Sept conseils pour élever les veaux à l’herbe dès 15 jours
La ferme expérimentale de la Blanche-Maison dans la Manche fait pâturer ses veaux dès leur plus jeune âge depuis 2017. Les croissances sont au rendez-vous.
La ferme expérimentale de la Blanche-Maison dans la Manche fait pâturer ses veaux dès leur plus jeune âge depuis 2017. Les croissances sont au rendez-vous.
Le pâturage des veaux nés au printemps s’avère souvent compliqué la première année, remarque Lucie Morin, chargée d’études à la ferme expérimentale de la Blanche-Maison. Dans nos précédents essais menés pendant six ans, nous avons observé un ralentissement de la croissance lors de la mise à l’herbe (fin août-début septembre) quand les veaux atteignent l’âge de 5-6 mois. » Avec un âge au vêlage de 30 mois, ce ralentissement de croissance est acceptable. Mais il l’est moins si on cherche à faire vêler les génisses entre 24 et 27 mois. C’est pourquoi la ferme a décidé de tester, depuis mai 2017, l’élevage des veaux à l’herbe dès 15 jours, en vue d’améliorer les performances de croissance tout en valorisant au maximum l’herbe pâturée. « Au départ, seuls les veaux nés au printemps et en été ont été élevés à l’herbe. Et, comme les résultats de la première année d’essai ont été bons, nous avons décidé de faire la même chose avec les veaux nés l’hiver dernier (entre février à mi-mars). » Voici le mode d’emploi employé à la Blanche-Maison.
Prévoir un abri pour les veaux
« Maintenir un abri est important afin d’éviter d’exposer les veaux aux températures froides et aux courants d’air. C’est utile aussi pour qu’ils puissent se mettre à l’ombre l’été en cas de fortes chaleurs, indique Lucie Morin. Au moins s’ils ont un abri à disposition, ils ont le choix de s’installer où bon leur semble. Nous avons été surpris de voir que même quand il pleut fort, les veaux préfèrent rester dehors. »
A la Blanche-Maison, la nurserie est attenante à une prairie avec un accès direct par une porte de 4 m. Les veaux peuvent ainsi entrer et sortir à leur guise. Ils accèdent à l’auge, au râtelier, à l’abreuvoir et aux bacs à tétines à l’intérieur. « Cet aménagement n’est pas possible partout, mais c’est une bonne solution dans les périodes de transition en fin d’hiver ou début de printemps, ainsi qu’à l’automne pour profiter plus largement du pâturage en début et fin de saison », souligne Lucie.
L’aménagement d’une dalle bétonnée, à l’autre extrémité de la parcelle, permet également de loger d’autres veaux. Cinq niches individuelles avec courettes servent au démarrage des veaux jusqu’à 15 jours et cinq autres niches individuelles servent d’abri aux veaux de plus de 15 jours à l’herbe. Une barrière accueille les bacs à tétines, les alimentateurs à concentrés et le râtelier de paille. Un abreuvoir a également été installé sur cette dalle. « C’est important que l’abreuvement intervienne sur un sol stabilisé. » Lorsque la période de vêlage est terminée et que tous les veaux sont démarrés, la barrière est déplacée à l’extrémité de la dalle afin que les veaux accèdent aux dix niches individuelles.
Choisir des clôtures adaptées
La parcelle de 40 ares est clôturée en doubles fils High-Tensil à 50 et 90 cm de hauteur. « Nous avons essayé les filets à moutons électrifiés (grillages souples) mais cela ne s’est pas montré aussi convaincant que la clôture électrique avec deux fils. Les veaux passaient plus facilement à travers. » Les découpages internes à la parcelle se font avec deux fils tressés et des piquets de ferraille. « Par ailleurs, il est plus facile d’habituer à la clôture les veaux de 15 jours que les animaux de 6 mois. »
Offrir une herbe de qualité en quantité suffisante
« Nous avons été surpris des quantités d’herbe que des veaux d'un mois peuvent consommer ! », témoigne Lucie. Ils s’adaptent très vite au pâturage. » Les veaux sont mis à l’herbe dans un paddock d’environ 40 ares. Les éleveurs avancent un fil tous les semaines. « Pour les veaux, on privilégie une herbe jeune, pas trop riche en azote. Chez nous, la parcelle est une prairie naturelle. Il ne faut pas non plus que l’herbe soit trop haute, ni épiée, sinon ils ont du mal à la consommer. »
Protéger les concentrés de l’humidité
Les veaux reçoivent du concentré à volonté. « Nous distribuons du maïs grain quand l’herbe est de bonne qualité et un mélange de maïs grain et colza (70/30) quand la valeur de l’herbe diminue. » Pour qu’il soit bien ingéré, le concentré doit rester bien sec. S’il s’humidifie, il perd de son appétence, et les veaux n’y touchent plus. La ferme s’est équipée de deux alimentateurs pour protéger le concentré de la pluie. « Mais cela ne suffit pas. A l’automne 2017, nous avons eu quinze jours de pluie. Durant cette période, les veaux n’ont quasiment pas consommé de concentrés, ni fait de croissance. Cette année, nous avons confectionné un petit toit au-dessus des alimentateurs pour que la pluie ne puisse plus couler dans les bacs. »
Le râtelier à paille aussi a été couvert. De l’eau propre est également maintenue à disposition.
Adopter un plan de buvée collectif
Pour faciliter le travail, la distance pour amener le lait aux veaux doit rester limitée. « Le but est de se simplifier la vie, pas l’inverse !, insiste Lucie. Nous utilisons un taxi-lait pasteurisateur pour transporter le lait jusqu’à la dalle (50 m). L’accès est bétonné. »
A partir de la troisième semaine, les veaux sont alimentés le matin seulement. Ils reçoivent alors 6 litres par veau par buvée dans des bacs à tétines collectifs (30 l pour 5 veaux), jusqu’au sevrage. « Cette année, ils ont reçu du lait entier de la traite de la veille, pasteurisé durant la nuit. L’an dernier, ils avaient reçu du lait yoghourt. »
Dès que les veaux passent à une buvée par jour, ils sont placés en conduite collective à l’herbe.
Limiter la concurrence entre les veaux
Le fait de distribuer une seule buvée par jour accroît la concurrence entre les veaux les plus âgés et les plus jeunes. « C’est pourquoi, on préfère limiter les lots à quinze animaux maxi. Au-delà, on subdivise le groupe en fonction des poids. »
Elever les veaux à l’herbe implique souvent de grouper les vêlages pour limiter la concurrence entre les veaux. « Avec le système de reproduction en bandes que nous avons mis en place, nous avons quatre périodes de vêlage (une par saison) de six semaines chacune. » Les veaux ont donc un écart d’âge de six semaines maximum au sein d’un même lot.
Surveiller le parasitisme
Le suivi parasitaire réalisé par le GDS de la Manche sur les veaux (de deux mois jusqu’à leur rentrée en bâtiment) n’a pas montré d’infection par les strongles digestifs et pulmonaires nécessitant un traitement. « Il y a eu quelques différences entre lots, mais globalement dans les conditions de la ferme et de l’année (suivi réalisé en 2017), l’élevage des veaux à l’herbe n’a pas favorisé le risque parasitaire. »
Mise en garde
« Avec des veaux à l’herbe plutôt qu’en nurserie, il faut penser à garder un contact proche avec les animaux pour éviter qu’ils ne deviennent trop sauvages et difficiles à attraper, recommande Lucie Morin. Passer devant eux et distribuer le lait une fois par jour ne suffit pas. » Et évidemment même à l’herbe, il ne faut pas relâcher la surveillance et le suivi sanitaire des animaux (diarrhées, etc.)
Le pâturage profite surtout aux veaux après le sevrage
L’objectif des 90 kg au sevrage a été atteint en mettant les veaux à l’herbe dès 15 jours. Les veaux élevés à l’herbe affichent des performances de croissance similaires aux veaux élevés en nurserie durant la phase lactée (sevrage à 96 kg à 12 semaines). « De la naissance au sevrage, leur GMQ est très proche (écart de 50g/j environ). » Globalement, jusqu’au sevrage, les veaux élevés à l’herbe consomment moins de lait (47 l/veau) et de concentrés (12,1 kg/veau en moins). « On constate aussi une économie importante de paille de l’ordre de 100 kg/veau durant leur première année grâce à l’absence de paillage (de 3 à 9 mois selon le mois de naissance). »
Post-sevrage, nous n’avons pas observé de ralentissement de la croissance. Au contraire ! Sur les trente jours qui suivent le sevrage, les veaux élevés à l’herbe présentent un meilleur GMQ que celui des veaux élevés en nurserie. L’écart approche les 150 g/j. « Nous ne savons pas l’expliquer pour l’instant, mais il semble que le pâturage favorise la capacité d’ingestion des veaux. C’est que nous vérifierons pour les prochains lots en mesurant les tours de poitrine au sevrage. »
Ces bonnes performances de croissance semblent se poursuivre dans le temps. « Les pesées sur les veaux d'un an montrent encore un avantage à ceux élevés à l’herbe. Ils prennent plus de 800 g/j en moyenne à l’herbe sans complémentation. »