La responsabilité sociétale, un passage obligé pour la filière laitière
La pression des consommateurs et des marchés rend la construction d’une démarche nationale collective incontournable pour la filière française.
La pression des consommateurs et des marchés rend la construction d’une démarche nationale collective incontournable pour la filière française.
Pourquoi faire de la responsabilité sociétale (RS) l’un des trois engagements du plan filière, élaboré fin 2017 suite aux États généraux de l'alimentation ? « Cela s’impose ", a démontré Cécile Le Doaré, du Cniel, lors d’une conférence au Space. Pour plusieurs raisons. La première, évidente, ce sont les attentes des consommateurs. « Les élevages laitiers ont une bonne image, mais elle s’érode. Nos concitoyens ont besoin de transparence et de réassurance, d’ informations vérifiées et pas seulement de marketing. » Notamment sur trois critères de production: le pâturage, qui est le critère numéro 1 de bien-être des vaches, la qualité des fourrages et le sans OGM. Mais aussi sur le transport et l’abattage.
La RS est la nouvelle donne sur les marchés
La seconde raison est que la responsabilité sociétale est désormais intégrée dans la stratégie de toutes les grandes entreprises, et par ricochet elle s'impose à tous leurs fournisseurs. « La RS est la nouvelle donne sur les marchés », affirme Cécile Le Doaré, en s’appuyant sur l'analyse de vingt-six référentiels (collectifs ou privés). Les entreprises utilisent la norme Iso 26 000 pour structurer leurs réponses aux questions sociétales. Une norme qui les oblige à se préoccuper de la durabilité de toute leur chaîne d’approvisionnement, jusqu’aux éleveurs. Elle implique le suivi des engagements pris et la mise en place d’indicateurs pour mesurer la progression. « Ceci afin de renforcer leur capital immatériel, celui qui crée la valeur de l’entreprise. Dans de nombreux pays dont la France, les grandes entreprises ont même l’obligation de présenter des rapports extra-financiers de développement durable. » Les ONG ont bien compris ce mouvement : « elles interviennent aujourd’hui directement auprès des entreprises en s’attaquant à leur image de marque pour faire changer les pratiques de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement ». Les milieux boursiers aussi ont bien compris que cette image est le talon d’Achille des entreprises : « ils imposent une évaluation des pratiques de RS qui, selon la note obtenue, rend les entreprises plus ou moins attractives pour lever des fonds ». Résultat : « les distributeurs et grands comptes demandent plus de garanties à leurs fournisseurs, des garanties sur le mode de production, qui portent prioritairement sur les nouveaux enjeux sociétaux ».
Déjà des démarches nationales collectives dans les autres pays
Force est de constater que « les autres pays ont pris les devants sans attendre de se voir imposer des référentiels ou cahiers des charges par les marchés, analyse le Cniel, qui a décortiqué vingt-huit démarches de onze pays(1). Ils structurent leur réponse avec des démarches nationales de RS collectives ». Et quasiment toutes ces démarches sont évaluées par une tierce personne. Les enjeux sociétaux mis en avant varient selon les pays en fonction du poids relatif des préoccupations. « Leur objectif est de valoriser les atouts de leurs modes de production et leurs démarches de progrès auprès de leurs clients sur le marché mondial et localement. Et il existe une bonne interconnexion entre les démarches collectives et les démarches de segmentation privées qui permettent de générer de la valeur sur une attente précise. »
Mais si beaucoup de pays ont déjà une démarche collective de RS sur l’environnement ou le bien-être animal, " ils n’abordent pas les questions sociales et économiques. Ce n’est pas rien d’avoir réussi en France à mettre ces questions au cœur de la démarche RS France Terre de Lait. La RS implique de suivre la rentabilité des exploitations et de communiquer sur les résultats », souligne Cécile Le Doaré. Et de conclure : « le plan de filière sera une réussite s’il permet la création de valeur collective pour l’ensemble de la filière ».
(1) De l’Union européenne + Australie, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Canada.Démarche France Terre de Lait : où en est-on ?
Le socle de référence pour la démarche RS France Terre de Lait correspond au deuxième volet du plan de filière. Quatre axes ont été retenus : économique, sanitaire, environnement et bien-être animal, et alimentaire. La démarche RS consiste à:
- s’engager sur ce que l’on va faire avec des indicateurs et objectifs précis ;
- dialoguer avec les parties prenantes (ONG…) ;
- suivre et mesurer les progrès avec une tierce partie ;
- communiquer de façon transparente sur les résultats.
« L’objectif est de prendre les premiers engagements sur chacun des quatre axes d’ici la fin de l’année, puis de communiquer, affirme Caroline Le Poultier, directrice du Cniel. La concertation avec les ONG a débuté. Le calendrier est fixé jusqu’à mi-2019. » Les démarches de segmentation viendront se greffer sur le socle de référence.