« Plus de céréales autoconsommées et moins de correcteur grâce au blé traité »
Le Gaec d’Étouppeville dans la Manche utilise du blé traité au Maxammon pour concentrer la ration en énergie de façon non acidogène. Un calcul de rentabilité s’impose au cas par cas.
Le Gaec d’Étouppeville dans la Manche utilise du blé traité au Maxammon pour concentrer la ration en énergie de façon non acidogène. Un calcul de rentabilité s’impose au cas par cas.
Il y a une dizaine d’années, nous avions l’habitude de traiter nos céréales à la soude pour l’alimentation des laitières, dépeint Rémi Laurent, l’un des quatre associés du Gaec d’Etouppeville, à Helleville (160 vaches, 220 ha). Nous avons arrêté cette pratique notamment pour une question de temps. Aussi, lorsque Alltech nous a proposé de traiter le blé au Maxammon il y a un an, nous nous sommes lancés. »
De quoi s’agit-il exactement ? Le Maxammon est un aliment complémentaire qui se mélange aux céréales concassées ou aplaties. Il contient un principe actif naturel issu de la fabrication d’un champignon, Aspergillus niger. En association avec de l’urée, ce composé agit sur la microflore naturelle de la céréale et permet de transformer l’azote non protéique en ammoniac et en bicarbonate d’ammonium. Le résultat obtenu est une céréale à pH élevé, qui peut alors être incorporée dans la ration en plus grande quantité sans risque d’acidose. « On peut monter jusqu’à 4 kg en bovins lait, précise Thomas Pacalier d’Alltech. De plus, la production d’ammoniac fait gagner à la céréale traitée entre 4 et 6 points de MAT, ce qui permet de réduire les achats de correcteur azoté. »
Le lot haut (fraîches vêlées) du Gaec reçoit désormais une ration complète à base de 32 kg de maïs ensilage, 10 kg d’ensilage d’herbe, 1 kg de luzerne, 1 kg de mélasse, 3,5 kg de blé traité et 2,5 kg de correcteur (70 % soja, 30 % colza).
Sécuriser l’apport de céréale dans la ration en augmentant son pH
Les éleveurs ont démarré l’hiver dernier en traitant 200 t de blé qu’il leur restait en stock. Et 250 t pour la campagne en cours. Le blé contenait 11,5 % de MAT par kilo de matière sèche à la récolte. Après traitement, il titre à 16,7 % de MAT pour un pH de 9. « Nous faisons appel à un camion-usine pour le broyage et la préparation du mélange après la récolte », indique Rémi Laurent. Le grain est déchargé sur une aire bétonnée, puis immédiatement recouvert d’une bâche. Il faut attendre minimum deux semaines avant de l’utiliser, une fois que le pH est contrôlé à 8,5-9. « Le tas ne doit se révéler ni trop haut ni trop compact pour que la réaction se fasse dans de bonnes conditions et de façon homogène », précise Thomas Pacalier. Une odeur d’ammoniac est perceptible au niveau du silo. « Mais, je n’ai pas observé de différence d’appétence en ajoutant le blé traité dans la ration, témoigne l’éleveur, satisfait du bilan technique après un an d’utilisation. La quantité de lait est restée stable en moyenne sur l’année mais nous avons gagné 2 points de TB et 1,5 point de TP, par rapport à l’an dernier, soit l’équivalent de 15 € supplémentaires/1 000 l. Depuis janvier 2017, avec les nouveaux maïs, nous avons encore progressé en taux : 46,5 de TB et 37,2 de TP. »
Densifier la ration en énergie a un coût financier
D’un point de vue économique, le traitement du blé revient à 65 € par tonne (39 €/t pour le Maxammon et l’urée, et 26 €/T pour la prestation de broyage et mélange). « Sur le Gaec, nous estimons que le coût alimentaire après introduction du blé traité (210 €/t) a diminué de 5 €/1 000 l en économisant 0,5 kg de correcteur (340 €/t) et 3 kg d’aliment acheté en échange de céréale (280 €/t) », calcule Thomas Pacalier. « L’impact sur le coût alimentaire est limité mais l’effet observé sur les taux nous incite à poursuivre, même si cette solution bloque de la trésorerie », conclut l’éleveur.
Une réaction stable et totale
• Pour traiter 1 tonne de blé grossièrement broyé ou aplati, il faut mélanger 5 kg de Maxammon, 20 kg d’urée 80 % (ou 15 kg d’urée alimentaire pure) et de l’eau (60 à 80 l). « Ce procédé ne date pas d’hier, précise Damien Osmont d’Alltech. À l’origine, le Maxammon était commercialisé en Écosse, pour pallier les problèmes d’humidité qui compliquent la conservation des céréales récoltées. » Avec cette technique, la récolte peut se faire à 17-18 % d’humidité.
L’enzyme produite par le champignon Aspergillus niger est nécessaire à la réaction. D’après Alltech, « ce dernier peut être naturellement présent dans la céréale, mais pas systématiquement, ce qui rend la production d’ammoniac aléatoire si les céréales sont uniquement traitées avec de l’urée. Avec Maxammon, on peut garantir une réaction stable et totale », poursuit Simon Leroux d’Alltech en précisant que le produit contient aussi des extraits naturels sur un substrat de poudre de soja.
• Après trois semaines sous bâche, le silo est stabilisé pour une durée d’au moins un an. Il n’y a pas de rythme d’avancement à respecter. Orge, maïs, triticale, et protéagineux peuvent aussi être traités. Le traitement est interdit en bio ainsi que pour certaines AOP, en raison de l’ajout d’urée.
« Vérifier si la rentabilité est au rendez-vous »
« Je suis depuis plusieurs années une cinquantaine d’élevages utilisateurs de Maxammon. Certains continuent de l’utiliser notamment sur maïs grain humide ou maïs épis, d’autres ont arrêté. Techniquement, ce procédé augmente bien la MAT de 5 à 6 points et le pH atteint régulièrement 8,5 -9. Malgré les quantités importantes de céréales apportées, les rations sont sécurisées. L’intérêt économique est corrélé au prix du tourteau de colza, au prix de vente du blé. Dans la conjoncture actuelle, j’estime que le procédé entraîne un surcoût de l’ordre de 24 €/t par rapport à un mélange à 18 % de MAT à base de tourteau de colza et de blé (respectivement 245 €/t et 170 €/t). La réflexion se fait au cas par cas, et doit aussi tenir compte du niveau d’autonomie recherché par l’éleveur. »
Jean-Louis Hérin, du cabinet indépendant BDM (photo portrait en attente)