« Nous avons multiplié par cinq notre production laitière en sept ans »
Au Gaec du Champ Léger, en Loire-Atlantique, le droit à produire est passé de 280 000 litres à 1,360 million de litres de lait entre 2014 et 2021. Les associés ont beaucoup investi dans des équipements, du conseil et valorisé les atouts de la pie rouge.
Au Gaec du Champ Léger, en Loire-Atlantique, le droit à produire est passé de 280 000 litres à 1,360 million de litres de lait entre 2014 et 2021. Les associés ont beaucoup investi dans des équipements, du conseil et valorisé les atouts de la pie rouge.
Le Gaec du Champ Léger, à Grandchamp-des-Fontaines, a connu une véritable révolution. Bridé par les quotas, Bertrand Lelou (53 ans) et son salarié ont fait tourner l’exploitation avec 280 000 litres de lait jusqu’en 2014. Puis, à la faveur de la fin des quotas et d’attributions de sa laiterie (Agrial), son droit à produire est passé à 1,1 million de litres de lait en 2017. Romain (24 ans), son fils, y ajoute 200 000 litres lors de son installation en 2021. La référence du Gaec grimpe alors à 1,360 million de litres de lait. « Notre ferme a totalement changé de dimension en l’espace de sept ans », résume Romain Lelou.
Les deux associés, épaulés par un salarié employé à temps plein jusqu’en novembre 2022, ont réussi à passer le cap sans problème particulier. Ils ont pour cela activé plusieurs leviers.
Un investissement de 833 000 euros en 2017
Bertrand Lelou a investi 833 000 euros en 2017. « Nous avons eu la chance d’investir au bon moment. Dans le contexte actuel, cela ne serait plus possible. » L’aire paillée a été abandonnée au profit d’un bâtiment avec 121 logettes sur caillebotis. Les vaches s’y sont accommodées sans souci.
Pour faire face à l’augmentation de la charge de travail, ils ont misé sur l’automatisation et la délégation d’un maximum de tâches. La salle de traite 2x6 a été remplacée par deux robots de traites Lely A4. Un robot racleur a mis fin au raclage avec tracteur. Un robot repousse-fourrage passe sept fois par jour. « Le repousse-fourrage, c’est super. Son passage crée de la circulation. Les vaches valorisent mieux leur ration », expose Bertrand Lelou.
La distribution des ensilages de maïs et d’herbe est déléguée à une Cuma avec salarié depuis 2001. Le passage de l’automotrice, vers 8h30, revient à 12 euros pour 1 000 litres.
Gain de temps et meilleures conditions de travail
Ces investissements riment avec gain de temps et amélioration des conditions de travail. « Heureusement que nous avons les robots car j’ai un gros problème à une épaule depuis un an qui m’empêcherait de traire », souligne Bertrand. Les associés prennent un week-end sur trois et cinq semaines de vacances par an. « En semaine, nos journées commencent à 7h30. À 18h30-19h00, c’est fini. Quand je suis seul le week-end, je travaille trois heures le matin et deux heures le soir. Pour un troupeau de cette taille, c’est plutôt appréciable », apprécie Romain.
En plus de leur week-end de travail, les éleveurs sont d’astreinte un week-end sur deux pour gérer les éventuelles alertes robot ou des vêlages compliqués quand le salarié est de week-end. « Cela rassure le salarié et nous aussi. »
Le gain de temps leur permet aussi de se recentrer sur la conduite du troupeau. Romain Lelou fait notamment référence à l’amélioration apportée à l’élevage des génisses. « Nous avions tendance à les négliger un peu. Nous donnions du lait froid aux veaux que nous apportions avec des seaux. C’était un peu une corvée. Nous avons donc acheté un taxi-lait il y a deux ans. Le lait est distribué à la bonne température. Nous maîtrisons mieux la période 0-6 mois. »
Les bénéfices du changement de pratiques ne se sont pas fait attendre. « Les génisses ont une meilleure croissance. Nous voyons les résultats sur les premières qui vêlent. Elles sont plus développées. Elles démarrent un peu mieux en lactation. »
Cap sur l’Inel, la vitesse de traite et le sans cornes
Un gros travail de sélection et la valorisation des atouts de la race pie rouge ont aussi fortement contribué à la réussite de leur projet. Une remontée dans le temps s’impose. La première pie rouge a été achetée en 1968 par Joseph Lelou. Quand Bertrand, son fils, s’est installé en 1993, il y avait un tiers de vaches pie rouge et deux tiers de prim’Holstein. « Comme mon quota était bloqué à 280 000 litres, j’ai progressivement remplacé les Holstein par des pie rouge pour faire plus de valeur ajoutée grâce au taux. Le troupeau est devenu 100 % pie rouge en 2000 », relate Bertrand Lelou.
Puis, pour produire plus de lait, le Gaec a mis l’accent sur les index lait tout en cherchant à préserver les acquis sur les taux. Le bilan génétique du troupeau confirme l’efficacité des choix opérés par les éleveurs. Les multipares ont un index lait moyen négatif (–121 kg) et un index vitesse de traite légèrement positif (+0,08). L’apport du travail de sélection sur ces deux critères se fait sentir chez les primipares. Leur index lait moyen est positif (+412 kg). Et comme le souhaitaient les éleveurs, les progrès réalisés en production ne se sont pas faits au détriment des taux (+1,9 en TB et +1,8 en TP). La tendance en lait est la même chez les génisses, avec de meilleurs taux (+403 kg de lait, +3,2 en TB et +2 en TP).
L’index vitesse de traite a progressé à +0,21 chez les primipares et les génisses. « La vitesse de traite moyenne calculée au robot est de 2,6 kilos de lait par minute, explique Denis Denion, conseiller Seenovia. L’objectif est d’atteindre 3 kilos par minute. Les progrès génétiques réalisés en vitesse de traite permettront de mettre un peu plus de vaches aux robots sans les saturer plus. »
9 400 litres de lait à 48 g/l de TB et 37 g/l de TP
Le progrès génétique couplé au calage précis des rations et au passage à la traite robotisée ont permis de faire progresser la moyenne du troupeau de 6 800 l/VL/an en 2014 à 9 400 litres de lait. Tout en améliorant les taux : 48 g/l de TB et 37 g/l de TP contre 45,8 g/l de TB et 34,5 g/l de TP.
Le gène sans cornes est également un atout de la race valorisé par les associés pour deux raisons : améliorer le bien-être des animaux et diminuer leur charge de travail. « Il y a un grand choix de bons taureaux sans cornes dans le catalogue. Un tiers de notre troupeau est sans cornes. La moitié le sera d’ici deux à trois ans », prévoit Romain Lelou. Autre source de satisfaction : le très bon niveau génétique du troupeau lui permet d’être intégré dans le programme de sélection de la race pie rouge d’Evolution.
L’amélioration de l’autonomie est aussi une priorité des associés. « Entre 2016 et 2019, nous avons acheté beaucoup de fourrages, de céréales et toute notre paille pour faire face à l’augmentation de l’effectif du troupeau. Nous étions très dépendants de l’évolution des cours des céréales. Mais, lors de mon installation, nous avons repris 40 hectares. Nous avons pu refaire des céréales et devenir autonomes », souligne Romain Lelou.
Valoriser au maximum le pâturage au printemps
Le pâturage occupe une bonne place dans le système de mars à fin juin. La surface pâturable par les vaches est de 40 hectares (30 ares/VL). « Les vaches consomment environ 1 tonne de matière sèche d’herbe par an. Dans notre contexte pédoclimatique et de saturation des stalles, c’est difficile de faire mieux », analyse Denis Denion.
La ration hivernale se compose de 10 kg MS d’ensilage de maïs, 5 kg MS d’ensilage d’herbe et de 3 kg MS d’ensilage de sorgho. « Nous cultivons du sorgho depuis quatre ans. Le sorgho est très appétent et riche en énergie, autour de 1,03 UFL/kg MS. Quand il y en a dans la ration, nous gagnons deux points de TB. Et les performances de reproduction sont améliorées », indique Romain. Autre atout, « comme il est semé et récolté un peu après le maïs, cela permet d’étaler notre travail ».
Équipements, génétique… Romain et Bertrand Lelou ont aussi investi dans le conseil auprès de techniciens de différentes structures pour piloter au mieux l’évolution de leur exploitation. Ils envisagent l’avenir avec sérénité malgré trois sources d’incertitudes. « Notre salarié est parti il y a trois mois. Nous en recherchons un autre. C’est compliqué de trouver de la main-d’œuvre qualifiée. » La seconde épée de Damoclès est liée au changement climatique. La pression foncière est la troisième source d’inquiétude. « Nous sommes en périphérie de Nantes. Nous avons cinq hectares pâturables qui seront constructibles d’ici cinq ans. »
Les femelles sont génotypées depuis 2008
« Le génotypage est le meilleur allié des éleveurs en traite robotisée », assure Denis Denion. Bertrand et Romain Lelou en sont totalement convaincus. « J’ai commencé à en faire en 2008. À l’époque, le génotypage coûtait 140 euros. J’ai même génotypé les primipares. » Toutes les femelles du troupeau sont génotypées. « Cela permet d’optimiser les accouplements et d’accélérer le progrès génétique. Si nous n’avions pas fait de génotypages, nous n’en serions pas là aujourd’hui. »
Toutes les génisses étant élevées (60 à 70 par an), le génotypage permet de garder celles qui sont les plus adaptées aux objectifs de sélection des éleveurs et de vendre les autres (40 à 45 vaches en lait par an depuis trois ans). « Il y a beaucoup de demande, même dans des troupeaux qui ne sont pas en pie rouge, constatent les éleveurs. Elles se vendaient en moyenne 1 400 euros. Depuis l’augmentation du prix du lait et de la viande, elles partent à 1 900 euros. »
Chiffres clés
Avis d'expert : Denis Denion, consultant robot-nutrition chez Seenovia
« Une conduite optimisée pour produire plus de lait »