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Optimiser les fermentations ruminales
Le compact feeding empêche les vaches de trier la ration

Ce nouveau concept alimentaire repose sur une présentation fine, dense et homogène de la ration mélangée. Le principe n’est pas sans rappeler des pratiques alimentaires observées en production porcine. Explications.

Il n’y a pas vraiment de traduction française pour définir le compact feeding, un nouveau concept alimentaire venu tout droit du Danemark. Cette approche est encore inconnue en France, ou presque ! Un éleveur français en a entendu parler au sein du réseau European Dairy farmers et le met en œuvre depuis septembre 2015 pour nourrir ses vaches laitières. Avec de très bons résultats tant sur la production que sur les taux.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? Le principe du compact feeding n’est pas sans rappeler des pratiques alimentaires observées en production porcine. Le concept repose sur la confection d’un mélange qui impacte à la fois la nutrition et le comportement alimentaire des vaches, avec trois objectifs : améliorer la productivité, l’efficacité alimentaire et la santé des vaches. « Le compact feeding n’implique pas de changement en termes de composition de la ration, explique Christien Bas, consultante en élevage au Danemark. Ce qui change, c’est la présentation physique de la ration. Celle-ci devient compacte et présente des fibres coupées très court. » L’objectif est ainsi de limiter au maximum le tri pour être en mesure de fournir à toutes les vaches une ration dont la composition reste constante. Chaque bouchée ingérée contient le même contenu. À la clé, une moindre compétition à l’auge — donc moins de stress — et une plus grande stabilité du pH ruminal qui génère une meilleure santé des animaux et une meilleure valorisation de la ration.

Les particules fines collent davantage au fourrage

« Le fait de maintenir 2 % de refus minimum, soit environ 0,5 kg par vache et par jour, est l’assurance que toutes les vaches ont accès à suffisamment de nourriture, précise Emmanuel Lepage, consultant nutritionniste au Clasel qui suit l’élevage depuis 2014. Si les restes et le mélange sont facilement distinguables, c’est le signe que les vaches ont trié. Dans ce cas, la première et la dernière n’ont alors pas reçu la même nourriture. »

Ce processus de mélange se décompose en trois phases distinctes : la phase de trempage, de structuration et le mélange final.

La phase de trempage consiste à ajouter de l’eau aux composants secs de la ration tels que les concentrés afin d’éviter le tri qu’ils engendrent dans le mélange. La quantité d’eau à ajouter au mélange dépend de la ration et du taux de matière sèche des fourrages. « Un bon point de départ est de recourir à une quantité égale d’eau et d’aliments secs, préconise Niels Bastian Kristensen, de l’université de Copenhague au Danemark. L’idéal est de peser les aliments secs dans la mélangeuse, sans mélanger pour augmenter la précision. Puis ajouter l’eau pendant le mélange pour faciliter le contact entre les aliments secs et l’eau. La plupart des granulés sont éclatés après une heure de trempage, mais les plus résistants nécessitent plusieurs heures (8 à 12 h). »

Le mélange se décompose en trois phases

L’ajout d’eau est non seulement nécessaire pour dissoudre les granulés et aider les petits composants à adhérer au mélange, mais aussi pour veiller à ce que le mélange final ait une densité élevée. « L’objectif global est d’assurer que les petites particules adhérant aux particules de fibres plus grandes ne puissent pas être triées par les vaches. » Avec une mélangeuse à vis verticale, le spécialiste danois recommande de viser 36 à 38 % de matière sèche pour la ration compactée. Et plutôt 39 à 40 % MS avec des mélangeuses à vis horizontales, pour éviter que la mélangeuse ne presse l’eau en dehors du mélange durant la phase finale. Précisons que les aliments tels que les betteraves, la mélasse, les pulpes humides ou surpressées… peuvent augmenter le taux d’humidité et limiter l’ajout d’eau.

Vient ensuite la phase de structuration lors de laquelle les composants les plus fibreux (ensilage d’herbe, foin…) sont ajoutés au mélange trempé. « L’objectif de cette phase est de trois ordres : assurer un mélange par étape, permettre l’adhésion des concentrés au 'squelette' du mélange et déchiqueter les fibres », indique Niels Bastian Kristensen. Selon le type de mélangeuse et la composition botanique du fourrage, le mélange dure entre 15 et 20 mn.

Le maïs ensilage est le dernier élément ajouté lors du mélange final. « Le mélange lourd de la phase précédente est en fait 'réaéré' par l’ajout d’ensilage de maïs », témoigne Emmanuel Lepage du Clasel. Là encore, le temps de mélange approche 15 à 20 mn, soit 26 à 32 tours de vis. Il est recommandé de ne pas arrêter la mélangeuse entre les deux dernières phases car le mélange est particulièrement dense. « De même, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de résidus au fond de la mélangeuse qui risqueraient d’entraîner des reprises de fermentations. »

Avis d'expert : Emmanuel Lepage, consultant nutritionniste au Clasel

« Des fibres digestibles plutôt que des fibres piquantes »

« Le compact feeding rompt avec tout ce qu’on a appris sur la fibrosité physique des rations et bat en brèches la nécessité d’apporter des fibres qui grattent comme la paille, la luzerne… Par contre, il faut veiller à ce que la ration contienne suffisamment de fibres chimiques (38 % minimum de NDF).

L’avantage du compact feeding est d’homogénéiser le pH ruminal aussi bien en haut qu’en bas de la panse, ce qui permet de gagner en régularité et en valorisation du lait. Cette nouvelle approche peut s’appliquer à tous les élevages distribuant une ration mélangée en vue de mieux exprimer le potentiel des animaux, mais des mises en garde s’imposent. Il faut notamment se montrer très méthodique et régulier dans la préparation de la ration. Le protocole doit être clairement décrit et partagé entre chaque intervenant. »

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