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Réduction des phytos en élevage : « Cela me pesait de toujours prendre le pulvé »

En Ille-et-Vilaine, Hervé Dreuslin a intégré un groupe Dephy dès sa création en 2012. Les changements introduits au fil des ans sur l’exploitation vont bien au-delà de la simple réduction des phytos.

L’implantation de l’exploitation au cœur du bourg de Saint-Malon-sur-Mel, une commune bretonne de 580 habitants, Hervé Dreuslin la vit plutôt bien. « À part le fait d’être coincé pour le pâturage des vaches, ce n’est pas contraignant, affirme cet éleveur de 53 ans, en Gaec avec son frère Patrice, très actif dans la vie de la commune. Nous faisons attention au salissement des routes, à ne pas épandre de fumier en fin de semaine… Je n’ai jamais eu de remarques, ni sur les traitements phyto, ni d’autre nature. Quand j’en ai l’occasion, j’explique ce que je fais : pourquoi je mets des couverts, je mélange des variétés, je traite la nuit… »

Ce n’est donc pas une pression liée à cette proximité avec ses concitoyens qui l’a motivé à entrer, en 2012, dans le groupe Dephy du bassin versant du Meu, l’un des captages qui alimente en eau la ville de Rennes. « J’aime les expérimentations. Cela me pesait de prendre toujours le pulvé, de faire la course au rendement », explique Hervé Dreuslin. Les changements introduits au fil des ans avec le groupe Dephy(1) de la chambre d'agriculture (et le groupe lait) vont bien au-delà de la réduction des phytos. Ils l’ont amené à revoir complètement la façon de travailler : « tout est lié ».

Plus d’herbe grâce à l’affouragement en vert

En 2009, suite à l’installation de son frère avec reprise d’une ferme à 5 km, l’exploitation avait doublé de surface (128 ha) et de lait produit (595 000 l). Elle avait alors évolué vers un système maïs-soja, le pâturage ayant dû être fortement réduit. « Il y a un carrefour très fréquenté à proximité. Avec 75 vaches, cela devenait très compliqué de le faire traverser », explique-t-il.

Mais ce système ne convenait pas aux éleveurs. En 2014, après avoir réalisé une étude économique et d’impact sur le travail de l’affouragement en vert, ils ont réintroduit l’herbe dans la ration des vaches. La surface affouragée en vert a augmenté progressivement de 7,5 hectares au départ à 15 hectares aujourd’hui. « Cela m’a remotivé et a eu un effet bénéfique sur la santé des vaches et l’efficacité économique. » Le coût alimentaire est descendu à 80 €/1 000 l avec 1 100 kg de concentré par vache par an. « Je conduis les parcelles avec un planning comme un pâturage ; au printemps, jusque mi-mai, je ne donne quasiment pas de maïs et aucun concentré. Les excédents sont récoltés en enrubannage. » Côté travail, Hervé passe en moyenne 30 minutes par jour à l’affouragement en vert avec une autochargeuse de 25 m3 et des parcelles située au maximum à 1,5 km.

 

 

 

Ce retour à l’herbe a été un levier important pour réduire les produits phytos. « Nous n’utilisons ni chimie, ni engrais minéral sur les prairies ; uniquement un apport de 20 tonnes de fumier à l’automne et 15 m3 de boues de laiterie au printemps », précise-t-il. La réintroduction de prairies dans la rotation, en l’allongeant, a aussi permis d’assainir des parcelles. Le Gaec exploite aujourd’hui 35 hectares de prairies temporaires : la moitié sur le site des vaches de Saint-Malon implantée avec une association de fétuque-RGA-fléole-fétuque des prés-trèfles blanc et violet (50 à 60 %), et l’autre moitié sur le site des génisses de Saint-Gonlay avec des terres plus séchantes et caillouteuses implantées en fétuque. Les vaches sont affouragées en vert de début février à début décembre avec un arrêt de mi-juillet à début septembre. Et « elles sortent sur six hectares accessibles de début mars à fin octobre, y compris la nuit », insiste Hervé Dreuslin.

Un binage systématique du maïs

Parallèlement, la surface en maïs a diminué (28 ha) et, depuis quatre ans, une partie est récoltée en maïs épi (7 ha) pour concentrer la ration en énergie. La conduite du maïs a évolué. Il n’y a plus qu’un seul traitement herbicide suivi d’un binage systématique avec un outil à socs à pattes d’oie. Le maïs est semé tôt vers le 20 avril et profond (4 cm) pour pouvoir désherber mécaniquement ; il est récolté tôt début septembre. « On est dans une zone très précoce qui manque d’eau à partir de juin. Le mais souffre moins, le système racinaire se développe mieux », constate Hervé Dreuslin. Il ne met plus d’engrais starter depuis dix ans : « il y a un effet visuel au départ mais pas plus de rendement ». Suite au changement climatique, l’indice des variétés est plus élevé (300) et la densité de semis a diminué (de 100 000 à 90 000).

Hervé Dreuslin fait une préparation du sol simplifiée avec trois passages : un passage de déchaumeur à disques pour détruire les couverts, un passage de vibro grande largeur à 10 cm de profondeur, et un passage de cultivateur à 25 cm. « Il n’ y a pas besoin de plus avec une bonne structure du sol et une bonne activité biologique : les vers de terre font le travail. »

Une bonne activité biologique du sol

Cela fait près de quinze ans qu’Hervé Dreuslin travaille en semis simplifié. « C’est moins de carburant et moins de temps passé. Le fait de moins labourer augmente la portance et la vie dans le sol », argumente-t-il. Il passe beaucoup de temps dans ses parcelles, pour observer les plantes et le sol. « Je fais des profils à 40 cm et regarde la structure, si le sol est compacté ou non, s’il est bien ressuyé, les vers de terre… Nous travaillons avec la société TMCE depuis sept ou huit ans. Je vois la différence sur les parcelles qui ont reçu un amendement et des oligoéléments : le sol est beaucoup plus meuble, avec de l’humidité, le système racinaire est plus développé. C’est un investissement mais on s’y retrouve au niveau rendement. »

Il est tout de même difficile de se passer totalement du labour pour la gestion des adventices. « Je reprends la charrue si la parcelle est trop sale, mais cela concerne seulement 1 hectare, et pas tous les ans. » Ce labour occasionnel est plutôt fait avant céréales.

Des mélanges de variétés de blé

Pour réduire l’usage des phytos, il sème un mélange de quatre variétés de blé, le même sur les 32 hectares, de façon à avoir une culture plus résistante aux maladies et à la verse, et de la paille. Il produit ses semences, et sème peu dense à 260 grains/m2. Il n’utilise plus de régulateur depuis cinq ou six ans et, depuis deux ans, un seul fongicide à un tiers de dose, sans voir d’effet sur le rendement (75-80 q en moyenne). Un autre levier important est d’optimiser l’efficacité des produits. « Il faut travailler avec précision. La Cuma est équipée de deux pulvérisateurs de 24 m avec buses anti-dérives et GPS. Je traite en fonction de l’hydrométrie, de nuit tôt le matin ou tard le soir. Et j’évite de traiter par temps froid ou quand il y a du vent pour éviter la dérive. »

Une étape importante attend Hervé, en septembre prochain, son frère ayant décidé d’arrêter le métier d’agriculteur. Il prépare ce départ depuis deux ans et demi. Et prévoit, pour faire face à la charge de travail, en attendant l’installation de son fils étudiant à l’Esa d’Angers, de déléguer des travaux des champs et d’investir dans un robot de traite.

 Les leviers en test

° 3 ha de luzerne associée à du trèfle violet et trèfle blanc ont été implantés cette année. La luzerne est semée sous couvert d’avoine pour éviter le salissement. L’avoine sera récoltée en enrubannage fin mai-début juin, et la luzerne prendra le relais.

° Lors du prochain retournement de prairie, le mélange prairial sera semé en même temps que du méteil (pois,vesce, triticale) pour amener de la protéine.

° L’orge d’hiver sera semée l'année prochaine directement dans le couvert. La Cuma vient d’investir dans un semoir simplifié avec double cuve et deux lignes de semis pour semer des mélanges à différentes profondeurs.

Chiffres clés

° 595 000 l de lait

° 75 vaches à 8 200 kg de lait

° 128 ha de SAU dont 35 ha prairies temporaires, 28 ha maïs, 3 ha luzerne, 38 ha blé, 2 ha triticale-pois, 10 ha orge d’hiver, 10 ha colza, 6,5 ha jachère

° Couverts systématiques : avoine, phacélie, féverole

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