Travailler sur le lien phytos-élevage pour réduire son IFT
Faire plancher sur le système d’exploitation un groupe d’agriculteurs, un expert cultures et un expert élevage. Tel est l’accompagnement original dont a bénéficié le Gaec de Révion, dans les Vosges, dans le cadre du projet Phytoel.
Faire plancher sur le système d’exploitation un groupe d’agriculteurs, un expert cultures et un expert élevage. Tel est l’accompagnement original dont a bénéficié le Gaec de Révion, dans les Vosges, dans le cadre du projet Phytoel.
« On voit bien que l’approche phytos uniquement au niveau des cultures a des limites. Quand on change l’utilisation de la surface, cela a un impact sur le système fourrager, donc sur le système d’élevage et sur l’organisation du travail », argumente Véronique Laudinot, animatrice du groupe Dephy des Vosges. Véronique est l’un des douze ingénieurs des réseaux Dephy et Inosys ayant participé au projet Phytoel. La spécificité de Phytoel est d’aborder la réduction d’usage des produits phyto en prenant en compte le lien phytos-élevage. Vingt-six exploitations de polyculture-élevage ont bénéficié de cet accompagnement particulier. C’est le cas du Gaec de Révion qui fait partie, depuis sa création en 2011, du groupe Dephy animé par Véronique Laudinot. Situé à 350 mètres d’altitude dans la « plaine vosgienne », à Bazegney, il valorise une surface de 275 hectares, dont 151 hectares en prairies naturelles. Comme beaucoup d’exploitations de la région, les trois associés du Gaec mènent de front trois ateliers : un atelier laitier produisant près de 600 000 litres avec 70 vaches en système robotisé, un atelier viande (30 vaches allaitantes, de l’engraissement) et 112 hectares de cultures.
« À vous d’imaginer les pistes pour réduire l’IFT de 50 % »
Le principe de Phytoel est de faire plancher, sur le système de l’exploitation, un trinôme : les agriculteurs du groupe Dephy, l’expert cultures du réseau Dephy (Véronique Laudinot) et l’expert élevage du réseau Inosys (Rémi Georgel). Ceci en respectant les objectifs des exploitants. En pratique, le groupe s’est réuni une première fois. La réunion a commencé par une présentation très complète du fonctionnement du Gaec de Révion. « L’idée était de dire voilà où on en est au niveau de l’élevage, des cultures, des pratiques, de l’utilisation des phytos… Maintenant à vous de jouer, d’imaginer tous les changements possibles pour réduire l’utilisation des phytos avec un objectif de - 50 % d’IFT. Le but étant, à l’issue de la séance, de construire un nouveau système de cultures et d’évaluer les implications sur l’atelier élevage », explique Véronique Laudinot. Le Gaec de Révion avait toutefois le droit de fixer une condition : il a imposé le maintien de la productivité des vaches laitières (8 300 litres). « Chacun a amené les pistes qu’il mettait en place chez lui. L’intérêt du groupe, c’est que chacun partage son expérience, donne son avis. Cela ouvre des pistes auxquelles on n’aurait pas pensé tout seul » , souligne Julien Marie, responsable des cultures.
Suite à cette réunion, Rémi Georgel et Véronique Laudinot ont bâti deux scénarios qui ont été présentés au groupe. Des scénarios avec un objectif ambitieux, puisqu’ils permettent de faire baisser l’IFT de l’exploitation (inférieur de 32 % à la référence régionale de 4,4) de 3 à 1,4. Le premier scénario ne changeait pas la configuration de l’atelier viande ; le deuxième supprimait un atelier de taurillons au profit des bœufs. L’impact économique s’est avéré sensiblement le même dans les deux scénarios : de 165 000 euros (34 % du produit brut), l’EBE passe à 181 000 euros dans le premier scénario et 178 000 euros dans le deuxième (37 % du produit brut). Mais dans le scénario 2, la baisse du produit est compensée par une baisse supérieure des charges.
Enclencher le changement par petites touches
Certaines des pistes ont commencé à être mises en place, mais toutes n’ont pas été retenues. L’intérêt de ce travail est avant tout d’enclencher le changement. Pas de changement radical ici, puisque la volonté est de maintenir la productivité laitière. La particularité de l’exploitation est d’être implantée sur deux sites distants de 7 km. Un site laitier de 135 ha avec beaucoup de prairies naturelles et peu de surfaces en culture (25 ha) avec du maïs qui revient souvent dans la rotation. Et un site viande de 138 ha avec beaucoup de céréales d’automne et un tiers de prairies naturelles. L’idée d’augmenter la surface en maïs sur le site viande pour couper la rotation avec une culture de printemps, réalisable, a été abandonnée : « à cause du transport : je ne me vois pas trimballer de l’ensilage et du fumier d’un site à l’autre sur 7 km », affirme Julien. D’autres leviers ont pour le moment été mis de côté : la culture de méteils, le désherbage en post-levée du colza, ou encore le binage du maïs. « C’est un petit plus mais il y a plein d’autres leviers efficaces », commente Véronique. « Je ne suis pas équipé, ajoute Julien. Je suis plutôt parti cette année sur des interrangs courts avec un semoir à céréales. »
Du pois de printemps (5 à 7 ha) a été introduit dans la rotation du site viande (colza-blé-maïs-blé-orge). Il est autoconsommé par les bœufs et, depuis cette année, par les vaches. Il coupe le cycle des mauvaises herbes, apporte des protéines dans la ration et permet de mettre moins d’engrais. Le rendement s'est élevé à 35 q/ha en 2017 et 55 q en 2018. Le Gaec met aussi davantage de luzerne (7 ha au lieu de 3 ha), sur les deux sites. Pour réduire la pression des mauvaises herbes, il mise aussi sur l’alternance au niveau travail du sol (labour, semis direct, travail superficiel). Et il utilise des mélanges variétaux en blé, « mais pas plus de deux ou trois variétés ».
Des sécheresses qui compliquent la donne
L’objectif aujourd’hui est aussi de mettre une quinzaine d’hectares de couverts. « Et de les faire pâturer par les bœufs , souligne Pascal. On utilise des semences fermières d’avoine et pois. Mais cette année, avec la sécheresse, nous n’avons pas pu les semer. » Le département des Vosges (600 dossiers sécheresse en cours !) a été particulièrement touché. « On a ensilé le maïs le 6 ou le 7 août ! Avec ce maïs de très mauvaise qualité, la production stagne à 28 kilos ».
Julien fait aussi des faux semis… quand c’est possible, donc pas les deux dernières années. Il décale les dates de semis de blé et de colza pour éviter un désherbage précoce. « Le maïs, on a intérêt à le semer tard pour les mauvaises herbes ; mais si on veut du rendement, il faut le semer tôt. » Le réchauffement climatique complique la donne. « Il va falloir faire davantage de stocks. » La surface en maïs va être maintenue autour de 35 ha, contrairement aux scénarios.
Depuis 2016, l’IFT n’a pas encore beaucoup diminué. Mais « quand on change les rotations et qu’on travaille à l’échelle du système, il faut plusieurs années de transition pour voir les effets sur la réduction de consommation d’herbicides, explique Véronique Laudinot. Les surfaces en pois et luzerne restent ici peu importantes. Et les aléas climatiques des dernières années n’aident pas à avoir un effet rapide. » La démarche a en tout cas été appréciée par les agriculteurs du groupe et plusieurs d’entre eux ont demandé à bénéficier du même accompagnement.
Chiffres clés
Le Gaec de Révion en 2018 :
Davantage d’autoconsommation
Le travail sur les phytos a conduit à :