Organisation du travail en élevage laitier : « Nous avons cinq semaines de vacances par an et un week-end sur deux »
Le Gaec des 3 villages, dans le Morbihan, a choisi un système simple mais bien réfléchi pour ses 150 vaches laitières. Le choix du bâtiment, des équipements, des techniques de production et du salariat répond à leur objectif d’une très bonne rentabilité et d’un temps de travail limité.
Le Gaec des 3 villages, dans le Morbihan, a choisi un système simple mais bien réfléchi pour ses 150 vaches laitières. Le choix du bâtiment, des équipements, des techniques de production et du salariat répond à leur objectif d’une très bonne rentabilité et d’un temps de travail limité.
« Travailler dans de bonnes conditions, se ménager du temps pour la vie personnelle, se pencher sur les chiffres et s’adapter en permanence sont tout simplement essentiels », avancent Guillaume Buchet et Anthony Bagot, les deux jeunes associés quarantenaires du Gaec des 3 villages. Leur leitmotiv : bien s’organiser pour optimiser les marges et le temps de travail.
Grâce à une organisation bien rodée et des investissements réfléchis, ils parviennent à limiter le temps de travail à 52 heures de travail par semaine par UTH exploitant et à s’octroyer un week-end libre sur deux, du vendredi soir au lundi matin, et désormais cinq semaines de vacances par an.
Fiche élevage
Gaec des 3 villages
2 associés et 3 UMO (2 salariés et 1 apprenti)
1,5 million de litres
150 vaches prim’Holstein
9 700 l/VL/an
2 300 porcs par an en post-sevrage et engraissement
148 ha, dont 51 ha de maïs fourrage, 11,5 ha de maïs grain, 31 ha de blé, 54,50 ha de prairies temporaires
Installés en 2008, en association d’abord à cinq, Guillaume Buchet et Anthony Bagot gèrent aujourd’hui à deux 150 vaches prim’Holstein, 1,5 million de litres, 2 300 porcs en post-sevrage et engraissement et 148 ha de SAU.
Miser sur le salariat
Après le départ du Gaec du voisin et des parents de Guillaume, les deux éleveurs ont choisi de rester à deux associés et de fonctionner avec deux salariés à plein temps et un apprenti. « Notre système ne tient qu’avec eux, insistent-ils. Nous faisons donc en sorte que nos salariés aient envie de rester. »
Ils travaillent 37 heures par semaine sur quatre jours et un week-end sur trois à raison de six heures par jour. « Nous avons aussi toujours un apprenti, car nous aimons transmettre notre vision de l’agriculture et notamment qu’il ne faut pas « être aux taquets » pour pouvoir optimiser ses marges. Cela crée aussi un vivier pour éventuellement trouver un salarié. »
« Un salarié coûte environ 30 000 euros par an, analysent-ils. Ces charges sont vite payées si elles permettent d’optimiser l’atelier en adaptant au mieux la conduite. D’autant que nous voulons nous libérer du temps pour garder un pied à l’extérieur de l’exploitation. »
Les deux éleveurs ont chacun des responsabilités : au sein du groupement porcs et d’une Cuma pour Anthony, et comme conseiller région Sodiaal et secrétaire et entraîneur d’un club de hand-ball pour Guillaume. « Et nous voulons des week-ends et des vacances ! »
Le choix du roto pour traire seul
Dès leur installation, Guillaume et Anthony ont donc réfléchi à ce qui permettrait d’optimiser à la fois les marges mais aussi les conditions et le temps de travail. Les bâtiments étaient un point essentiel. « En 2009, pour passer de 70 à 150 vaches, nous avons construit une nouvelle stabulation avec bloc traite, expliquent-ils. Nous voulions un système simple, mais performant permettant de limiter le temps de travail. Nous avons visité 42 installations avant de faire notre choix et modifié de nombreuses fois nos plans. » En tout, 660 000 euros ont été investis dans une stabulation en logettes paillées et bloc traite.
Le bâtiment comprend 123 logettes, réparties sur deux longues rangées pour limiter la compétition entre les vaches, et des couloirs larges pour le confort de travail.
L’aire d’attente est comprise dans l’aire de vie des vaches, ce qui limite le nettoyage après la traite. Pour la traite, leur choix s’est porté sur un roto 26 postes. « L’objectif était de pouvoir traire seul, pour pouvoir assurer les week-ends à deux personnes, dont une pour l’atelier porcs », précisent les éleveurs.
Pour limiter la pénibilité de la traite, les griffes ont été changées pour un nouveau modèle plus léger. Un chien électrique a aussi été mis en place pour pousser les vaches vers le roto. Ces choix ont permis de limiter le temps de traite à environ 8 heures par semaine par chacune des x UTH lait.
Tous les animaux dans le même bâtiment
En 2011, le Gaec a investi 110 000 euros dans un bâtiment génisses avec une nurserie accolée à la stabulation des vaches laitières. « Les génisses étaient sur un autre site et nous étions obligés de les déménager pour des raisons sanitaires liées à la proximité d’un poulailler. Nous avons gagné au moins une heure par jour, que nous passions sur la route pour aller les voir. La surveillance et le suivi des chaleurs sont depuis bien meilleures, car nous les avons sous les yeux à chaque fois que nous nous occupons des vaches laitières. Cela optimise aussi le matériel pour le paillage et l’alimentation. »
La paille est stockée juste à côté des animaux pour limiter les trajets. Au total, le travail de paillage et curage des animaux ne nécessite que 1,5 heure par UTH lait par semaine.
En 2014, le Gaec s’est également équipé d’un robot d’alimentation Lely Vector. « Nous avions une automotrice qu’il aurait fallu renouveler et pas de DAC, indique Guillaume. Nous avons découvert le Lely Vector lors d’une porte ouverte. Nous avons chronométré nos temps d’alimentation sur une semaine et calculé qu’un robot économiserait 20 heures par semaine, soit deux tiers de salarié. » 210 000 euros ont été investis pour le robot, la cuisine et les silos.
« Nous avons un peu surdimensionné la cuisine pour plus de souplesse, précise-t-il. Quand tout est plein, nous sommes tranquilles pour cinq jours. Cela nous fait notamment gagner trois heures par jour le week-end. » Le temps d’astreinte pour l’alimentation des vaches est ainsi de seulement 1,8 heure par semaine par UTH lait.
Suivi de la marge sur coût alimentaire par vache
L’optimisation des marges et du temps de travail est aussi recherchée à travers les techniques de management et de production. Les éleveurs ont ainsi beaucoup travaillé pour optimiser le pâturage. « En comptant le temps de travail, nous avons calculé il y a cinq ans que l’herbe pâturée nous coûtait 25 euros par tonne de matière sèche, précisent-ils. Le maïs nous revient à 125 €/t MS et le méteil à 130 €/t MS, en comptant culture, ensilage, bâche, conservateur…. Même si le coût de la main-d’œuvre a augmenté et que l’herbe pâturée coûte peut-être aujourd’hui 35 €/t MS, le pâturage reste toujours le mode d’alimentation le moins coûteux. »
Depuis 2018, Guillaume et Anthony calculent aussi chaque semaine la marge sur coût alimentaire par vache. « Nous le faisons simplement, sur un fichier Excel, en comptant tout ce que consomment les vaches, le nombre de vaches présentes, le lait produit. Cela implique bien sûr de connaître le coût de chaque aliment et sa valeur nutritive. Nous analysons le maïs et le méteil tous les deux mois. Ce suivi nous permet d’ajuster au mieux la ration pour optimiser la marge sur coût alimentaire. »
Anthony, qui s’occupe des cultures, s’est aussi formé aux techniques culturales simplifiées. « Nous sommes passés progressivement au non-labour, en utilisant le matériel qu’il y avait sur la ferme, explique-t-il. Comme nous devons enfouir le lisier de porcs et le fumier que nous épandons, nous réalisons un travail superficiel avant le semis. Ce semis simplifié représente à la fois un gain de temps, de mécanisation et de carburant. »
Le désherbage de rattrapage du maïs est réalisé par binage. « Même si cela prend plus de temps et que nous n’avons pas de MAEC, nous voulons utiliser moins de phytos. C’est aussi mieux pour l’eau et la minéralisation. »
3 à 4 heures par semaine à regarder les chiffres
« Nous faisons la chasse à tout ce qui nous semble superflu dans notre système. » Tous les postes de charges sont optimisés. Ils ne recourent ni au sexage, ni au génotypage, qui augmentent le coût de la reproduction. Ils sont revenus à un minéral simple et apportent seulement des levures et du propylène en début de lactation. Ils achètent des semences de base, sans enrobage, et ne traitent plus contre la pyrale qui ne les touche qu’une année sur deux sur 10-15 % de la surface en maïs.
Ils se sont aussi engagés dans la maîtrise de l’énergie, en investissant dans un prérefroidisseur à lait, dans l’isolation des porcheries, dans des lampes à leds… et aujourd’hui dans le photovoltaïque pour la revente et l’autoconsommation.
Cette organisation et ces équipements permettent aux deux associés de prendre du temps pour se former, s’informer et analyser les chiffres. « L’hiver, nous passons 3 à 4 heures par semaine à deux à regarder les chiffres. » Et, ça paye !
Avis d’experte : Agathe Sergy, conseillère chambres d’agriculture de Bretagne
« Une très bonne performance économique »
« L’efficience du temps de travail associée à la maîtrise technique permet une très bonne performance économique du Gaec des 3 villages. Le Gaec est techniquement très bon, grâce notamment à son outil de suivi de la marge sur coût alimentaire, qui leur permet un suivi plus précis que les chiffres mensuels. Les quantités de chaque aliment, fournies par le robot d’alimentation et par l’herbomètre pour le pâturage, ainsi que le lait produit et les prix du lait et des aliments sont renseignés chaque semaine. Ils peuvent ainsi adapter la ration de façon hebdomadaire pour optimiser la marge. La comparaison au quart le plus performant des références Cerfrance montre aussi que le Gaec est très bon au niveau des frais vétérinaires et de reproduction. Les éleveurs sont aussi très présents dans les groupes de progrès, les projets d’expérimentation et font partie du réseau thématique Inosys sur les fermes connectées et la high-tech, ce qui traduit leur constante recherche d’amélioration. »
Une bonne maîtrise fourragère
L’alimentation des bovins s’appuie sur le pâturage et sur une ration à base d’ensilage de maïs et d’ensilage de méteil trèfles-seigle cultivé en dérobé.
L’exploitation bénéficie d’un parcellaire groupé et de sols plutôt sains, donnant un rendement de 12,5 t MS/ha en maïs et de 5-6 t MS/ha pour le méteil qui associe du seigle et plusieurs variétés de trèfles.
« Comme nous sommes sur le bassin-versant de l’Oust, nous devons couvrir les sols l’hiver, précisent les éleveurs. Avant, nous cultivions du ray-grass italien en dérobée. Nous sommes passés au méteil trèfles-seigle, qui structure mieux le sol et l’assèche moins. Le seigle est aussi plus facile à produire en semences fermières et se récolte tôt, ce qui permet d’implanter le maïs mi-avril. Les différentes variétés de trèfle permettent d’étaler la production. »
Mesurer la pousse de l’herbe toute la semaine
Les prairies sont constituées de ray-grass anglais typé pâturage et de plusieurs variétés de trèfle blanc, pour étaler la pousse. Depuis 2017, le Gaec pratique le pâturage tournant dynamique, avec 25 paddocks de 1 hectare et une arrivée d’eau sur chaque paddock.
« Nous avions réduit le pâturage, car nous ne le maîtrisions pas, indique Guillaume. Je me suis formé auprès d’éleveurs dans le cadre d’un groupe lait. » Il mesure aujourd’hui la pousse de l’herbe à l’herbomètre chaque semaine dans tous les paddocks. « Cela me prend une heure, mais c’est du temps bien valorisé. Si on débraye trop tard, on perd facilement 2 kilos de lait. Nous fauchons quand l’herbe dépasse 12-15 cm. »
La production d’herbe est ainsi passée de 4-5 t MS/ha à 10 t MS/ha. Les vaches pâturent de mi-février à décembre, avec toujours 6 à 10 kg MS/j de maïs. Les éleveurs ont aussi développé le pâturage des génisses. Les génisses pleines sont toujours dehors, ce qui limite le travail, et ne reçoivent pas de concentré. Elles pâturent d’abord les paddocks à l’automne, pour qu’ils soient propres avant l’hiver, puis les couverts avant maïs.