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«L’autonomie protéique s’acquiert par la voie fourragère»

Konrad Schreiber, chef de projet à l’Institut de l’agriculture durable, propose une voie singulière pour parvenir à l’autonomie alimentaire, en rupture avec les systèmes classiques.

KONRAD SCHREIBER, chef de projet à l’Institut
de l’agriculture durable et consultant Apad.
« Il faut d’abord raisonner en termes de
couverture des besoins en azote, et ensuite,
chercher à reconcentrer la ration en
énergie. »
KONRAD SCHREIBER, chef de projet à l’Institut
de l’agriculture durable et consultant Apad.
« Il faut d’abord raisonner en termes de
couverture des besoins en azote, et ensuite,
chercher à reconcentrer la ration en
énergie. »
© C. Pruilh

■ Est-il possible de parvenir à l’autonomie alimentaire en maintenant une bonne productivité animale ?

Konrad Schreiber - « Il est tout à fait possible de produire jusqu’à 8500 litres par vache sans acheter aucun complément protéique ni énergétique. L’expérience des élevages de l’Association pour l’agriculture durable (Apad) en témoigne. Mais cela suppose de faire évoluer les pratiques agricoles. Chez les ruminants, la recherche d’autonomie protéique doit passer par la voie fourragère. Chaque kilo de la ration de base doit être riche en matières azotées totales (MAT). Il faut d’abord raisonner en termes de couverture des besoins en azote puis, seulement ensuite, chercher à reconcentrer la ration en énergie. Autant dire que ce raisonnement bouscule les stratégies actuelles où le maïs ensilage constitue le pivot de la ration. »

■ Où trouver cette MAT fourragère ?

K. S. - « D’abord dans les prairies. Mais encore faut-il augmenter leur rendement. Il est inconcevable de produire moins de 10 tMS/ha avec une prairie assolée ! Passer d’un rendement de 5-8 tMS/ha à 10-12 tMS/ha, c’est possible à condition de choisir des espèces adaptées au contexte pédo-climatique local et d’adopter une meilleure conduite de l’herbe. Celle-ci doit reposer sur un pâturage intensif rationné, en pâturage tournant avec des temps de repos plus ou moins longs (20 à 50 jours) selon la pousse de l’herbe. Cette approche justifie de ramener le litrage produit à l’hectare plutôt qu’à la vache. Les meilleurs systèmes produisent 20 000 litres par hectare. »

■ Comment se raisonne le choix des espèces prairiales ?

K. S. - « Le défi est de trouver, dans chaque contexte particulier, la meilleure complémentarité entre graminées et légumineuses. Dans ces prairies multiespèces, toutes les légumineuses — luzerne et mélanges de trèfles en tête (trèfles violets, trèfles d’Alexandrie, trèfles incarnats…) — sont à l’honneur. La généralisation du RGA-TB au delà de certains secteurs frais et humides est une énorme erreur ! Cette association conduit à des systèmes herbagers peu productifs, incapables de résister ni aux chaleurs de fin de printemps ni à la sécheresse estivale. Le RGA ne pousse plus au-delà de 22 °C et ne possède pas un enracinement profond.

Pour viser un maximum de rendement, il ne faut pas hésiter à fertiliser, surtout les prairies fauchées qui exportent potasse, phosphore, calcium et oligoéléments, et raisonner les épandages d’effluents en fonction de la proportion d’éléments exportés. Et, autre point essentiel: la suppression du travail du sol. Elle s’impose pour maintenir un sol vivant et éviter les risques de lessivage. Lorsqu’une parcelle de luzerne est labourée, ce sont 1 000 kilos d’azote qui, en deux ans, se retrouvent dans les nappes ! »

■ Vous prônez aussi les méteils ?

K. S. - « Effectivement, les mélanges de céréales (20 %) et protéagineux (80 %) récoltés en ensilage contribuent aussi à augmenter la productivité fourragère, en misant sur la complémentarité des cycles de cultures. On peut par exemple pratiquer la double-culture en sursemant, chaque automne, dans une luzerne produisant l’été, un méteil qui pousse sur l’hiver et le printemps. À la clé, un meilleur rendement fourrager et plus de MAT. »

■ Et pour la partie énergie de la ration ?

K. S. - « Le maïs ensilage est obsolète pour viser l’autonomie alimentaire. Mieux vaut lui préférer le maïs grain humide sous forme de maïs épi ensilés, pour équilibrer la ration en énergie... et laisser la cellulose aux vers de terre. La structure et la qualité d’amidon du maïs sont plus adaptées. Et si le maïs est impossible, l’orge, riche en fibres, est préférable au blé dont l’amidon présente une digestion rapide. »

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