Le maïs est la cible privilégiée des corvidés
Un seul traitement de semences reste homologué et son efficacité est insuffisante en cas de forte pression. Il faut viser un bon semis et une levée rapide.
Un seul traitement de semences reste homologué et son efficacité est insuffisante en cas de forte pression. Il faut viser un bon semis et une levée rapide.
« À défaut de disposer d’une solution idéale pour limiter les dégâts de corvidés sur maïs, la régulation des populations reste notre première recommandation pour éviter une trop forte exposition des parcelles à ce risque », concède Jean-Baptiste Thibord, spécialiste ravageurs des cultures chez Arvalis. Et comme la réglementation relative à la régulation des espèces nuisibles évolue fréquemment, avec des modalités de mise en oeuvre qui varient selon les départements, il est primordial de continuer à déclarer les dégâts pour que ces espèces soient inscrites sur la liste des espèces nuisibles.
Quelques conseils culturaux peuvent toutefois s’appliquer à l’échelle des parcelles. « Il est notamment préférable, tant que possible, d’éviter de semer dans des dates décalées par rapport aux parcelles environnantes. » Ceci dans l’objectif de diluer les dégâts potentiels sur un secteur donné. La préparation du sol doit également être soignée en évitant de semer dans un sol trop soufflé, condition qui favorise les attaques. Le débat n’est pas tranché quant à l’impact des techniques culturales simplifiées sur les dégâts de corvidés. « Cette question est à relier au type de semoir utilisé et à son incidence sur l’aspect du sol, estime Jean-Baptiste Thibord. Un semoir à socs travaillant la ligne de semis sur 3 cm entraînera un sol plus soufflé qu’un semoir à disque qui ouvre la ligne sur 1,5 cm. » Quant à la profondeur de semis, « celle-ci doit davantage se raisonner en fonction de l’humidité du sol le jour du semis qu’en fonction du risque ravageurs, poursuit-il. Il est vrai qu’un semis trop superficiel favorise la préhension des graines et qu’il y a moins de risque d’attaques à 5 cm qu’à 3 cm, mais en semant trop profond, on s’expose à d’autres problèmes agronomiques qui risquent de pénaliser la régularité de la levée ». En tout cas, une chose est sûre, il faut bien réappuyer le sol.
Des firmes continuent à faire de la recherche
Autre solution pouvant contribuer à limiter les dégâts : les produits répulsifs. Mais autant dire que l’arsenal s’avère limité. Les produits à base de thirame ne sont plus disponibles pour les semis 2020. Seul le traitement de semences Korit 420 FS (à base de zirame) demeure autorisé. « Son efficacité est relativement satisfaisante en cas de faible attaque, mais très limitée si la pression corvidés est forte. » Arvalis a aussi testé l’effet de Force 20 CS (homologué contre les taupins) ainsi que d’autres produits vendus sous l’étiquette de biostimulants ou biofertilisants et revendiquant un effet contre les ravageurs des essais. « Malheureusement, aucun de ces produits ne se distingue du témoin non protégé dans nos essais. » Toutefois, les efforts de recherche se poursuivent. Espérons que de nouvelles solutions émergent à moyen terme.
Le saviez-vous ?
L’engrais starter a un effet limité contre les dégâts de corvidés. Son impact sur la dynamique de pousse se manifeste à partir de 4 feuilles. Or, l’essentiel des attaques interviennent de la levée à 3 feuilles, même si certaines peuvent se produire jusqu’à 6-7 feuilles.
Regain d’attaques en 2019
Davantage de secteurs ont subi des dégâts de corvidés le printemps dernier. Arvalis émet plusieurs hypothèses. Les populations avaient fait l’objet de régulation il y a près de dix ans, mais les efforts ont été réduits suite à de moindres attaques ces dernières années. De plus, en 2019, les semis ont été réalisés dans des sols particulièrement secs, donc avec une préparation souvent soufflée favorisant l’arrachage des jeunes plantes. Enfin, les semences utilisées les années antérieures étaient pour la plupart protégées à l’aide de thirame, associé parfois à du thiaclopride (Sonido). Celui-ci est interdit en France depuis le 1er septembre 2018, et peu de parcelles ont bénéficié de la protection du thirame en 2019. Ces deux produits contribuaient – même partiellement – à la protection contre les dégâts d’oiseaux.
« Les corbeaux ont été dupés par le blé »
Le blé ou l’orge, utilisés comme plantes-appâts contre les taupins, ont aussi un intérêt pour protéger les semis de maïs des oiseaux.
« Au printemps dernier, j’ai semé du maïs sous couvert de blé pour tester cette solution contre les taupins sur une parcelle à risque et j’ai été surpris de voir que cela avait un effet très intéressant contre les corbeaux ! », raconte Philippe Bougeard, éleveur en Ille-et-Vilaine. Jusqu’alors, il n’avait jamais eu de souci de corbeaux. Et là, en l’espace de quatre jours, après le week-end de l’Ascension, il a retrouvé une partie de sa parcelle bonne à ressemer, avec la quasi-totalité des plants sectionnés au stade 3-4 feuilles.
Des attaques ciblées sur les bandes sans blé
Sur la parcelle de 4 hectares, seules les bandes semées sans blé ont été ravagées. Celles où du blé avait été semé à la volée (20 kg/ha) étaient intactes. « On y voyait les rangs de maïs, mais comme c’était vert partout, cela a dû leurrer les corbeaux. » Philippe a re-semé 2 hectares de maïs. « J’ai gardé de la semence fermière de blé pour renouveler l’opération ce printemps en semant en décomposé : le blé à la volée sur le labour (25-30 kg/ha), et le maïs le lendemain, après passage de la herse. »
Avis d'éleveur : François Terrier, agriculteur bio dans l’Eure
« Le semis sous couvert déroute les corvidés »
« J'ai semé mon maïs sous couvert de féverole. Celle-ci a servi de leurre car les corvidés aiment avoir une bonne visibilité pour voir le danger arriver. Elle a été semée à un tiers de la dose habituelle (15 grains/m2) après un labour mi-février. Avec un écartement de 25 cm, pour qu’il y ait deux rangs de féverole entre chaque rang de maïs. Le maïs a été semé assez tard (15 mai) suite au printemps humide, à 75 cm d’écartement, après passage de la bineuse. Les féveroles faisaient alors 20 cm de haut. Comme la terre s’était refermée, j’ai équipé la bineuse de dents de vibro pour refaire un lit de semence. Mais mieux vaudrait atteler une barre de strip-till au semoir à maïs pour bien travailler la ligne de semis et mieux positionner la graine. Les binages suivants n’ont pas été simples non plus car les débris de féverole gênaient le travail. Elle a été broyée à 60 cm de haut, au stade six feuilles du maïs. Le bilan est positif car il n’y a pas eu de corbeaux du tout ! Mais la technique mérite d’être affinée. »