Aller au contenu principal

Réagir dès les premières mouches pour éviter la prolifération

Une lutte réussie contre les mouches doit être anticipée, commencer tôt et s’inscrire dans la durée. Il est illusoire de croire en l’efficacité d’un traitement réalisé en été ponctuellement.

Beaucoup sont déçus par les résultats des traitements contre les mouches. Le problème, c’est qu’au moment où l’on réagit, il y a souvent 300 fois plus de larves en train de devenir adultes que de mouches adultes. Pour empêcher l’emballement estival, il faut agir dès le début du printemps au moment où les mouches qui ont hiverné se réveillent. Car une fois démarré, le processus de multiplication croît de façon exponentielle. Une mouche pond entre 600 et 2200 œufs au cours de sa vie, et son cycle de reproduction s’accélère au fur et à mesure que la température augmente. Quand il fait chaud et humide, il suffit de quelques jours ! Si l’on veut enrayer la prolifération, la pression doit s’exercer simultanément à plusieurs niveaux.

1- Des abords et des bâtiments propres et secs

« Le cocktail favorable aux mouches, c’est de la chaleur, de l’eau et de la matière organique, explique Rachid Oualif, technicien Farago Rhône. La matière organique sert de lieu de ponte et de nourriture aux larves. La première mesure est donc de réduire au maximum ces lieux de ponte. Il faut être vigilant sur les abords des silos (refus d’ensilage décomposés) et stockage d’aliment, vider les fumières et aires paillées au printemps, nettoyer régulièrement les logettes. L’idéal est d’éloigner les fumiers à plus de 300 m des animaux ; à défaut, il est conseillé de bâcher la fumière pour en interdire l’accès. Il faut aussi assécher les zones mouillées, et bien ventiler les bâtiments pour enlever l’humidité. Et redoubler d’hygiène dans les nurseries, en éviter les restes de lait. Il faut aussi brasser régulièrement la fosse à lisier (tous les quinze jours) et vidanger périodiquement en système caillebotis. « Ce sont les bâtiments sur caillebotis qui posent le plus de difficultés. À cause notamment des problèmes de vers à queue qui deviennent des éristales ("faux bourdons"). Même si ces mouches ne piquent pas les vaches, elles les stressent ».

2- Lutte chimique : attaquez-vous aux larves et murs ensoleillés

° Les mouches adultes ne sont que la partie émergée de l’iceberg. L’utilisation seule d’adulticide est source d’échec car la population devient très vite incontrôlable. Il est primordial de s’attaquer aux larves : une larve non tuée en avril peut engendrer un million de mouches jusqu’au mois d’août ! Les larvicides inhibent la mue : ils empêchent la formation des pupes (le dernier stade larvaire). Il faut commencer le traitement dès le début du printemps dans tous les endroits où les larves sont susceptibles de se développer : sur les litières en zones non piétinées par les animaux (les bordures d’aires paillées, près des murs et des cornadis, sous les abreuvoirs, autour des poteaux), dans les fumières et les fosses à lisier, sous les caillebotis, dans les grilles d’évacuation des jus, sous les porte-seaux…. « Un traitement larvicide toutes les 3-6 semaines (cyromazine) est nécessaire sur les fumiers et lisiers qu’il faut recharger quand le niveau monte ; sur les zones non piétinées un traitement toutes les 6-8 semaines peut suffire », préconise Jean-Marie Nicol, vétérinaire.

 

° Les adulticides sont aussi à utiliser dès mars avril où aiment se poser les premières mouches. Elles affectionnent généralement aussi le tour des portes et fenêtres, le haut des murs, les plafonds, les couvercles de seaux accrochés aux poteaux…. Ne cherchez pas à mettre du produit partout. La propreté des parois est essentielle pour l’efficacité des insecticides. Les surfaces traitées ne doivent pas être lavées. Les produits avec excipient huileux sont plus efficaces car plus rémanents, mais ils sont aussi plus chers et se dégradent moins bien dans l’environnement. Traitez en l’absence des animaux soit par pulvérisation ou en localisé sous forme de badigeon. Il faut varier les matières actives pour éviter l’apparition de résistance. Et bien se protéger lors de l’application des insecticides.

° Pour avoir des résultats, il faut être rigoureux. « Le calendrier des traitements doit être respecté, insiste Rachid Oualif. Et plus on commence tôt, mieux c’est. Si aucune action n’est réalisée lors de l’apparition des premières mouches, les tentatives de régulation en cours de saison auront peu de chance de réussir ». Farago a suivi l’année dernière sept élevages habituellement confrontés à une très forte pression de mouches : « ceux qui n’ont pas été envahis sont ceux qui ont traité tôt et tous les 21 jours, sans louper un ou deux traitements ».

3- Lutte biologique : une alternative efficace

° La lutte biologique repose sur l’utilisation de prédateurs des œufs ou des pupes ; ils ne s’attaquent pas aux mouches adultes. Elle est efficace, à condition là aussi d’être rigoureux dans le suivi du protocole et d’intervenir très tôt. « Nous proposons deux types d’auxiliaires, explique Damien Morel de la société Appi. Le premier, ce sont des acariens qui mangent les œufs. Ils s’installent très bien dans la paille. Il faut traiter les lieux de ponte une ou deux fois par an. Nous proposons également un larvicide : il s’agit de mini-guêpes (sans dard). Elles consomment les pupes des mouches qui se développent dans les fumiers ». Le produit contient des pupes de mouches parasitées par des mini-guêpes. Une fois libérée dans l’élevage, chaque mini-guêpe va rechercher des pupes, les perforer et y déposer 4-5 œufs. Les adultes issus de ces œufs vont parasiter d’autres pupes de mouches, et les mini-guêpes vont ainsi prendre la place des mouches en empêchant leur éclosion. Elles ne sont pas envahissantes, elles volent quelques centimètres au-dessus de la litière. « Ces insectes, tout comme les acariens, sont naturellement présents sur le territoire français. Les produits sont contrôlés et certifiés ; ils sont inoffensifs pour l’homme, l’animal et l’environnement. » Ces prédateurs sont commercialisés via des distributeurs, comme Terrena. La coopérative propose par ailleurs un troisième auxiliaire pour traiter les liquides (fosse à lisier, fosse sous caillebotis). « Il s’agit d’une mouche qui mange les larves des autres mouches », explique Christelle Grellier de Terrena. Cette mouche ne vole pas vraiment, elle reste 10-15 cm au-dessus de la litière ».

° Les apports de ces larvicides biologiques doivent être très réguliers (tous les mois) pour casser le cycle de développement de la mouche. « Quand il y a des problèmes d’efficacité, c’est très souvent un souci au niveau du bâtiment, pas assez ventilé, lié à une litière très humide : il suffit souvent de mettre un asséchant ou de revoir le paillage. » L’idéal est de faire venir des prédateurs dans la nurserie : « c’est l’endroit où il y a le plus de larves. » Terrena commercialise ces produits par contrat à l’année : « c’est indispensable car ils sont vivants, on ne peut pas faire de stocks. La durée de conservation est limitée. » Leur mise en place est très simple et rapide, et elle ne nécessite pas de protection de protection spécifique.

Il existe des produits à base d’huile essentielle, qui ont une action répulsive vis-à-vis des mouches adultes, mais leur rémanence est moyenne et ils nécessitent un bâtiment fermé.

4- Des moyens mécaniques de lutte complémentaires

° Les pièges collants permettent capturer dès le printemps les mouches qui ont survécu à l’hiver. Mais leur efficacité est limitée en période d’infestation massive. Il existe aussi des destructeurs électriques : les mouches attirées par la lumière du néon (à remplacer tous les ans) sont électrocutées.

° En salle de traite, un ventilateur dont les pales rabattent l’air sur les animaux permet d’avoir des vaches plus calmes. Le flux d’air doit souffler face aux vaches lorsqu’elles arrivent dans l’aire d’attente de façon à repousser les mouches. Mais le trayeur n’apprécie pas toujours le courant d’air ! Une autre solution est d’installer une brumisation d’eau à l’entrée de l’aire d’attente. De l’eau est pulvérisée à haute pression formant ainsi des microgouttelettes qui rafraîchissent l’air sans mouiller. C’est délicat à régler mais très efficace. La couleur des murs a aussi son importance : les teintes bleues et vertes ont tendance à faire fuir les mouches alors que les teintes beiges et orangées les attirent.

Deux grandes catégories de mouches

° Les mouches lécheuses : elles sont omnivores et se nourrissent des sécrétions des bovins. On trouve parmi elles la mouche domestique qui passe son temps entre les animaux, le bâtiment et ses environs. Et la mouche d’automne qui ne fréquente les animaux que pour s’y nourrir et n’investit pas le bâtiment sauf pour y hiverner.

° Les mouches piqueuses-suceuses : elles se nourrissent exclusivement de sang. Ce sont des espèces agressives particulièrement par temps orageux. C’est le cas de la mouche des cornes, une petite mouche qui passe le plus clair de son temps sur les animaux qu’elle pique plus de 30 fois par jour. Le stomoxe (ou mouche d’étable) partage, lui, son temps entre les animaux qu’il pique deux fois par jour et les murs du bâtiment.

Les plus embêtantes, ce sont celles qui passent des animaux aux bâtiments comme la mouche domestique et la mouche d’étable.

 

Un traitement précoce des animaux

« Les animaux doivent être traités dès que les mouches arrivent sur eux », affirme Jean-Marie Nicol, vétérinaire. Pas seulement en juin ! » Les vaches laitières ne peuvent être traitées en aspersion ou en pour-on qu’avec des perméthrines (délai d’attente nul). Les génisses peuvent l’être également avec du fenvalérate (qui a un délai d’attente lait et viande) pour une activité de 3-4 semaines. Autre possibilité : la pose d’une boucle auriculaire active environ 3 mois (délai d’attente lait nul) à retirer en fin de saison.

Astuce

Disposez dans les zones fréquentées par les animaux des pièges : des bandes collantes, des coupelles avec des granulés ou des cartons imbibés d’attractifs sexuels. Dès que le nombre de mouches augmente, il est temps de badigeonner les murs.

Avis d’éleveur

Hubert Grolleau en EARL dans le Maine-et-Loire

"Un premier lâcher de mini-guêpes fin février"

« C’est la troisième année que nous utilisons des mini-guêpes. Nous venons de passer en bio. Nous avons fait un premier lâcher la semaine dernière, fin février ; on voit déjà des mini-guêpes. L’année dernière nous avions démarré fin avril, mais c’était trop tard : la pression des mouches a bien baissé, mais ce n’était pas du 100 %. Nous avions encore des mouches à la traite, surtout des mouches que nos 75 vaches ramenaient du pâturage. Les mini-guêpes sont très faciles à installer ; il faut à peine un quart d’heure pour saupoudrer le mélange de copeaux et de pupes. Nous en mettons autour des abreuvoirs où il y a de l’humidité, le long des murs sur l’aire de couchage paillée des vaches et génisses, à la sortie de salle de traite, dans la nurserie sur les quais derrière les cornadis et sous les abreuvoirs, et sur la fumière. Nous suivons le protocole de Terrena avec un lâcher par mois. Nous utilisons trois flacons par lâcher. À 80 €HT/flacon, sur 7 mois jusqu’à septembre, cela reviendra cette année à 1680 €. »

Les plus lus

<em class="placeholder">Nathalie et Michel Daguer, éleveurs en Mayenne avec leurs vaches</em>
Pâturage hivernal : « Nous ne voyons que des bénéfices dans notre élevage en bio et en monotraite en Mayenne »

Le Gaec du Ballon en Mayenne, en bio et en monotraite, profite de conditions pédoclimatiques privilégiées pour pâturer en…

<em class="placeholder">Daniel Rondeau (à gauche) est beaucoup plus serein depuis qu’il s’est réassocié avec Amaury Bourgeois et Raymond Papin (absent sur la photo). </em>
« Je me suis réassocié avec deux voisins, après avoir délégué l'alimentation et les cultures en Vendée »

Le Gaec Les 3 B, en Vendée, s’est constitué le 1er avril 2024. Daniel Rondeau s’est de nouveau associé, après…

<em class="placeholder">guillaume rivet, éleveur dans les deux-sèvres</em>
Organisation du travail : « Nous avons robotisé la traite pour anticiper le départ à la retraite de mon père dans les Deux-Sèvres »

Le Gaec Privalait, dans les Deux-Sèvres, tourne entre mère et fils depuis bientôt deux ans. La robotisation de la traite, en…

<em class="placeholder">« L’herbe pâturée est la plus économique car, plus il y a de stock, plus les charges de mécanisation augmentent », soulignent Sébastien Le Goff et Julie Sylvestre.</em>
Diagnostic de système fourrager : « Nous avons prouvé la résilience de notre élevage face aux aléas climatiques dans le sud du Morbihan »

Au Gaec de Coët Cado, dans le Morbihan, pour s’assurer de la résilience de leur système fourrager aux aléas, les associés ont…

Carte de la zone régulée FCO3, en date du 19 décembre 2024.
FCO 3 : fin décembre, la maladie continue de progresser

À date de jeudi 19 décembre 2024, le ministère de l'Agriculture annonce 8 846 cas de fièvre catarrhale ovine sérotype 3.…

<em class="placeholder">Brice Minot, Vincent Colas et Cyrille Minot, trois des quatre associés du Gaec des forges, en Côte-d&#039;Or</em>
Élevage laitier : « Nous cherchons de la productivité et de l’autonomie pour rentabiliser nos installations en Côte-d’Or »

Au Gaec des forges, en Côte-d’Or, les associés ont robotisé pour mieux organiser le travail. La recherche d’un bon prix du…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière