Le retour à l’équilibre des marchés se fait attendre
La situation de surproduction ne s’améliore pas. Avec un marché qui reste porteur à long terme, la date de la reprise reste la grande inconnue.
Les cours des produits laitiers ont subi une chute spectaculaire en deux ans. Le prix du lait valorisé en beurre/poudre a été divisé par deux en dix-huit mois, pour tomber à 210 euros pour 1000 litres. Et pourtant, les grands pays laitiers sont toujours en forte progression de collecte, que ce soit dans l’Union Européenne, aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande. Les derniers chiffres estiment la production européenne à +1% en juillet. Si la France a levé le pied durant l’été (-1% en août par rapport à 2014), les pays du Nord de l’Europe, Irlande en tête, ont augmenté leur production : +5,5% en Allemagne en juillet par rapport à 2014, +13% en juin et +12% en juillet pour l’Irlande, et +10% aux Pays-Bas en juillet et en août. En Océanie, les acteurs restent prudents, avec un phénomène El Nino de forte intensité annoncé pour cet hiver, qui pourrait augmenter les risques de sécheresse. « Du côté de la Nouvelle-Zélande, la baisse de la production laitière de 2-3% annoncée pour la campagne 2015-2016 ne devrait pas impacter les fondamentaux du marché. Les volumes ne sont pas assez importants. Après le pic de production en Océanie cet automne, l’Europe prendra le relais début 2016 », analyse Gérard Calbrix.
Les cours mondiaux semblent avoir atteint un plancher, mais aucune augmentation n’est prévue. Les surplus de produits de report pèseront de longs mois sur les marchés. Gérard You, de l'Institut de l’élevage, évalue à 6 millions de tonnes équivalent lait les surplus stockés en produits de report de mi-2014 à mi-2015, soit 10% des échanges mondiaux et 1% de la collecte annuelle mondiale !
Les outils d'intervention de l'Union européenne sont entrés en action cet été, sans effet pour le moment. Il n’y a pas eu de hausse des prix de l’intervention comme espéré du côté français. L’aide au stockage privé a été augmentée et étendue, mais les opérateurs estiment que cela n’aura aucun impact sur les marchés. Pour Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, « si on met en place l’intervention sans contraintes sur les volumes, cela ne sert à rien ».
Le producteur de lait reste la variable d’ajustement des marchés
De tous les avis, le marché mondial reste porteur malgré l’absence de la Chine et de la Russie. L'objectif est que la consommation et la production soient de nouveau en phase ; mais avec l’augmentation continue de la collecte, le retour à l’équilibre est retardé.
Dans ce contexte défavorable, les résultats des grands groupes privés français publiés mi-2015 sont en croissance, ce qui accentue la colère des producteurs. Selon Gérard Calbrix, « les résultats de ces groupes s’étaient effondrés en 2014 car la hausse des prix du lait n’avait pas été répercutée aux PGC. Par ailleurs, l’essentiel de leurs résultats est fait à l’étranger ». Les entreprises laitières répercutent leur baisse de chiffre d’affaires sur le prix du lait et les groupes privés rémunèrent en priorité leurs actionnaires. La mécanique est la même dans le monde entier, et au final, c’est le producteur qui est la variable d’ajustement.