« Quand nous renouvelons une prairie, elle sort du circuit de pâturage seulement trois mois »
Quand l’EARL du Bois d’Arry, dans le Calvados, resème une prairie accessible, celle-ci revient dans le circuit de pâturage dans les trois mois. Le semis s’effectue au printemps sous couvert d’un méteil, après pâturage d’une dérobée fourragère. Le tout sans glyphosate et sans labour.
Quand l’EARL du Bois d’Arry, dans le Calvados, resème une prairie accessible, celle-ci revient dans le circuit de pâturage dans les trois mois. Le semis s’effectue au printemps sous couvert d’un méteil, après pâturage d’une dérobée fourragère. Le tout sans glyphosate et sans labour.

« Dans un système pâturant comme le nôtre, le renouvellement des prairies pâturées est problématique. D’autant que nous sommes limités à 45 ares de surface accessible par vache », dépeignent Arnaud Harel et François Roulland, à la tête d’un troupeau de 135 laitières à 5 600 litres en bio dans le Calvados. Sur les 150 hectares que compte l’exploitation, 130 sont des prairies majoritairement temporaires, et le reste des mélanges céréaliers autoconsommés. « Chaque tonne de matière sèche est précieuse, insiste Arnaud. Quand nous renouvelons une prairie, nous voulons la retrouver le plus vite possible dans le circuit. »
« Traditionnellement, en bio, les éleveurs intercalent une céréale entre deux prairies », décrit Pascal Rougier, conseiller fourrages indépendant au sein de Conseil Organic. Si cette pratique a l’avantage d’éviter l’implantation d’une prairie sur prairie, qui fonctionne mal, elle prive les exploitants d’une parcelle en herbe pendant un an.


Le sans-labour a été privilégié pour ne pas bouleverser la structure et la vie du sol. L’itinéraire s’est réalisé en deux temps. La première étape, seconde quinzaine d’août, a consisté à détruire l’ancienne prairie avec un outil à dents Horsch (travail superficiel à 10 cm de profondeur) et deux passages de rototiller à deux semaines d’intervalle. Puis à semer à la volée une dérobée pâturable à base d’avoine (50 kg/ha), de colza et radis fourragers (1 kg/ha chacun), et de trèfles d’Alexandrie, incarnat et squarrosum (3 kg/ha chacun). Ce semis se fait avec une herse étrille équipé d’un semoir à soufflerie, suivi d’un passage de rouleau cultipacker. L’objectif est de créer un stock d’herbe sur pied à consommer entre l’automne et le début du printemps.

Gain de temps et sécurisation des stocks
La seconde étape est intervenue début avril : la dérobée a été détruite avec un outil à dents et la nouvelle prairie semée sous couvert d’un mélange de pois-féverole (100 kg/ha chacun). Un combiné herse rotative et semoir a été utilisé pour le méteil, et une herse étrille équipée d’un semoir pour la prairie. « Après chaque semis, nous roulons au cultipacker pour favoriser le contact graine-sol », insistent les éleveurs.

La nouvelle prairie, haute de 15 cm le jour de l’ensilage, a réintégré le circuit de pâturage très rapidement, et fournit entre 3 et 5 tonnes de matière sèche, selon le nombre de passages (4 à 5) entre le 15 août et Noël.
Une année ne fait pas l’autre…
Les éleveurs sont satisfaits de cette expérience qui offre un double avantage. « Nous n’avons pas perdu de temps pour retrouver une nouvelle prairie productive et nous avons sécurisé les stocks avec le méteil », apprécient-ils. Entre la dérobée, le méteil et le pâturage d’automne, le rendement valorisé atteint quasiment 11 tonnes de matière sèche. « Le seul bémol, c’est le temps que cela nécessite entre les multiples passages d’outils et la logistique au niveau des clôtures à démonter et remonter », considère Arnaud.
« Nous avons pris un risque en renouvelant un quart des prairies en même temps (11 paddocks sur 47) ! », poursuit François. « Heureusement que l’année fut favorable à une telle implantation. » En 2021-2022, le même itinéraire a été conduit, sur quatre paddocks uniquement cette fois. Une année ne faisant pas l’autre, les résultats n’apparaissent pas forcément aussi probants. La dérobée a fourni moins de rendement en raison d’un automne peu poussant. Les vaches n’ont fait que deux passages (un avant Noël et un au printemps) et le méteil récolté le 20 juin a affiché moitié moins de rendement que l’an dernier (2-2,5 tMS/ha) en raison de mauvaises semences fermières. « La prairie multiespèce semée était bien présente à ce moment-là. Nous verrons cet automne et au printemps prochain si elle aura résisté aux conditions sèches de l’été… »
Avis d’expert : Pascal Rougier, de Conseil Organic
« Une technique aux multiples intérêts »

Côté éco
Hors main-d’œuvre et matériel, le coût de l’implantation des prairies avec cet itinéraire revient à 405 €/ha (65 €/ha pour les semences de la dérobée fourragère hors avoine fermière (50 kg/ha), 90 €/ha pour les semences fermières du pois et féverole et 252 €/ha pour les semences de prairies multiespèces bio.