Les trois piliers d’une transition peripartum réussie pour les vaches laitières
Les trois semaines avant et après vêlage sont cruciales pour le succès de la lactation. En termes de nutrition, trois points apparaissent essentiels : assurer l’homéostasie calcique, éviter un déficit énergétique trop marqué et maîtriser l’inflammation pour maintenir l’immunité.
Les trois semaines avant et après vêlage sont cruciales pour le succès de la lactation. En termes de nutrition, trois points apparaissent essentiels : assurer l’homéostasie calcique, éviter un déficit énergétique trop marqué et maîtriser l’inflammation pour maintenir l’immunité.
1 - Assurer l’homéostasie calcique
Les besoins en calcium augmentant fortement en début de lactation, le maintien d'un taux de calcium minimum dans le sang est essentiel. « Une hypocalcémie à cette période entraîne cinq fois plus de cétoses, quatre fois plus de métrites, trois fois plus de rétentions placentaires et déplacements de caillette et les chances d’avoir une gestation sont divisées par trois », a souligné Philippe Verdoolaege, vétérinaire du Réseau Cristal, lors du séminaire Balchem sur la nutrition des vaches laitières en période de transition.
Réduire l’apport en calcium en fin de tarissement, notamment la dernière semaine avant vêlage, favorise la sécrétion de parathormone, qui permet d’augmenter la calcémie. Pour ce faire, il est possible d’apporter de la zéolite, qui limite la biodisponibilité alimentaire du calcium. Et au moment du vêlage (J-1 à J+2), le vétérinaire conseille d’apporter du calcium, surtout pour les vaches à haut niveau de production. « On peut mesurer la calcémie et si besoin apporter du calcium supplémentaire, estime-t-il. Et si le calcium en injection agit plus rapidement, la voie orale permet une récupération plus douce et plus pérenne. »
Distribuer une ration à Baca (bilan alimentaire cations-anions) nul ou négatif, qui augmente la sensibilité des tissus cibles à la parathormone et permet ainsi une meilleure régulation de la calcémie, réduit les pathologies et augmente les performances. « La mise en place d’un Baca négatif augmente en moyenne la calcémie de 1,86 à 2,05 mmol/l, l’ingestion de 1 kg et la production de 1,7 kg », indique Philippe Verdoolaege. Le suivi du Baca se fait par mesure du pH urinaire, avec un objectif entre 7,5 et 6. Attention dans tous les cas à l’appétence et à l’homogénéité de la ration ainsi qu'à la régularité de la consommation.
Autre piste encore : la supplémentation en vitamine D, qui favorise l’absorption intestinale du calcium, avec une limite réglementaire de 4 000 UI/kg MS maximum.
2 – Veiller au statut énergétique de la vache
Au cours des trois premières semaines après vêlage, les besoins énergétiques sont multipliés par deux ou trois, en lien avec la mise en place de la lactation. Ceci alors que la capacité d’ingestion diminue de 10 à 30 % avant vêlage, du fait du développement du fœtus et de la baisse d’appétit. « La vache peut alors manquer d'énergie, rappelle Philippe Verdoolaege. Et quand il y a un déficit énergétique, il y a libération d’acides gras non estérifiés (AGNE), liée à la mobilisation des réserves graisseuses corporelles et qui peut entraîner des cétoses et stéatoses. » La mesure des AGNE dix jours avant vêlage et le suivi le premier mois de lactation du taux de BHB (beta-hydroxybutyrate), métabolite principalement issu de l’oxydation hépatique incomplète des acides gras, permet d’objectiver une cétose. « En pratique, la note d’état corporel doit être idéalement de 3 », précise le vétérinaire.
Il faut veiller à optimiser l’ingestion, qui doit être d’au moins 12 kg MS/j/VL, par la disponibilité et la qualité de la ration (paille broyée…), l’intégrité hépatique et la limitation du phénomène inflammatoire. « En préparation au vêlage, il faut augmenter la densité de la ration et la diversifier », conseille le vétérinaire qui mentionne aussi l’apport de précurseurs de glucose et la prévention diététique (méthionine, choline, bétaïne, sorbitol, niacine, monopropylène glycol, monensin).
3 - Éviter que l’inflammation ne s’embrase
Au vêlage, toutes les vaches montrent des signes d’inflammation. « Un certain degré d'inflammation est nécessaire pour le vêlage et la délivrance, mais il faut éviter que l'inflammation ne s'embrase », a souligné Olivier Salat, vétérinaire dans le Cantal, lors des Journées nationales des GTV. Une inflammation non maîtrisée peut favoriser des affections métaboliques (non-délivrance, cétose, stéatose, déplacement de caillette) et surtout infectieuses (métrites, mammites). La précocité de la baisse de l’ingestion est importante. « Plus elle est précoce, plus il y a de risques d’inflammation et de pathologies, insiste Philippe Verdoolaege. Une baisse de dix minutes du temps d’ingestion par jour de temps d'ingestion en préparation au vêlage multiplie par deux le risque de métrite, sachant que le temps d’ingestion moyen à ce stade est de 120 minutes. »
Il faut éviter le stress oxydatif, qui se traduit par un déséquilibre entre les antioxydants et les précurseurs oxydants, au profit de ces derniers, alimentant l'inflammation. L’apport d’oligoéléments (précurseurs d’antioxydants pour le sélénium, le zinc, le cuivre et le manganèse) et vitamines (en particulier bêta carotène et vitamine E, antioxydants majeurs) est conseillé. « Le sélénium en particulier est essentiel, avec un rôle majeur dans le fonctionnement des neutrophiles par l’intermédiaire de la glutathion péroxydase, précise Philippe Verdoolaege. La norme est de 70-110 µg/dl de sang. Le zinc, qui intervient dans l’expression de plus de 100 gènes de cellules immunitaires, est également important. » Des supplémentations en méthionine, antioxydants ou oméga 3 peuvent aussi aider. Et il peut parfois être utile de traiter avec des anti-inflammatoires (acide acétylsalicylique sous réserve d'une LMR lait et d'une AMM vache laitière, méloxicam).
Sans oublier le confort
Le confort et l’absence de stress métaboliques, sociaux ou environnementaux en période de transition sont également essentiels pour la réussite de la lactation. « Mieux vaut privilégier une aire paillée ou des logettes sur sable ou compost, estime Philippe Verdoolaege, vétérinaire. Et offrir un maximum de place aux vaches en préparation au vêlage, de 8 à 10 m² par animal, limiter le temps passé en box de vêlage à 24 heures maximum et préserver une activité. »
Attention aussi au stress thermique, qui réduit la croissance du tissu mammaire, la production de colostrum et de lait, la croissance de la génisse et la reproduction. « S’il y a un ventilateur sur l’exploitation, il faut le mettre en priorité sur les vaches taries », insiste le vétérinaire. Pour limiter les stress, mieux vaut ne pas changer les groupes à cette période, faciliter le vêlage, avoir une gestion individuelle des vaches malades…