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Phytothérapie : que dit la réglementation ?

Les huiles essentielles sont de plus en plus utilisées dans les élevages. Mais attention, le recours à l’aromathérapie est soumis à une réglementation stricte. En voici les principaux points.

La réglementation qui s’applique à la phytothérapie souffre d’une grande méconnaissance sur le terrain. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui utilisent des huiles essentielles sans connaître, ni respecter le cadre légal en vigueur. « Bien que naturelles, les huiles essentielles sont des substances extrêmement concentrées, potentiellement toxiques. Utilisées à mauvais escient, elles peuvent se révéler dangereuses pour l’animal, l’éleveur et le consommateur », insiste Marylise Le Guénic, vétérinaire à la chambre d’agriculture de Bretagne. Certaines peuvent même se révéler cancérigènes, comme l’huile essentielle de basilic par exemple. D’où la nécessité d’encadrer leur usage. Et même s’il semble difficile d’appliquer à la lettre la réglementation actuelle, il n’en reste pas moins nécessaire de la connaître. D’ailleurs, pour être éligibles au financement Vivéa, les formations doivent désormais obligatoirement inclure à chaque cession un module présentant la réglementation, afin que chacun puisse mesurer les risques et les limites de l’usage de la phytothérapie en médecine vétérinaire. Un organisme s’est fait remonter les bretelles l’an dernier, suite à un contrôle effectué par la Direction départementale de la protection des populations lors d’une formation sur la phytothérapie animale. Depuis cet épisode, l’organisme Vivéa exige également un encadrement par un intervenant expert vétérinaire.

Difficile de soigner ses animaux avec des plantes dans la légalité

La réglementation en phytothérapie est très restrictive. Une plante, partiellement utilisée ou diluée dans un produit, entre dans le domaine du médicament dès qu’un effet préventif ou curatif est revendiqué. Or, qui dit médicament, implique deux choses. La première est l’obligation de prescription par un vétérinaire. La seconde est la nécessité pour le produit d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). L’AMM est obligatoire afin d’évaluer la qualité, l’innocuité, et l’efficacité(1) de celui-ci pour l’animal, l’éleveur qui le manipule et le consommateur de lait et de viande. « Pour les animaux d’élevage, la réglementation fixe notamment une limite maximale de résidus (LMR) à partir de laquelle est déterminé un temps d’attente pour garantir un niveau d’exposition sans risque pour les consommateurs », précise Jean-Pierre Orand, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire.

Seulement 21 huiles essentielles peuvent être prescrites

À l’heure actuelle, pour les bovins, seulement un médicament vétérinaire composé exclusivement d’huiles essentielles et de teintures possède une AMM(2) ! Pourquoi n’y en a-t-il pas plus ? « D’une part, l’obtention d’une AMM nécessite des études longues et coûteuses, et les laboratoires ne considèrent pas le retour sur investissement suffisant pour les mener de front, explique Jean-Pierre Orand. Et, d’autre part, la composition complexe et variable des huiles essentielles complique grandement l’étude et la validation des critères habituels, en particulier la détermination d’une LMR. La qualité des substances, leur toxicité et leurs voies d’élimination doivent être documentées afin d’évaluer la sécurité de ces produits. »

Un délai d’attente forfaitaire de 7 jours pour le lait

Cela étant, un vétérinaire peut prescrire un produit à base de plantes même s’il ne dispose pas d’AMM, dans le cadre de la règle de la « cascade ». Cette règle l’autorise à y recourir si aucun médicament vétérinaire autorisé et approprié n’est disponible. Seules 21 huiles essentielles (celles inscrites au tableau 1 du règlement LMR) peuvent être prescrites dans ce cadre. Pour celles-ci, un délai d’attente forfaitaire de 7 jours pour le lait et 28 jours pour la viande s’appliquent par défaut. Ces délais sont doublés en bio. Pour les autres huiles, le cadre légal ne permet pas d’usage officiel pour les animaux producteurs de denrées alimentaires. « La majorité des huiles utilisées en aromathérapie ne peuvent donc pas entrer dans la composition de médicaments vétérinaires destinés aux animaux producteurs de denrées, décrypte Olivier Fortineau, vétérinaire en Ille-et-Vilaine. Elles ne peuvent pas non plus être prescrites pour être incorporées dans les préparations magistrales (mélanges d’huiles, pommade...). » Seuls le vétérinaire et le pharmacien peuvent réaliser ce type de préparations. L’éleveur doit forcément faire appel à leurs services. « Le vétérinaire reste libre de sa prescription, mais il engage alors sa responsabilité professionnelle », précise Jean-Pierre Orand.

(1) Pour les médicaments à base de plantes, il est toutefois toléré que l’efficacité ne puisse pas toujours être parfaitement démontrée, en utilisant les critères habituellement retenus pour les autres médicaments.(2) Cothivet (huiles essentielles de cyprès, lavande, romarin, thym et des teintures de Carline, hydrocotyle, luzerne et marronnier).
Le saviez-vous ?
La phytothérapie est le fait de traiter, soulager et améliorer l’état de santé grâce aux extraits de plantes et de principes actifs naturels.
L’aromathérapie est l’une des branches de la phytothérapie qui fait appel aux plantes sous la forme d’huiles essentielles. Celles-ci se composent d’une multitude de composés chimiques.

Médicament ou aliment complémentaire ?

Beaucoup de préparations commerciales à base de plantes sont commercialisées en alimentation animale. Si elles ne revendiquent pas de propriétés thérapeutiques à l’égard d’une pathologie, elles ne sont pas considérées comme des médicaments et échappent donc à la réglementation qu’impose ce statut. Les substances végétales intégrant les formulations entrent dans la catégorie des additifs et, à ce titre, sont donc soumises à une réglementation différente, sous l’autorité de l’Efsa (European food safety authority). « Un certain flou réside aujourd’hui quant au statut de certains aliments à base de plantes qui n’hésitent pas à mettre en avant des propriétés pour soutenir l’immunité, prévenir l’apparition de mammites, améliorer les fonctions respiratoires, etc. Ces revendications flirtent avec le statut de médicaments, et sont très limites d’un point de vue réglementaire », observe Jean-Pierre Orand, de l’ANMV.

« Faire évoluer la réglementation prendra du temps »

Beaucoup d’éleveurs utilisant les huiles essentielles sont-ils hors-la-loi ?

" Effectivement, de nombreux éleveurs ne respectent pas la réglementation à la lettre. D’un point de vue juridique, s’ils achètent par exemple des huiles sans ordonnance à la pharmacie ou sur internet pour soigner leurs animaux sans prescription vétérinaire, ils encourent des sanctions pénales pour pratique d’automédication. Ces sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans de prison et 150 000 euros d’amende. "

Comment combler le retard de la législation ?  

" Nous avons conscience des restrictions réglementaires. Le temps d’attente forfaitaire représente notamment un gros frein à l’utilisation des huiles essentielles. La France a porté une position forte sur les médicaments à base de plantes dans les négociations pour le futur règlement européen qui viennent de s’achever. Mais il nous est difficile de sensibiliser et mobiliser la Commission européenne d’un point de vue politique, car nous sommes relativement isolés. À part les Allemands qui se montrent assez sensibles à cette problématique, nous trouvons peu d’écho auprès des autres États membres. Le nouveau règlement impose ainsi à la Commission de rédiger un rapport sur l’utilisation des médicaments à base de plantes. Cela pourrait constituer une accroche permettant de modifier le droit européen et de lever certains points de blocage. Le problème, c’est que ce rapport doit être rendu dans un délai de huit ans ! "

Quelles autres pistes envisagez-vous ?

" Parallèlement aux actions de lobbying à l’échelle européenne, nous essayons d’avancer au niveau national. Un groupe de travail rattaché au réseau français de santé animale et rassemblant les différents experts (ministères, instituts techniques et de recherche,  écoles vétérinaires, représentants des vétérinaires et des éleveurs, SIMV, Anses…) a été créé il y a un an. Nous concentrons nos efforts sur la fixation des limites maximales de résidus (LMR) pour une dizaine d’huiles d’intérêt médical. Des partenariats public-privé pourraient être envisagés pour monter des dossiers d’étude des LMR, qui constituent le principal point bloquant aujourd’hui.

Nous avons également soutenu une demande de financement, dans le cadre du plan EcoAntibio, pour trois actions visant à étudier les résidus des huiles essentielles dans le lait et la viande, après administration chez les ruminants. Ces trois actions sont actuellement en cours de validation auprès du ministère de l’Agriculture. »

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