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" Nous produisons un million de litres sur moins de 100 hectares "

Au Gaec du Liuret, dans les Pyrénées-Atlantiques. Du maïs à gros rendement subtilement rééquilibré dans la ration, et des vaches tout aussi productives... Ou comment vivre correctement à trois associés sur moins de cent hectares.

La PAC l’a quelque peu obligé à battre en retraite. Autrefois cultivé en monoculture, le maïs a cédé quelques hectares au soja pour répondre à l’obligation d’une troisième culture. Mais, pour le Gaec du Liuret, dans les Pyrénées-Atlantiques, le maïs, récolté en ensilage et en grain, reste la culture la plus sécurisante en termes de rendement pour alimenter le troupeau (110 vaches) et la source d’énergie la plus efficace pour garantir une production de haut niveau (10 000 l de lait par vache). Néanmoins, par rapport à quelques années plus en arrière, l’assolement comme le rationnement se sont complexifiés. Le Gaec cultive la moitié des 96 hectares de SAU en maïs non irrigué : 37 hectares pour l’ensilage et 10 hectares en grain, dont la moitié est utilisée pour le troupeau en travail à façon avec la coopérative. Le reste est vendu mais représente la marge de sécurité quand l’année est moins favorable. Le soja, dont la graine est vendue, absorbe 7 hectares et s’intercale entre deux maïs. Une dérobée (du RGI/trèfle d’Alexandrie/vesce) est cultivée après le soja. Et une interculture de féverole, broyée, est systématiquement implantée derrière les maïs. « Avec la troisième culture, nous sécurisons moins le maïs », reconnaît Romuald Pascal,  associé en Gaec avec son oncle, Joseph Huste Mirassou, et son voisin, Jean-Luc Magendie.

20 tonnes de matière sèche presque chaque année

La marge est d’autant plus courte que l’exploitation est située dans un couloir de grêle, voire de tempêtes. « Nous avons une assurance grêle qui couvre le maïs et le soja, poursuit le jeune associé. Nous assurons un rendement (100 q/ha pour le maïs) et un prix (150 €/ha). Cela nous coûte 7 600 euros par an mais il est rare qu’on passe une année sans déclarer quelque chose. » Une partie du maïs a encore été grêlé cet été. Vu le chargement (2,5 UGB/ha SFP) et la réduction de la surface de maïs, le premier objectif est plus que jamais d’assurer le maximum de rendement. Le Gaec cultive une variété tardive (indice 550) de maïs grain (Pioneer P0725). « Avec cette variété, nous atteignons presque chaque année les 20 tonnes de matière sèche par hectare, justifie l’éleveur. Et il est très peu sensible à la verse. » Même en retenant un rendement moyen rendu silo de 18 tonnes, la performance est difficile à battre. Mais ce maïs, qui n’a pas été sélectionné pour sa digestibilité et peut devenir très riche en amidon, nécessite quelques précautions en termes de récolte et de rationnement. « En ensilant à 30-32 % de matière sèche, la digestibilité des tiges et feuilles est meilleure et le taux d’amidon se situe à 30-35 %, précise Iris Chanay, de Conseil élevage 64. Avec du maïs grain, il faut chercher le meilleur compromis entre rendement et appétence du fourrage. »

Structurer la ration et diversifier les sources d’énergie

Au fil des ans, le Gaec du Liuret a diversifié et sécurisé le rationnement, un peu plus encore depuis la mise en service des robots de traite, en mars dernier. L’herbe, sous forme d’enrubannage (ray-grass et prairie naturelle), a pris une place plus importante. Auparavant, la ration semi-mélangée comprenait 40 kg de maïs, 1,5 kg de luzerne brins longs et du correcteur azoté. La quantité de maïs est restée la même et la luzerne a été maintenue. Mais la capacité d’ingestion des vaches ayant augmenté (23 kgMS ingérés), la ration actuelle comprend en plus 1,6 à 2,7 kgMS d’enrubannage. Récolté humide (32 % MS), cela représente 6 à 8 kg en brut. « L’enrubannage structure la ration », explique Iris Chanay. Les éleveurs utilisent deux aliments VL pour diversifier les sources d’énergie et diluer le taux d’amidon. L’un avec 50 % de maïs produit sur l’exploitation et l’autre (VL structure) avec un taux de cellulose plus élevé (13 %), moins d’amidon et enrichi en matière grasse (11,5 %). La quantité de ces deux concentrés de production est plafonnée à 6 kg pour les vaches adultes et 5 kg pour les primipares. La mise en service du robot a permis aussi de diversifier les correcteurs azotés. « La ration mélangée est équilibrée, avec des valeurs proches d’un aliment de production (0,9 UF, 100-105 PDI), ajoute Iris Chanay. Elle permet d’aller chercher du lait par l’ingestion plutôt que par le concentré. »

Trois aliments aux robots et un booster d’immunité

La ration varie peu au cours de l'année. Seule les proportions d'ensilage de maïs et d'enrubannage peuvent varier. Les vaches ne pâturent pas. En mai dernier, la ration distribuée à la mélangeuse comprenait (par vache et par jour) 13,6 kgMS de maïs, 1,6 kg d’enrubannage, 1,3 kg de luzerne, 1,8 kg (brut) de correcteur azoté et 450 g de minéral enrichi en bicarbonate, levures et biotine (vitamine B8). Elle est équilibrée pour 30 litres. Trois aliments étaient distribués aux robots : 1,4 kg d’un autre correcteur azoté pour toutes les vaches et, en moyenne, 2 kg de VL à base de maïs et 1,2 kg de VL structure. Depuis deux ans, les éleveurs ajoutent dans la mélangeuse un produit pour booster l’immunité (100 g/VL). La décision a été prise suite à des mammites récurrentes que les mesures classiques n’avaient pas réussi à résorber. De plus, il semblait y avoir un lien entre métrites et mammites. L’effet a été visible mais pas miraculeux. « La baisse des mammites a tout de même payé le produit », observe Iris Chanay. Elles ont nettement chuté depuis la traite au robot. Auparavant, lors de la traite, estime la conseillère, il y avait sans doute un peu de surdétection visuelle de la part des éleveurs, qui ne voulaient pas laisser déraper la situation. La question de maintenir ce produit, coûteux (2 000 €/t), se pose donc. « Nous verrons après une année de fonctionnement avec le robot », prévoit l’éleveur. Du propylène est distribué durant les 30 premiers jours de lactation (250 g/VL/jour).

Meilleure santé des animaux et baisse des frais vétérinaires

Le coût moyen de la ration est assez élevé (3,80 €/VL/j) et peut atteindre 4,50 € à certaines périodes. La ration de préparation au vêlage, qui est faite dans les règles de l’art (paille, 4 kgMS d’ensilage de maïs, 3 kg d’aliment préparation vêlage), coûte 2,70 €/VL/j. « On pourrait faire moins cher, aussi bien en termes de concentrés que d’achat de luzerne, reconnaît Iris Chanay. Du foin de bonne qualité pourrait être produit sur l’exploitation. Mais il faut trouver un juste milieu entre surface, rendement et facilité. » Le coût alimentaire n’a pas dérapé avec la mise en service du robot : le supplément d’aliment s’est traduit par une augmentation de la production de lait.

L’élevage est néanmoins confronté à des chutes de TB en été, et la moyenne annuelle est assez faible (38,5 g/l). Les vaches ne sont pas en acidose mais plusieurs phénomènes se conjuguent. De façon générale, sur le département, les TB baissent de manière importante d’avril à juillet, explique la conseillère. Mais de façon plus marquée dans certaines exploitations. Au-delà de l’impact climatique, Iris Chanay soupçonne un effet des variétés de maïs sur les silos de fin de campagne. « Même si la variété de maïs et la ration ne sont pas trop favorables au TB, on fait beaucoup de rendement en ensilage et on produit beaucoup de lait », dit l’éleveur « Toutes ces évolutions mises bout à bout ont contribué à augmenter la production, à améliorer la santé des animaux et à baisser les frais vétérinaires », ajoute Iris Chanay.

Évolution des choix génétiques

Les vaches vieillissent bien et les résultats de reproduction sont corrects (49 % de réussite en 1re IA, 415 jours d’IVV, 22 % de vache à 3 IA et plus) et n’ont pas été dégradés par la hausse de production. Les vêlages sont étalés sur l'année. Dans cet élevage, le TB est défavorisé aussi par la génétique. Les taux n’ont jamais été la priorité d’une sélection longtemps orientée sur le lait. « Aujourd’hui, nous mettons l’accent sur la reproduction, la santé des mamelles, les aplombs, sans dégrader la production (pas de taureaux inférieurs à 500 litres de lait). Notre but est d’avoir des vaches qui font du lait sans faire parler d’elles et de vendre un peu de génétique », détaille Romuald Pascal. Bref, pas question de remettre en cause une productivité bien maîtrisée qui paie. « Quand quelque chose marche bien, on n’a pas envie de changer », conclut l’éleveur.

Du lait par l'ingestion, plutôt que par le concentré

 

Un passage au robot de traite bien préparé

En mars dernier, deux robots de traite (Delaval) ont été mis en service. « Mon oncle va prendre sa retraite dans deux ans. Ainsi, nous pourrons continuer à travailler à deux », explique Romuald Pascal. Son autre associé, Jean-Luc Magendie, a encore huit ans d’activité devant lui.

L’adaptation du troupeau s’est remarquablement bien déroulée. « Nous avons fait passer les vaches au DAC du robot pendant trois semaines sans les traire : trois jours à pousser des vaches et le reste du temps à surveiller, puis nous avons mis en route, raconte le jeune éleveur. Au bout d’une semaine, nous avions dépassé les objectifs : 2,8 traites par vache, moins de 5 % de traites incomplètes, 95 % d’aliment consommé... On n’a cassé aucune vache pour cause de robot. »

« Atteindre 2,8 traites en une semaine, je n’ai jamais vu ça », s’étonne encore Iris Chanay. Un résultat dû à la fois à une configuration de bâtiment favorable et à une préparation de l’arrivée des robots. De plus, les vaches étaient déjà habituées à passer au DAC. Celles qui étaient en fin de lactation ont été taries pour réduire le cheptel au minimum et les parages soigneusement effectués dans les mois précédents. L’évolution du système de traite avait été longuement anticipé. « Depuis quatre ou cinq ans, nous avions intégré dans les objectifs de sélection le type de mamelle adapté au robot », ajoute le jeune éleveur. Si ses deux associés étaient quelque peu inquiets de la gestion de la traite sur un ordinateur, ils s’y sont parfaitement adaptés. Ils ont acheté un smartphone et en sont devenus « accros ».

B. G.

 

 

Anticiper les évolutions de main-d’œuvre

Derrière le choix de la productivité fait par le Gaec du Liuret, il s'agit de remplir un double objectif, explique Romuald Pascal : « Comment réussir à vivre de son métier et à améliorer la qualité de vie ? ». Les deux points du contrat sont jusqu’ici bien remplis. Côté travail, la présence de trois associés permet une organisation qui laisse du temps libre. Chacun prend quinze jours de vacances en été. Quant aux fins de semaine, le jeune éleveur assure un dimanche sur trois, seul avec l’aide de sa mère, et ses deux associés deux dimanches sur trois à deux. En semaine, chacun dispose de deux jours où il ne démarre la journée qu’à 9 h et la termine à 18 h (sauf en cas de gros travaux extérieurs). Les robots de traite ont permis de démarrer la journée une heure plus tard (7 h) et de la terminer une demi-heure plus tôt (19 h 30).

« Au départ de mon oncle, nous verrons si nous tenons la cadence à deux ou s’il faut trouver d’autres solutions : embaucher un salarié, s’associer, remplacer mon oncle par un "hors-cadre familial"... Le robot nous laisse du temps pour y réfléchir. » Le Gaec travaille beaucoup en entraide avec deux voisins. Quasiment tous les gros travaux extérieurs sont effectués en commun avec du matériel de la Cuma. Deux voisins de la même génération et qui seront aussi confrontés à une baisse de main-d’œuvre. L’association n’est donc pas l’hypothèse la moins probable.

 

Chiffres clés

3 UMO
96 h dont 47 ha de maïs (37 ha d’ensilage, 10 ha de grain) ; 7 ha de soja ; 42 ha de prairies dont 7 ha de prairies temporaires (dactyle/fétuque/TV) et 35 ha de prairies permanentes (dont 12 ha de pâture pour les génisses pleines et les vaches taries) ; 7 ha de dérobée.
110 Prim’Holstein
1 062 000 l de référence (Savencia)
2,5 UGB/ha SFP
 
 

Avis d’Iris Chanay, Conseil élevage 64 - chambre d’agriculture

« Une vision d’entreprise »

« Les éleveurs ont une vision d’entreprise. Ils savent où ils vont, ils raisonnent leur choix, ils ne stagnent pas sur un problème sans y apporter de solution, ils prennent les décisions, vont de l’avant... Décider, à deux ans de la retraite, de mettre en place un robot de traite n’est pas donné à tout le monde. Ce choix n’a pas été fait pour se décharger mais dans une logique de progression et pour faire perdurer l’atelier à deux personnes. Il y a aussi un bon suivi du troupeau. C’est un élevage où il n’y a pas de gros problèmes à gérer. Dans notre relation de conseil, nous les accompagnons plutôt sur des choix techniques et stratégiques qui leur permettent de progresser, en nous appuyant sur du raisonnement économique. Ainsi, le coût de la ration (3,85 €/VL/j) peut paraître élevé. Mon groupe de suivi est à 3,20 € pour une moyenne économique de 8 000 litres. Les 65 centimes de différence sont largement couverts par les 2 000 à  3 000 litres supplémentaires. La marge alimentaire (6,7 €/VL/j ou 210 €/1 000 l) se situe parmi les meilleures du groupe. »

 

Résultats économiques

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