Où se situe l’optimum de densité du maïs ?
Une synthèse d’essais menés par Arvalis sur quatre campagnes confirme les préconisations en matière de densités de semis du maïs fourrage. Mais des nuances sont à noter toutefois.
Une synthèse d’essais menés par Arvalis sur quatre campagnes confirme les préconisations en matière de densités de semis du maïs fourrage. Mais des nuances sont à noter toutefois.
Les préconisations d’Arvalis en matière de densité optimale de nombre de plantes récoltées par hectare dépendent de la précocité des variétés et des conditions de culture (cf. tableau). On parle d’objectif de densité à la récolte, sachant que le nombre de grains semés doit tenir compte des pertes estimées à la levée. Sauf accident climatique ou attaques de ravageurs, ces pertes n’excèdent pas plus de 5 % en bonnes conditions d’implantation, avec des semences de qualité. Mais, ces recommandations établies il y a plus d’une vingtaine d’années sont-elles toujours d’actualité ? Ou peut-on réduire les densités de semis, comme le préconisent certains groupes de développement ? A combien se chiffrent les pertes de rendement ? Et, d’un point de vue économique, quel compromis faut-il viser ? C’est l’objet des onze essais qu’a mené Arvalis en Bretagne, Pays de la Loire, et Picardie, sur quatre ans, en testant une gamme de densités allant de 80 000 à 125 000 plantes/ha.
La synthèse des résultats indique que le rendement augmente de 0,41 tMS/ha par tranche de 10 000 plantes supplémentaires/ha, dans la plage de densités testées, pour les variétés très précoces. Cette réponse est de 0,35 tMS/ha pour les variétés précoces et de 0,28 tMS/ha pour les demi-précoces. D’accord. Mais, qu’en est-il si on raisonne économique, c’est-à-dire en tenant compte du coût supplémentaire de semence lié à l’augmentation de densité au semis(1) ? Le gain de rendement net est toujours là, mais il se trouve grosso modo réduit de moitié. Il ne s’élève plus qu’à 0,23 tMS/ha par tranche de 10 000 plantes/ha pour les variétés très précoces, 0,17 t MS/ha pour les précoces et 0,10 tMS/ha pour les demi-précoces.
En conditions hydriques limitées, la réponse à la densité est moindre
« Nos essais confirment qu’en dessous des préconisations, la perte de rendement est supérieure à l’économie de semences réalisée à l’implantation, résume Michel Moquet d’Arvalis. Ce constat reflète effectivement la moyenne des situations rencontrées dans les essais, mais la réponse varie selon les conditions de culture. Lorsque le régime hydrique est moins favorable, on constate notamment un aplatissement progressif de la réponse du rendement à la densité. Par exemple, en 2017, au Grand Fougeray (35), le rendement est resté stable avec une densité comprise entre 80 et 110 000 plantes/ha. Au-delà des recommandations, à 120 000 plantes/ha, il est même pénalisé. « En conditions d’alimentation hydriques limitantes, les fortes densités sont moins bien valorisées économiquement. Pour autant, l’incertitude climatique ne doit pas nécessairement amener à réduire les densités, considère Michel Moquet. Dans l’hypothèse d’un climat estival favorable au maïs, les densités faibles pénalisent systématiquement le rendement. » Ces résultats invitent toutefois chacun à mener sa propre réflexion et adapter ses densités en fonction du niveau de la fréquence du stress hydrique. Si les situations limitantes se rencontrent plus d’une année sur deux, il vaut mieux se placer dans la fourchette basse des recommandations.
Dernier point : dans les essais, la valeur alimentaire est peu modifiée par la densité. En densités élevées, la quantité d’UFL produite/ha progresse, mais on observe néanmoins une légère baisse de la teneur en amidon dégradable et de la valeur UFL/kg MS.
(1) dose 50 000 grains = 90 €, 100 €/tMS maïs, surcoût de 10 000 graines/ha (0,2 dose) évalué à 0,18 tMS.« Réduire la densité n’est pas forcément une fausse économie »
Sur le terrain, force est de constater que certains exploitants ont adopté des densités de semis plus faibles que les préconisations d’Arvalis. Avec des résultats qui, semblent-ils, tiennent la route. Gilles Crocq, conseiller fourrages au Clasel et Ecla n’observe pas tout à fait la même chose que les résultats présentés et nous fait part de son analyse. « La synthèse proposée fait la part belle à des maïs menés dans de bonnes conditions de culture (sol profond, bonne alimentation en eau tout au long du cycle, azote non limitant), avance-t-il. En ce qui nous concerne, nous travaillons avec plus de 400 d’agriculteurs répartis en 42 groupes dans les Pays de la Loire, et en absence d’irrigation, la gestion du risque climatique incite à appliquer les densités de semis moins élevées que les préconisations mentionnées. » Sur cette zone, le Clasel incite les éleveurs à ajuster les densités de semis entre 88 000 et 93 000 grains semés par hectare pour des densités levées entre 82 000 et 85 000 pieds par hectare. Avec des potentiels de rendement qui vont de 11 à 18 tMS/ha. « Une trop forte densité de plantes levées peut même avoir un effet négatif sur le rendement lors des années à fort déficit hydrique de début juin à mi-août. Pour des indices précoces, des références locales acquises sur plusieurs années montrent un optimum de peuplement fourrage autour de 88 000 plantes semées pour 80 000 plantes levées dans les zones les plus séchantes. » Plus le stress arrive tôt, plus la capacité de compensation du maïs est forte sur des densités de récolte comprises entre 75000 et 85000 pieds/ha sur des variétés précoces-demi précoces.
« D’autre part, la synthèse repose beaucoup sur les résultats obtenus à partir de variétés typées cornées, poursuit Gilles Crocq. Or, celles-ci elles répondent beaucoup mieux aux densités de semis élevées et inversement pour les dentés. L’évolution de la sélection variétale oriente de plus en plus le caractère denté dans le groupe demi-précoce et précoce, si bien que les références anciennes sont certainement à faire évoluer à la baisse. » Il y a encore du travail à faire sur la densité semis en maïs fourrage sur le créneau des demi-précoces tendance dentés, d’autant que l’on s’oriente de plus en plus sur des formes de récolte variées (maïs épi, maïs grain humide).