Privilégier les analyses de sang pour doser les oligoéléments
Le recours aux analyses de
plasma sanguin permet de renforcer ou d’écarter une suspicion de carence en oligoéléments. Ce thème a été abordé aux Journées GTV 2014.
Les oligoéléments (sélénium, cuivre, zinc, iode…) jouent un rôle fondamental dans la santé et les performances des bovins. Ils sont indispensables à doses infimes (ppm) aux fonctions vitales en tant que coenzymes ou facteurs hormonaux. Il existe de nombreuses interactions entre oligoéléments.. Les besoins sont très faibles car ils sont majoritairement recyclés, en dehors des fortes pertes au moment du vêlage. Suivant l’oligoélément et la production, l’alimentation non complémentée en CMV couvre 50 à 70 % des besoins. L’administration la plus régulière possible de CMV de qualité permet donc d’éviter des carences. Mais il peut y avoir une grande variation de qualité des CMV.
« La fréquence de carence semble augmenter du fait de l’amélioration des performances des animaux et d’une baisse de la concentration en oligoéléments des rations. Il s’agit le plus souvent de subcarences, avec des signes très discrets. Elles agissent en même temps que d’autres facteurs en aggravant ou entretenant des troubles réfractaires aux traitements habituels (mammites, problèmes infectieux, locomoteurs, de la repro…) », a souligné Guillaume Lequeux, du laboratoire départemental d’analyse d’Ille-et-vilaine (ISAE 35), lors des journées GTV (groupements techniques vétérinaires) à Reims en mai dernier.
Choisir des animaux dans la moyenne et sains
La première chose à faire, quand on craint une carence en oligoéléments est d’examiner les données sur les complémentations minérales réalisées. Si l’on doute de la quantité ou de la qualité des apports, le recours aux analyses de laboratoire permet de renforcer ou écarter une suspicion de carence. Avant de se lancer dans des analyses, il faut être clair sur l’objectif : « infirmer ou confirmer une carence, ou déterminer une concentration moyenne dans le cadre d’un suivi après une supplémentation ».
Sur quoi faut-il doser les oligoéléments : les animaux, la ration, le sol ? « Les analyses de sang sont à privilégier », a-t-il affirmé. Le choix des animaux analysés (3 à 5 par classes d’âge atteinte) est primordial. « Il faut choisir les animaux dans la moyenne du groupe et sains, éviter de prendre les animaux les plus beaux comme les malades ou les plus faciles à attraper. » Il est ensuite possible d’aller plus loin avec des analyses de ration (10 à 15 €/élément) mais l’échantillonnage n’est pas évident et les résultats sont difficiles à interpréter. « Elles peuvent être intéressantes quand on suspecte une carence en cuivre (car la carence peut être due à un trop fort taux de soufre, fer, molybdène ou zinc) ou en sélénium (due à un trop fort taux de soufre). »
Quant aux dosages d’oligoéléments sur lait de tank, ils sont réalisés dans peu de laboratoires français. « Ils semblent intéressants pour le sélénium et l’iode uniquement. Aux États-Unis, ils sont largement utilisés comme outil de diagnostic pour l’iode. »
Les analyses de mélange font débat
Dès lors qu’on envisage des analyses sur plusieurs groupes d’animaux, le coût des analyses de sang individuelles grimpe vite. Une solution pour réduire la facture est de recourir à des analyses de mélange de plasma sanguin. Sont-elles un outil de pilotage fiable ? Les avis sont très partagés. Une moyenne sur un groupe de cinq, huit ou dix animaux ne veut rien dire, soutiennent leurs détracteurs. « Les mélanges de sang sont à proscrire, puisqu’un seul animal peut modifier l’ensemble des résultats », affirme Brigitte Siliard, de Nantes Oniris. La moyenne peut aussi masquer une forte carence par un effet de dilution. « Elles sont envisageables seulement si le lot est homogène, estime pour sa part Guillaume Lequeux. Et l’interprétation n’est possible qu’en cas de valeurs particulièrement basses ou élevées. »
Pierre-Hugues Pitel, du laboratoire LFD (14), fait partie de ses défenseurs : « les analyses de mélange permettent de proposer des explorations plus précises en augmentant le nombre de paramètres analysés, le nombre d’animaux et de groupes prélevés tout en réduisant le coût. Elles sont fiables pour les oligoéléments (et les marqueurs métaboliques et vitamines) sous réserve du respect de règles d’échantillonnage, de réalisation et d’interprétation », affirme-t-il. Le nombre d’animaux prélevés doit être suffisant, et surtout le groupe doit être homogène (animaux identiques en âge, sexe et stade physiologique). La réalisation du mélange est essentielle, chaque animal devant être représenté en quantité strictement égale. Et les valeurs de référence, pour l’interprétation, doivent prendre en compte l’âge et le stade physiologique (ce qui n’est pas souvent le cas).
Les analyses d’oligoéléments sur poil ne sont pas fiables
« Elles sont à proscrire », affirment Brigitte Siliart, d’Oniris, et Guillaume Lequeux, du ISAE35. Le poil est un tissu très différent du reste de l’organisme, et son processus de fabrication est un phénomène discontinu. Toutes les données bibliographiques vont dans le même sens. De nombreux facteurs font varier sa teneur en oligoéléments : sa longueur, sa couleur, sa localisation, la saison où il est prélevé, mais aussi la race, le sexe et l’âge de l’animal. Par ailleurs, le poil est naturellement gras et capte les poussières extérieures qui peuvent contenir des minéraux. Bref, la concentration en oligoéléments du poil dépend plus de la coloration et de l’âge du poil que du statut minéral de l’animal ! En revanche, l’analyse sur poil est adaptée aux recherches toxicologiques.