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Prairie : Choisir son mélange pour passer des étés chauds et secs

Pour bénéficier d’une pousse d’herbe jusqu’en juillet, des mélanges prairiaux ont fait leurs preuves au sud de la Loire, avec une conduite adaptée pour ne pas les épuiser. Des expériences sur lesquelles s'appuyer face au changement climatique.

Pour réaliser un mélange adapté à sa ferme, le plus simple est de partir d'un mélange utilisé habituellement sur l'exploitation, et de réduire la dose pour y ajouter ...
Pour réaliser un mélange adapté à sa ferme, le plus simple est de partir d'un mélange utilisé habituellement sur l'exploitation, et de réduire la dose pour y ajouter des espèces résistantes au sec et adaptées au contexte.
© J.-P. Manteaux

Si la clé d’un système pâturant résilient face aux étés chauds et secs réside dans une diversité de solutions : valoriser les pousses d’hiver, produire un maximum au printemps, pâturer des intercultures en été, etc., il en est une qui permet encore de pâturer à cette période : les prairies multiespèces résistantes au chaud et au sec.

Dactyle et fétuque élevée : duo de choc

Les mélanges qui ont fait leur preuves au sud de la Loire comportent une base de fétuque élevée et de dactyle. Le dactyle est particulièrement adapté aux sols superficiels car son système racinaire est très dense dans les 20-30 premiers centimètres du sol. Il a une grande capacité à extraire l’eau du sol et à profiter des moindres orages estivaux, ce qui lui permet de rester vert même en conditions séchantes.

Les racines de la fétuque élevée valorisent très bien les sols profonds. « En associant la fétuque au dactyle, la possibilité de valoriser les pluies d’été est maximisée car leurs systèmes racinaires se complètent », fait remarquer Philippe Barre, de l’Inrae de Lusignan. Aujourd’hui, les fétuques élevées dans les mélanges à pâturer sont à feuille souple. Pour améliorer leur appétence, vous pouvez opter pour des variétés riches en sucre.

Un peu moins de ray-grass anglais

Dans ces mélanges, la proportion de ray-grass anglais a baissé, mais la plupart en conservent encore pour son installation rapide et pour qu’il s’exprime aux autres saisons et lors d’étés moins caniculaires. « Le ray-grass anglais reste la graminée qui apporte une biomasse de très bonne valeur alimentaire, par rapport à une fétuque élevée, même à feuille souple, ou à un dactyle. C’est pour cela que la recherche continue de travailler sur des RGA plus résistants ou plus tolérants aux étés chauds et secs », souligne Philippe Barre.

Autres graminées résistantes : la fétuque rouge, pour des prairies de plus de 5 ans très séchantes, et le brome, très remontant, plus adapté pour la fauche.

Avec de la luzerne et/ou du trèfle violet

Côté légumineuses, aux trèfles blancs sont ajoutés de la luzerne, du trèfle violet, du lotier, parfois du sainfoin.

Le trèfle violet n’est présent que les deux ou trois premières années, mais il est apprécié pour son installation rapide, sa productivité et sa résistance au chaud et sec. Sur sol lourd et hydromorphe, c’est une alternative à la luzerne.

La luzerne est la légumineuse qui peut performer sous un été chaud et sec, et peut durer au-delà de trois ans. Il lui faut un temps de repousse assez long pour ne pas s’épuiser. Elle s’associe bien avec le dactyle et la fétuque élevée.

Un temps de repousse suffisant

« En pâturage de petites parcelles (moins d’un are par vache) avec un temps de présence court, de 1 à 2 jours et au moins 28-30 jours de repousse, on permet à la luzerne de ne pas épuiser son pivot. Ce temps de repousse long est aussi favorable aux fétuques et dactyle qui ont une durée de vie des feuilles supérieure à celle du RGA et qui permettent d’avoir un stock sur pied vert, sans feuilles senescentes », détaille Jean-Pierre Manteaux, de la chambre d'agriculture de la Drôme.

Dans les prairies destinée au pâturage, « quand il y a de la luzerne, nous associons une typée nord, en dormance l’hiver, et une typée sud, en dormance l’été, pour qu’il y ait toujours une luzerne en capacité de pousser. La contrepartie est que la biomasse n’explose jamais », expose Guillaume Audebert, chef cultures à la ferme expérimentale de l'Inrae de Lusignan, dans la Vienne.

Une touche de sainfoin, lotier, plantain

« Le sainfoin n’a que des qualités », assure Jean-Pierre Manteaux. Il est adapté aux milieux pauvres et calcaire, non météorisant, riche en tanin. Le sainfoin simple est adapté pour le pâturage et le double pour la fauche, car il est plus remontant.

Le sainfoin simple est adapté pour le pâturage et le double pour la fauche, car il est plus remontant.
Le sainfoin simple est adapté pour le pâturage et le double pour la fauche, car il est plus remontant. © Cerience

Le lotier corniculé ne se réveille que quand la prairie est en souffrance. « C’est un bouche-trou qui présente de très bonnes valeurs alimentaires et est riche en tanin et non météorisant. Vu son rôle, on n’en met généralement pas plus de 2 kilos par hectare », précise Jean-Pierre Manteaux.

Le plantain lancéolé est tolérant à la sécheresse, donc il ne pousse quasiment plus en cas de déficit hydrique. « Mais dès le retour d’une légère humidité, sa croissance redémarre sans délai », signale Pature vision, organisme de conseil en pâturage.

Repères

Ne pas surpâturer !

« Plus que le mélange, la conduite de l’herbe est déterminante » pour que les plantes réussissent à passer l’été et à repousser avec le retour des pluies, rappelle Silvère Gelineau, d’Arvalis. « Il ne faut surtout pas surpâturer », c’est-à-dire laisser les vaches trop longtemps sur un paddock, qu’elles vont piétiner et où les plantes seront broutées trop ras à une saison où elles ont besoin de leurs réserves. « Un repère est de laisser au moins autant de centimètres d’herbe que le numéro du mois de l’année (6 cm en juin, 7 cm en juillet ...) quand les vaches sortent du paddock. » Le surpâturage, c’est aussi revenir trop vite sur un paddock où l’herbe n’a pas eu le temps de repousser.

Définition

Résistance ou tolérance ?

La tolérance au stress hydrique consiste pour une plante à arrêter sa croissance – entrer en dormance – pour survivre à l’épisode de sécheresse. Elle repousse dès l’arrivée des pluies.

La résistance est la faculté d’une plante à maintenir une croissance malgré le stress hydrique.

Tenter de maîtriser la chicorée

Lors d’étés chauds et secs, quand plus rien d’autre ne pousse, la chicorée est à l’aise ! « Mais aux autres saisons, le reste du mélange prairial s’exprime bien. Je dirais donc qu’elle est plutôt sociable », relativise Guillaume Audebert, chef culture à la ferme expérimentale de l’Inrae de Lusignan.

La pousse rapide de la chicorée demande de revenir très vite dans une parcelle, tous les 10 à 12 jours environ.
La pousse rapide de la chicorée demande de revenir très vite dans une parcelle, tous les 10 à 12 jours environ. © Inrae de Lusignan

« La première année est géniale : la chicorée ne fait que des feuilles grandes et appétentes, expose Romaric Puthod, responsable de la ferme de Poisy (centre de formation), en Haute-Savoie. Nos 80 vaches traites à 22 kilos de lait par jour en été peuvent ne manger que de la chicorée (zéro complémentation en fourrage et concentré). Sa pousse rapide implique de revenir dans la parcelle de 2,5 hectares tous les 12 jours environ, avant qu’elle ne se lignifie trop. » Ce qui peut gêner d’autres espèces qui ont besoin d’un temps de repousse plus long, comme la luzerne.

Autre difficulté, « la deuxième année, la chicorée monte une hampe florale après le premier tour de pâturage, qui est boudée par les vaches. Elle refait des feuilles, mais petites, à la base ». La ferme de Poisy ne la cultive plus qu’en pur pour un an.

Dans des systèmes plus extensifs, les éleveurs s’accommodent de ces tiges non valorisées. À l’Inrae de Lusignan, « avant, les tiges étaient broyées. Aujourd’hui, on ne broie plus. Elles finissent par tomber et être piétinées par les vaches, et des feuilles repartent de la base. Et de nouvelles chicorées semées naturellement via les hampes florales garnissent chaque été les prairies de leurs larges feuilles ».

 

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