Jouer la complémentarité entre éleveurs et céréaliers
Colloque Inra à Poitiers.
Des agriculteurs
et des chercheurs essaient
aujourd’hui de réassocier
élevage et grandes cultures
au niveau du territoire.
LÉGUMINEUSES dans les rotations
céréalières présente de nombreux
avantages au niveau de l’environnement
et de la qualité des sols.
«Depuis les années 70, l’agriculture a été marquée par une séparation géographique des grandes cultures et de l’élevage » a résumé Carl Gaigné, de l’Inra, lors d’un colloque(1) organisé par l’Inra à Poitiers le 24 octobre.
« Aujourd’hui des limites à cette séparation apparaissent au niveau de l’environnement, en termes de qualité de l’eau, perte de biodiversité, mais aussi de l’agronomie avec la baisse des rendements, les problèmes d’enherbement » constate Carl Laigné.
Et certains facteurs comme la hausse du prix de l’énergie et la volatilité des prix font que des réflexions sont menées pour réassocier cultures et élevage. Les objectifs sont d’assurer la durabilité des agroécosystèmes (recouplage des cycles de l’azote et du carbone, stockage du carbone dans le sol, biodiversité, gestion des adventices…) et de rendre les exploitations plus autonomes (aliments, énergie, paille, fertilisants) et plus résistantes aux aléas.
Des échanges entre éleveurs et céréaliers en Poitou-Charentes
À la demande de ses adhérents, la Coopérative Entente Agricole, qui compte 400 adhérents, dont la moitié de céréaliers et la moitié d’éleveurs, a mis en place depuis deux ans des échanges entre céréaliers et éleveurs.
Les céréaliers produisent de la luzerne qu’ils vendent aux éleveurs via la coopérative. Au printemps 2013, 250 ha seront ainsi implantés en luzerne par 30 céréaliers, l’objectif étant d’arriver à 500 ha avec 30- 50 céréaliers et 30-50 éleveurs.
Cette initiative soutenue par la région Poitou-Charentes et les Conseils Généraux de Charente- Maritime et Deux-Sèvres, est suivie en recherche par le CNRS au Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC). « L’objectif est notamment de déterminer les règles de décision et l’organisation des contrats » précise Vincent Bretagnolle, du CEBC-CNRS. Plusieurs types de contrat sont testés, dont un incluant une année dédiée à la biodiversité, au cours de laquelle la luzerne ne sera fauchée qu’en fin de saison.
Une autre initiative, dans la Vienne, est celle du Civam de Châtellerault, région où les grandes cultures se sont beaucoup développées et où il reste très peu d’éleveurs. Fin 2009, le Civam a mis en place un site internet sur lequel les céréaliers qui veulent diversifier leurs cultures proposent des produits (foin de luzerne, de prairies, protéagineux, sainfoin, mélanges céréales-protéagineux, féverole, pois) et sur lequel des éleveurs expriment leurs besoins.
Les éleveurs sont des adhérents d’autres Civam en Poitou-Charentes qui manquent de surface pour nourrir leurs animaux et veulent s’affranchir de la volatilité des prix. La plupart sont situés dans le sud Vienne, à 40 km de Châtellerault, et dans le nord Deux-Sèvres, à 60-70 km. Des contrats, le plus souvent oraux, sont passés entre céréaliers et éleveurs, en général sur 3-4 ans. Les produits sont vendus en direct, sans intermédiaire, et des prix plancher et plafond ont été décidés en commun. Environ 50 agriculteurs se servent du site et le système s’est aussi développé au niveau local (sans passer par le site).