Décret sur l'origine du lait : Lactalis cherche à rassurer, mais...
Suite à l'abrogation du décret obligeant à étiqueter l'origine géographique du lait, le groupe Lactalis tente de rassurer sur ses intentions. La FNPL déplore l'annulation du décret, s'inquiète des conséquences et repart au combat pour faire valoir le droit à la transparence pour le consommateur.
Suite à l'abrogation du décret obligeant à étiqueter l'origine géographique du lait, le groupe Lactalis tente de rassurer sur ses intentions. La FNPL déplore l'annulation du décret, s'inquiète des conséquences et repart au combat pour faire valoir le droit à la transparence pour le consommateur.
Le décret du 19 août 2016 avait rendu obligatoire sous peine de sanction, l’indication de l’origine géographique du lait sur les produits laitiers vendus en France, y compris lorsque le lait est employé en tant qu’ingrédient dans des aliments préemballés. Le groupe Lactalis avait attaqué ce texte en annulation pour excès de pouvoir. Le 11 mars dernier, le Conseil d’Etat l'a annulé. Le Conseil d'Etat s’appuie sur l’avis de la Cour de justice européenne qu’il avait saisie.
La FNPL craint les importations. "Sans ce décret, rien n'interdit Lactalis d'utiliser un lait étranger pour élaborer un produit étiqueté "fabriqué en France", sans mentionner l'origine du lait au consommateur. Cela leur enlève une contrainte sur leurs approvisionnements", illustre Marie-Thérèse Bonneau, de la FNPL. Alors même que les éleveurs s'engagent dans les démarches RSE pour répondre aux attentes sociétales. D'autre part, "c'est une information tronquée qui induit une confusion pour les consommateurs, français et étranger."
Lactalis dit étiqueter "lait origine France" quasiment tous ses produits français vendus en France
En réponse, Lactalis rappelle que l'abrogation de ce décret n'empêche pas d'étiqueter volontairement l'origine du lait. "L'origine France est un élément de choix pour les consommateurs français. Lactalis s'engage et affirme que quasiment tous ses produits fabriqués et vendus en France sous marque propre et marque distributeur (MDD), sont réalisés avec du lait 100% français, et sont étiquetés "lait origine France"", insiste Christophe Piednoël, directeur général communication et relations extérieures du groupe Lactalis. Il indique par ailleurs qu'il n'y a pas d'intérêt économique à transporter du lait sur de très longues distances et que les quelques importations de lait et de crème correspondent à des besoins ponctuels, notamment pour pallier le creux de production saisonnier en France.
Selon Lactalis, le décret a eu des conséquences sur les exportations françaises
Lactalis veut rassurer sur ses objectifs. "L’action de Lactalis vis-à-vis du conseil d’Etat a pour seul objectif de permettre aux producteurs français de continuer d’exporter leur lait en Europe sans être pénalisés par des réglementations nationales." Et de souligner que la France exporte 8 de ses 23,8 milliards de litres de lait produits.
"Ce décret français a poussé sept autres pays européens - plutôt importateurs - à faire de même, pour protéger leur propre filière laitière. Ce qui a incité leurs consommateurs à acheter préférentiellement leurs produits « nationaux » au détriment des produits d’importation donc des produits laitiers français. Ce décret a donc eu des conséquences sur nos exportations", expose Christophe Piednoël. Lactalis exporte l'équivalent de la moitié du lait qu'il collecte en France. "Nous avons vu nos ventes de produits laitiers divisées par trois dans certains de ces pays en quelques années", souligne Valérie Le Chevillier, directrice de la communication du groupe.
Mais on peut s'interroger sur cet argument, car, avec ou sans le décret français, les transformateurs de ces pays auraient mis en avant l'origine de leurs produits et du lait, pour inciter les consommateurs de leur pays à acheter "local". D'autre part, aujourd'hui, les réglementations des sept pays "protectionnistes" sont toujours en place.
Et maintenant ?
La FNPL ne veut pas en rester là et se mobilise pour que l'obligation d'étiqueter l'origine géographique du lait revienne en France. "C'est possible, via un autre texte de loi : Egalim ou la loi sur le climat par exemple", indique Marie-Thérèse Bonneau. "Il faudra alors argumenter différemment la proposition, et prouver qu'il y a une différence entre des laits ayant des origines géographiques différentes." La FNPL craint aussi que l'obligation d'étiqueter l'origine de la viande soit à son tour attaquée.
Parallèlement, la Commission européenne travaille sur l'indication de l'origine dans le cadre de sa stratégie Farm to Fork. L'histoire n'est pas finie.