« Nous misons sur les dérobées et l'affouragement en vert »
Au Gaec Guillet Gandemer en Loire-Atlantique. Avec seulement 10 ares d'herbe accessibles pour les vaches, les associés distribuent en vert un mélange de trèfles, de la luzerne irriguée et du RGA.
Au Gaec Guillet Gandemer en Loire-Atlantique. Avec seulement 10 ares d'herbe accessibles pour les vaches, les associés distribuent en vert un mélange de trèfles, de la luzerne irriguée et du RGA.
Il est 14h00, et près de la moitié des 75 Prim'Holstein du troupeau sont couchées dans des logettes bien paillées. Les autres attendent patiemment que l'un des trois associés repousse l'ensilage de maïs recouvert d'un tas de ray-grass anglais affourragé en vert. Christian Guillet et son frère Laurent ainsi qu'Alexandre Gandemer, ont recours à l'affouragement en vert depuis 2013 «parce qu'il n'y a que 7 ha de pâtures accessibles pour les vaches ». Cette technique s'adapte d'autant bien à leur recherche d'autonomie et de baisse du coût alimentaire que la main-d'œuvre n'est pas un facteur limitant au sein du Gaec. « On passe au maximum une heure par jour pour les parcelles les plus éloignées. »
L'affouragement en vert ne coûte pas plus cher que de l'ensilage d'herbe
Pour Jean-Claude Huchon de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, l'affouragement en vert ne doit pas être considéré uniquement comme une charge. « Dans cet élevage, cette technique a permis d'intensifier la voie animale et fourragère et de libérer des surfaces. » Des propos confirmés par les éleveurs. « Grâce à l'affouragement en vert, la valorisation des dérobées et la luzerne irriguée, nous avons libéré progressivement depuis trois ans 15 ha de prairies de RGI au profit de la culture de céréales (de 25 à 40 ha). »
Avec sa calculette à la main, Jean-Claude Huchon poursuit sa démonstration. « Cette année, la nouvelle autochargeuse n'a été livrée qu'en avril. Mais en année normale, l'affouragement en vert peut commencer dès mi-février et se terminer fin novembre. Dans ces conditions, les vaches peuvent consommer environ 1,8 t de MS de fourrage vert par an (une moitié du tonnage en RGA et l'autre en légumineuses) soit au total 120 t de MS pour le troupeau. Cette quantité permet de diluer le prix d'achat de l'autochargeuse (30 000 euros HT) et de limiter le coût de récolte et de distribution à 45 euros/t de MS. » En s'appuyant sur les données fournies sur internet par la chambre d'agriculture des Pays de la Loire (1), Jean-Claude Huchon conclut que dans ce Gaec « l'affouragement en vert ne coûte pas plus cher que de l'ensilage d'herbe (66 euros/t de MS hors coût de distribution) tout en gagnant en valeur alimentaire. »
Implantation en dérobée de 20 hectares d'un mélange de quatre trèfles
Une vingtaine d'hectares d'un mélange à base de quatre espèces de trèfles différentes (incarnat, squarrosum, flèche et Balansa ) sont implantés en dérobée depuis 2009 à la place de la moutarde, phacélie... Ces trèfles annuels sont complémentaires notamment en termes de précocité de floraison et de hauteur de tige. « Au départ, notre objectif était agronomique. Puis nous avons décidé d'en faire profiter le troupeau laitier via l'affourageant en vert (2 ha) ou de l'ensilage (15 ha). » Implanté après une céréale, le mélange de trèfles est fauché une première fois en août puis au printemps suivant. Au total près de 60 t de MS sont ensilées et 4 t de MS sont affouragées en vert.
Pour optimiser la valeur nutritionnelle de l'ensilage de trèfle, la légumineuse est fauchée à 6 ou 7 cm de haut grâce à la présence de patins sur la faucheuse rotative. « La valeur du trèfle n'est pas dans le bas du pied et en fauchant suffisamment haut, on favorise la repousse », indique Christian Guillet. L'emploi d'une faucheuse conditionneuse n'est pas envisagé par les associés. « Ça fait de la bouillie et on perd trop de feuilles. »
Après la fauche, le fourrage est laissé entre 3 et 5 jours au sol pour atteindre au moins 30 % de MS. « Nous allons essayer de faner pour gagner une journée de séchage. » Puis le trèfle est andainé et ensilé. Pour limiter les pertes au silo, les éleveurs ajoutent un conservateur biologique. Les analyses de l'ensilage de trèfle de premier cycle contenant environ 20 % de repousses de RGI confirment la qualité du fourrage : 33 % de MS, 0,82 UFL/kg de MS, 122 g/kg de MS de PDIN et 80 g/kg de MS de PDIE.
Abandon du RGI au profit du trèfle et de la luzerne
Par ailleurs, le RGI a disparu de la ration. « Les légumineuses ont l'avantage d'avoir une valeur alimentaire qui chute moins rapidement que celle du RGI avec le temps. C'est donc plus souple en termes d'utilisation. » Autre avantage selon les associés, « on gagne aussi en autonomie au niveau des engrais parce qu'on n'apporte pas d'ammonitrate sur les légumineuses alors qu'on en mettait 100 U sur le RGI. »
Entre 10 et 15 tonnes d'un mélange de fumier de bovin et de volailles sont épandues chaque année sur le trèfle et la luzerne. La culture de la luzerne a d'abord été testée sur un hectare irrigué en 2009. Puis, les résultats étant très satisfaisants, la surface a progressivement atteint 4 ha. « Le rendement est d'environ 12 t de MS/ha en cinq coupes. Elles sont toutes récoltées en vert à l'exception de la seconde que nous laissons monter en graines et récoltons si possible en foin. » La luzerne étant récoltée jeune, « sa valeur énergétique en vert peut dépasser 0,9 UFL/kg de MS », souligne Jean-Claude Huchon.
Le maïs épi coûte moins cher à produire que du maïs grain ou humide
Le maïs est implanté sur 23 ha dont 18 ha sont ensilés en plante entière et 2,5 ha sont ensilés en épis. « On a toujours fait du maïs épi ici parce que c'est un fourrage simple à utiliser pour ajuster une ration et il coûte moins cher à produire que du maïs grain ou humide qui induisent des coûts de broyage, de transport ou de séchage », expliquent les éleveurs.
L'aspect travail est également pris en compte. « Nos 2,5 ha sont fait en une heure et demie. On n'a pas besoin de rendre des chantiers d'ensilage chez nos voisins. » Le rendement atteint 10 t de MS/ha sur des parcelles irriguées. « Au Gaec, le maïs épi revient à 210 euros/t contre 145 euros/t pour l'ensilage de maïs rendu à l'auge avec un rendement de 12 t de MS/ha. C'est un aliment riche en énergie (1,06 UFL mais aussi 49 g de PDIN et 92 g de PDIE en 2015). »
Une économie de 45 tonnes de MS de fourrage avec les génisses
Côté voies d'amélioration, les associés pourraient opter pour deux périodes de vêlages plutôt qu'une seule comme c'est le cas actuellement (vêlages groupés d'août à décembre). « La production chute beaucoup en mai juin parce qu'il y a beaucoup de vaches en fin de lactation ou taries. » Par exemple, en juin dernier la production moyenne n'était que de 19,4 kg de lait produits par seulement 48 vaches avec un niveau moyen de lactation à 9,6 mois. Alors qu'en novembre, les 72 vaches traites ont produit 28 kg de lait avec un stade de lactation moyen de 4,9 mois. Or avec deux périodes de vêlages, « il serait peut être possible de monter à 9 000 litres de lait produits par vache tout en limitant l'apport de concentrés à 130 g par 1 000 l », estime Jean-Claude Huchon.
Mais les trois associés sont unanimes pour refuser cette solution pour des raisons personnelles (congés d'été...) et d'organisation du travail. Le groupage des vêlages sur une seule période a pourtant un autre inconvénient à savoir qu'il impacte l'âge moyen au vêlage de génisses. « Il est actuellement de 32 mois, mais nous allons travailler pour le diminuer autour de 27 mois. Cela passera certainement par une conduite plus poussée de l'alimentation des génisses », indiquent Christian et Laurent Guillet. Selon les calculs réalisés avec les associés, cela permettrait d'économiser environ 45 tonnes de MS de fourrages par an. Par ailleurs, les éleveurs envisagent d'investir dans un DAC pour passer en ration semi-complète. « C'est une bonne piste pour économiser encore plus de concentrés et de correcteur azoté. »
(1) www.perel.paysdelaloire.chambagri.frLes rations complètes en 2014/2015 (1)
L'essentiel