Motiver et fidéliser le salarié
Quand un salarié fait l’affaire, on tient à le garder. Outre le salaire, la motivation et la fidélisation passent aussi par de la considération, du sens dans le travail et de la communication.
Quand un salarié fait l’affaire, on tient à le garder. Outre le salaire, la motivation et la fidélisation passent aussi par de la considération, du sens dans le travail et de la communication.
« De nombreux éleveurs vous le diront : il est difficile de trouver un bon salarié. C’est pourquoi il est important, lorsqu’on a trouvé la perle rare, de savoir le garder, affirme Sophie Bidet, conseillère en ressources humaines à la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. Un éleveur employeur doit apprendre à fidéliser, mais également à motiver son équipe. » Est-ce si compliqué ? Oui, apparemment vu le turn-over important dans le salariat agricole. Même si le management des employeurs n’est pas toujours en cause : salarié en attente d’installation, difficulté pour le (la) conjoint(e) de trouver un travail en milieu rural...
La rémunération est le principal facteur de motivation cité par les éleveurs enquêtés. Pour déterminer le bon niveau de salaire, ils s’appuient sur les conventions collectives ou cherchent du conseil. Un salaire trop bas peut clairement inciter un salarié, surtout s’il est compétent, à aller voir ailleurs. Par exemple chez le voisin ! Il faut se poser la question dès l’embauche et revoir le salaire en cours de carrière si les compétences du salarié évoluent. Certains employeurs prévoient aussi des primes d’intéressement, plus rarement un plan d’épargne entreprise (PPE). « Il faut toujours faire le lien entre la récompense et les efforts réalisés quotidiennement », recommande Sophie Bidet.
Mais, souligne la conseillère en ressources humaines, « le salaire n’est pas le principal facteur de motivation. La motivation du salarié est d’abord liée au plaisir qu’il prend dans son travail et au bonheur qu’il trouve dans ce qu’il fait ». Le plaisir, ce sont de bonnes conditions de travail. Des équipements à sa taille. Un café le matin. Des sanitaires propres et un local de repos sur la ferme (toilettes, vestiaire, douche, coin repas...). Lui fournir et laver les cottes. Une ambiance conviviale (repas en commun...). De la souplesse dans l’organisation du travail. Le prêt d’un véhicule ou matériel pour un besoin personnel... Bref, « prendre soin » de son salarié. La motivation bonheur, c'est « féliciter et montrer de la reconnaissance quand le travail est bien fait, et pas seulement parler de ce qui ne va pas. Faire prendre conscience au salarié que son métier donne un sens à son quotidien parce qu’il s’occupe d’animaux, parce qu’il nourrit la planète... Lui montrer qu’il évolue grâce à son métier ». Une notion un peu plus compliquée à mettre en œuvre. La reconnaissance comme source de motivation est très peu mentionnée par les éleveurs enquêtés.
Confier des tâches attractives et pas seulement les corvées est aussi un moyen de motiver le salarié et de le retenir. Lui déléguer des tâches est une marque de reconnaissance et de confiance. Mais cela doit se faire progressivement, ni trop tôt, pour ne pas le stresser, ni trop tard, quand il n’a plus l’habitude de prendre des initiatives. « Au départ, on peut lui donner un peu de souplesse pour organiser son travail, puis on peut aller vers un peu plus de responsabilité, mais pas au-delà de ce que le salarié peut supporter, conseille Sophie Chauvat, d’Idele. L’autonomie est un facteur de réduction de la souffrance au travail. »
L’autonomie et la prise de responsabilité ont été peu mentionnées par les éleveurs enquêtés comme moyen de motivation. « Certains éleveurs, pour encourager la prise d’initiative, ont mis en place un tableau de tâches à piocher (clôture à réparer, matériel à graisser ou nettoyer...) que le salarié peut consulter lorsqu’il a terminé le travail de la journée », rapportent les auteurs de l’étude. D’autres consultent le salarié lors de décisions (achat de matériel, organisation du travail...) pour l’impliquer. Lui permettre de se former, en discutant avec lui de ses besoins, est aussi un gage de considération et de motivation.
Formaliser la communication
Pour que les relations entre l’employeur et son salarié soient de qualité, « la règle numéro 1 est de communiquer », insiste Sophie Bidet. La communication aussi, ça se formalise. « On se voit tous les jours, pourquoi faire un entretien individuel ? », s’interrogent certains éleveurs. Sophie Chauvat recommande de bien distinguer la pause-café quotidienne de l’entretien individuel annuel, qui, rappelons-le, est obligatoire. « La pause-café permet de planifier le travail de la journée et de transmettre les consignes, développe-t-elle. Mais elle ne permet pas de tout dire, surtout s’il y a plusieurs salariés. Il est très important de prendre du temps à plusieurs moments de l’année pour faire le point avec chaque salarié, discuter de ce qui va et de ce qui ne va pas, échanger sur les besoins de formations, débriefer tous les problèmes et essayer de trouver des solutions. Peu importe la forme mais il faut le mettre en conditions pour qu’il puisse s’exprimer, dans un esprit de neutralité. Chez les éleveurs que nous avons rencontrés, il y a peu de retour sur le travail des salariés. » L’entretien individuel peut être préparé par écrit. Ce sens de la communication et des relations humaines s’exerce assez naturellement chez certaines personnes. Il n’est pas inné pour d’autres. « On peut l’acquérir et le professionnaliser, rassure Sophie Chauvat. On peut se former à tout. »
Gérer les conflits
Et quand ça se passe mal ? Laisser-aller dans les horaires, travail bâclé, relations conflictuelles... « Il faut avoir le courage de régler les problèmes », conseille Sophie Bidet. Un entretien de remotivation permet de mettre à plat les problèmes. L’important est alors de construire la discussion sur des faits et non des jugements de valeur (« J’ai remarqué depuis quelques jours que... »), écouter ce qu’il a dire, ses difficultés, montrer qu’on les a bien comprises, rechercher avec lui des solutions, les valider, se revoir pour voir si le problème est réglé. Une aide extérieure peut être utile.
Paroles d'éleveurs
« Il faut arriver à le payer correctement, mieux que le Smic. Il ne faut pas demander quelqu’un d’autonome, souple, capable de faire un peu plus d’heures et le payer au Smic. »
« Au début, parler au salarié, c’est pas facile, lui dire quand ça va pas, sans être brusque, sans être trop gentil. »
« Des fois, dire au salarié qu’on est content, ça lui fait du bien, je pense. »
« Nous, c’est un truc qui tourne super bien, tout le monde s’entend bien, les salariés aussi, il y a une bonne ambiance dans l’équipe. Et ça aide pour le bouche-à-oreille de savoir qu’il y a une bonne ambiance. »
Hervé Burnot, Ferme de Boisy, dans la Loire (production et transformation de 380 000 litres de lait et 200 porcs par an)
« Le nombre nous donne de la souplesse »
« Nous sommes quatre associés et nous employons cinq salariés. Chaque associé a une zone de compétence (ferme, transformation lait, transformation viande, administration et emballage), mais nous sommes interchangeables pour pouvoir prendre le relais quand l’associé référent est absent. Chaque associé travaille en binôme avec un salarié. Certains salariés interviennent sur plusieurs zones de compétence (transformation lait et viande). Le salarié de la ferme est plutôt sur les travaux de saison. De cette manière, chaque personne acquiert une compétence. Notre objectif est de développer l’autonomie des salariés. En fonctionnant ainsi, lorsque quelqu’un est absent, avec très peu de consignes, la continuité de l’activité est assurée. Le nombre nous donne de la souplesse. Je suis un peu le chef d’orchestre de cette organisation. Je fais des projections sur un mois et je prévois les week-ends sur deux à trois mois. Associés et salariés sont très loyaux par rapport au planning de travail que je leur propose. La plupart des salariés sont aux 35 heures annualisées. Ils travaillent un week-end sur quatre et les associés un week-end sur deux. En 2019, nous allons essayer de mettre un jour par semaine de récupération pour les associés, au moins en hiver. La difficulté en agriculture, c’est qu’il n’y a guère d’évolution possible dans nos structures pour les salariés et que les salaires ne sont pas très élevés. Nous sommes tenus par l’économie de l’entreprise. Mais nous les formons. Le salaire de départ est de 1 300 à 1 400 euros nets par mois avec les différents avantages. Notre objectif est d’arriver à 1 500 euros. Nous avons aussi des chèques vacances et une prime d’intéressement de 500 euros par an. »
Bruno Pinel, en Loire-Atlantique (600 000 litres, 95 vaches en bio)
« Un intéressement sur la détection des chaleurs »
« Mes salariés sont payés 25 % au-dessus du Smic. Ils ont un treizième mois et reçoivent une prime sur les résultats de l’exploitation - quand ils sont bons - qui représente environ un demi-salaire mensuel. J’ai mis en place également un petit intéressement sur la détection des chaleurs : lorsqu’un salarié voit une vache en chaleur et qu’elle est confirmée pleine deux mois après, il a une prime de 10 euros. Quand ils travaillent le week-end, ils sont payés 50 % de plus le dimanche comme le veut la loi, mais ils ont aussi une prime de déplacement et je leur compte une heure de plus vu qu’ils sont obligés de venir deux fois dans la journée. Dans le bureau de l’entreprise, il y a tout ce qu’il faut pour qu’ils soient dans de bonnes conditions de confort : coin cuisine, douche, toilettes, vestiaires... Toutes les trois semaines, je les amène au restaurant pour créer du lien. Je fais l’entretien annuel avec chaque salarié et je les réunis une fois par an pour faire le point sur les comptes de l’exploitation et discuter des projets d’investissements, de la stratégie d’entreprise, voir ce qu’ils en pensent... Je les envoie en formation et je les amène avec moi aux journées du groupe d’échanges sur les coûts de production : il font chacun 5 à 6 journées de formation par an. »