Aller au contenu principal

La lutte contre le taupin entre chimie et système D

Avec la disparition du traitement de semences Sonido, la lutte insecticide contre le taupin sur maïs évolue. Plusieurs microgranulés présentent une efficacité assez proche de ce produit.

« Près du quart de surfaces en maïs est exposé à un risque de taupins », signale Jean-Baptiste Thibord, spécialiste ravageurs chez Arvalis. La frange ouest de la France est la plus impactée (Bretagne, Pays de Loire, Poitou-Charentes, le Sud de la Nouvelle-Aquitaine et l’Ouest de l’Occitanie). Le risque est d’autant plus important après un retournement de prairie.

Avec le retrait des néonicotinoïdes, le maïs entre dans une nouvelle ère quant à sa protection contre les ravageurs du sol. Le produit de traitement de semences Sonido à base d’une néonicotinoïde (thiaclopride) a été retiré du marché suite à l’interdiction des néonicotinoïdes en Europe, avec application au 1er septembre 2018. En 2018, Sonido ne représentait pas moins des 4/5e des solutions retenues pour protéger le maïs des ravageurs du sol ou des premiers stades végétatifs. Le produit visait d’autres ravageurs que le taupin, telles les mouches du semis, les oscinies, les géomyzes… À noter que près de 50 % des maïs n’avaient pas reçu de protection insecticide au semis.

Pour détruire les taupins, les producteurs de maïs se retrouvent avec des produits sous forme de microgranulés à appliquer dans la raie de semis avec des diffuseurs. Mais même sur ces utilisations, de nouvelles restrictions sont apparues. Elles concernent l’insecticide Force 1.5G de Syngenta, à base de téfluthrine. De nouvelles conditions d’emploi pour protéger les organismes aquatiques imposent une incorporation du produit à au moins trois centimètres de profondeur pour les usages sur maïs. « Le diffuseur n’est plus mentionné dans ces conditions d’emploi. Le produit ne doit donc plus être diffusé, note Philippe Larroudé, qui suit le dossier taupins chez Arvalis. Mais sans diffuseur, Force 1.5G perd beaucoup de son efficacité. Il ne peut plus être conseillé contre les taupins. » En effet, une synthèse de quatre essais Arvalis montre une efficacité inférieure à 30 % de Force 1.5G sur taupin contre plus de 70 % avec diffuseurs, y compris sur des situations de fortes attaques.

Des microgranulés à base de pyréthrinoïdes avec diffuseurs

Il reste malgré tout des solutions contre les taupins, toutes sous forme de microgranulés à appliquer à l’aide de diffuseurs dans la raie de semis. Philippe Larroudé n’établit pas de classement d’efficacité pour les quatre insecticides disponibles à base de pyréthrinoïdes : Karaté 0.4 GR, Trika Expert + ou Trika Lambda 1, Fury Geo et Belem 0.8 MG(1). Ils présentent une efficacité similaire, comprise entre 60 et 70 %. Ces produits réduisent d’un peu plus de moitié le niveau de dégâts de taupins sur maïs, selon les expérimentations Arvalis. Le spécialiste signale des DVP(2) de 20 mètres en bordure de cours d’eau à respecter pour les spécialités Karaté 0.4 GR, Trika Expert + ou Lambda 1 et Fury Geo. Le produit Belem 0.8 MG ne connaît pas cette contrainte : seule une ZNT(3) de 5 mètres s’applique. « Leur efficacité moyenne se révèle assez proche de celle de Sonido (60 à 65 % selon la dynamique d’attaques), voire meilleure en cas d’attaques tardives (au-delà du stade 6-7 feuilles), précise Jean-Baptiste Thibord. Par contre, ils nécessitent une application soignée impliquant davantage de technicité. »

Une efficacité moyenne proche de celle de Sonido

Pour ces produits, la disposition des diffuseurs sur le semoir est importante pour assurer une répartition homogène des microgranulés dans la raie de semis et pour en obtenir la meilleure efficacité possible. Chaque produit a quasiment son diffuseur avec les préconisations d’emploi établies par le distributeur de phytos. Le coût du traitement est compris entre 45 et 75 euros par hectare.

Un nouveau produit est disponible pour lutter contre le taupin : Success GR. C’est encore un microgranulé, à base d’une molécule de biocontrôle, le spinosad. « Nous ne conseillons pas son utilisation car il ne présente pas d’efficacité dans les situations de forte infestation et elle est peu élevée (30 %) sur les attaques faibles à moyenne », déclare Philippe Larroudé.

(1) Ces produits présentent aussi d’autres noms commerciaux.
(2) Dispositif végétalisé permanent.
(3) Zone de non traitement.

De nouveaux moyens de lutte en test

Arvalis teste aussi des méthodes se passant de la chimie, dont certaines ne sont pas ridicules en termes de performance. Tel est le cas pour le produit Met52 Granulé, à base du champignon entomopathogène Metarhizium anisopliae. Il doit être épandu et incorporé sur les quinze premiers centimètres du sol. Son efficacité n’est pas inintéressante, de l’ordre de 40 à 55 %. Mais le produit n’est pas autorisé en grandes cultures et aucune demande d’homologation n’a été faite pour cela.

L’institut technique teste aussi la biofumigation, qui consiste en l’incorporation de granulés de graines de moutarde d’Éthiopie – Brassica carinata (produit BioFence). « Ces granulés issus de moutarde produisent dans le sol des composés chimiques avec un effet répulsif et insecticide sur les larves de taupins, explique Philippe Larroudé. L’efficacité est de 30-40 % inférieure à celle de références insecticides microgranulés. » Par ailleurs, BioFence doit être incorporé en plein juste avant semis, à raison de 3 tonnes à l’hectare.

Des grains de blé semés avant le maïs en guise d’appâts

Autre méthode non moins originale : l’utilisation d’appâts naturels. « Avant le semis de maïs, nous épandons à la volée un mélange de graines de blé et de maïs en proportions égales à raison de 120 kilos par hectare environ, puis nous l’incorporons dans les dix à quinze premiers centimètres du sol. Le maïs est semé ensuite en ligne. Le mélange de graines doit jouer un rôle de leurre vis-à-vis des taupins, en les attirant et en les occupant pendant que la culture de maïs lève », explique le spécialiste. Ce leurre doit jouer jusqu’à 7-8 feuilles du maïs, stade où il devient non sensible aux attaques de taupins. « Les grains de blé et de maïs germent, ce qui produit du CO2 qui attire les taupins, explique de son côté Michel Moquet, ingénieur régional Arvalis dans l’Ouest. L’idéal est un enfouissement de ces graines en dessous de l’horizon du semis en ligne du maïs. » L’efficacité de la méthode est satisfaisante puisqu’elle peut être du niveau de la référence insecticide microgranulés, selon certains essais. Mais elle nécessite un désherbage pour détruire les levées issues du mélange de graines de maïs et de blé, qui n’est possible qu’avec l’herbicide Stratos Ultra sur des variétés de maïs Duo System résistantes à ce produit.

Mise en garde

« Je vois deux écueils possibles cette année, alerte Jean-Baptiste Thibord, d’Arvalis. Le premier concerne les exploitants qui utilisaient Sonido par précaution - sans être certains que leur parcelle se trouve réellement infestée par les taupins - et qui risquent de ne rien appliquer cette année. Le second tient au fait que depuis le retrait de Sonido, nous sommes face à une impasse technique en cas d’attaques de géomyzes sur maïs. »

Les plus lus

<em class="placeholder">Denis Battaglia, éleveur laitier en Meurthe-et-Moselle, devant son silo de maïs</em>
« Nous avons toujours plus d’un an de stocks d’avance en fourrages »

Le Gaec du Rupt de Viller, en Meurthe-et-Moselle, refuse de se retrouver confronté à un manque de stocks fourragers. Au fil…

<em class="placeholder">Prairie avec une vache Normande et une vache de race Prim&#039;Holstein en Mayenne. </em>
Prairies permanentes : la Commission européenne donne son feu vert pour l’assouplissement

La demande de modification des règles des BCAE 1 et 9 encadrant les prairies permanentes et les prairies sensibles dans la PAC…

<em class="placeholder">Romain Lelou devant son robot de traite.</em>
« Nos 135 vaches, traites par deux robots saturés, pâturent jour et nuit en Loire-Atlantique »
Au Gaec du Champ-Léger, en Loire-Atlantique, les éleveurs ont fait le pari de traire avec deux robots jusqu’à 140 vaches, et ce 2…
%agr
« Nous économisons 2 500 euros en quinze mois en récupérant les eaux de toiture dans notre élevage laitier »

Élodie et Mathieu Regazzoni, associés en Gaec à Scey-Maisières dans le Doubs, traitent au chlore les eaux de récupération de…

Carte de la zone régulée FCO 3, en date du 6 novembre 2024.
FCO 3 : l'Isère, le Maine-et-Loire et le Puy-de-Dôme touchés à leur tour

A date de mercredi 6 novembre 2024, le ministère de l'Agriculture annonce 7 311 cas de fièvre catarrhale ovine sérotype 3.…

<em class="placeholder">Collecte de lait (à la ferme) </em>
Lactalis : le plan en trois étapes de réduction de la collecte

Lactalis a annoncé le 25 septembre engager une réduction de sa collecte de lait dans l’Hexagone : 450 millions…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière