mercredi ces signes s’accentuent. La voilà maintenant qui perd de la salive du côté gauche et qui, debout, tourne en rond tranquillement dans la case. Elle ne vient plus à l’auge ; elle est fébrile. Dans l’après-midi, appel au véto qui après examen ne laisse pas de place au doute : avec des symptômes aussi précis, la génisse est victime d’une encéphalite bactérienne provoquée par une Listeria. Prise tôt et traitée énergiquement, la listériose a quelques chances de guérir. Mais à ce stade ? Malgré la très forte dose d’antibiotiques qu’elle a reçue hier, elle est maintenant couchée et va mourir.
UN ENSILAGE SOUILLÉ ET UNE PLAIE DANS LA BOUCHE
D’où vient cette bactérie et par où est-elle passée pour atteindre le cerveau de cette jeune bête en pleine force de l’âge ? Les temps sont devenus durs avec des stocks fourragers réduits, et depuis trois semaines maintenant le troupeau consomme un ancien stock d’ensilage d’herbe plutôt mal conservé.
Les vaches ont bien sûr droit au meilleur et les génisses aux restes, c’est-à-dire aux parties les plus altérées, les plus riches en Listeria en provenance du sol qui sont aussi les plus propices à son développement. La bactérie abondante dans le fourrage n’a plus qu’à pénétrer dans l’organisme par une plaie de la bouche - par exemple par la petite plaie de la gencive laissée après la chute des dents de lait. Et voilà comment une mauvaise année fourragère s’associe à une surveillance superficielle pour tuer une génisse pourtant prometteuse.