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« Je vise un système herbager, économe et autonome »

Avant même de s’installer, Fabrice Marchadour avait une idée précise du système de production qu’il voulait mettre en place : « herbager, économe et le plus autonome possible, explique-t-il avec conviction. À la fois par goût personnel et pour des raisons économiques. Quand je vois les crises à répétition, je suis persuadé que c’est ce type de système, avec un recours le plus limité possible aux intrants, qui permet de dégager le meilleur revenu, en limitant les à-coups liés à la conjoncture. » Pourtant, lorsqu’il s’installe fin 2015, l’exploitation qu’il reprend après tiers produit 250 000 litres de manière intensive. « Mais avec ses 44 hectares groupés autour des bâtiments, la structure était bien adaptée à ce que je voulais faire. »

L’éleveur se lance. Il signe avec la laiterie du cédant Sodiaal un contrat de livraison portant sur 380 000 litres, « dont 330 000 litres en A » et commence à faire évoluer le parcellaire. Celui-ci s’est depuis agrandi de 9 ha accessibles. Chemins, clôtures, réseau d’eau… Fabrice Marchadour débute un vaste chantier d’aménagements pour que les vaches puissent pâturer dans de bonnes conditions. « 30 000 euros ont été prévus pour ces aménagements dans mon projet d’installation. Pour l’instant, j’en ai utilisé environ 20 000 euros. Mais tout n’est pas terminé », explique l’éleveur qui, pour limiter les coûts, loue un tractopelle et réalise lui-même les travaux de terrassement nécessaires. « Je suis à jour au niveau des clôtures, en fil lisse hypertendu pour le tour de toutes les parcelles, mais il me reste des chemins à finir. Et sur les 3 kilomètres de réseau d’eau nécessaires pour alimenter toutes les parcelles, seule une partie desservant les parcelles les plus proches est pour l’instant en place." Pour les abreuvoirs, et après en avoir discuté avec des éleveurs en système herbager, le jeune éleveur a commandé des bacs à niveau constant de 600 l en béton, « plus résistant que le plastique », qu’il a fait venir d’Irlande. « Car je n’ai pas trouvé en France. » En plus des aménagements de chemins, près d’un kilomètre de haies a été implanté pour servir d’abri aux animaux.

Des prairies multiespèces sous couvert d’avoine

L’assolement a été complètement remanié. La part du maïs a été réduite : une dizaine d’hectares en 2014-2015, trois hectares ensilés en 2016 et cinq hectares mis en place cette année. Les céréales ont été supprimées au profit de surfaces en herbe dont la composition a, elle aussi, été revue. Les prairies jusque-là en graminées pures fertilisées avec de l’azote minéral ont été remplacées par des mélanges multiespèces comprenant du ray-grass anglais, du ray-grass hybride, de la fétuque élevée, différents trèfles, du lotier « et un peu de chicorée ou de plantain, riches en tanins ». Tous les semis de prairie, une trentaine d’hectares depuis la fin d’été 2015, ont été réalisés avec un couvert associé d’avoine « pour limiter le salissement en attendant que les espèces à croissance lente comme la fétuque soient développées et pouvoir compter dès la première année sur une production fourragère plus importante ».

Le parcellaire a été redécoupé. Pour l’instant, les vaches ont à leur disposition environ 26 ha d’herbe en pâturage tournant. « J’ai défini des paddocks d’environ un hectare et prévu un abreuvoir pour deux paddocks. » Chaque paddock est conduit au fil avant, avancé matin et soir. « Les décisions dans la gestion de l’herbe sont prises en fonction des mesures de hauteur d’herbe que mon conseiller d’élevage BCEL Ouest réalise chaque mois. Je compare les résultats des mesures avec l’estimation visuelle que j’aurais faite de la hauteur d’herbe et cela me permet de me faire l’œil. J’avoue que je suis parfois surpris de la quantité d’herbe présente. »

"Mon objectif est d’avoir des animaux rustiques"

Le troupeau, lui, est devenu "cosmopolite". À la vingtaine de Prim’Holstein reprises au cédant sont venues s’ajouter 25 Montbéliardes « plus rustiques », puis quelques Pie Rouge des Plaines, quelques vaches croisées Prim’Holstein x Jersiaise x Rouge scandinaves achetées sur un élevage voisin et six génisses jersiaises prêtes à vêler arrivées du Danemark en avril dernier. Cette mixité va se maintenir car, dès son installation, Fabrice Marchadour a décidé de faire du croisement de races. « Mon objectif est d’avoir des animaux rustiques nécessitant peu de soin, avec de bons aplombs — les parcelles les plus éloignées sont à 1 km de distance — qui soient capables de produire une grande quantité de matière utile à partir d’herbe pâturée et qui se reproduisent bien. Pour le gabarit, je recherche des vaches plutôt petites et légères, mieux adaptées au pâturage, mais je souhaite quand même éviter les très petites vaches dont les veaux trouvent difficilement preneur. » Si Fabrice a défini son profil de vache idéale, la stratégie pour y parvenir, elle, n’est pas complètement arrêtée. Les premières inséminations ont été réalisées en race Montbéliarde et en Pie Rouge pour les Pie Rouge. « Maintenant, je suis plutôt sur des inséminations en Jersiaise et pour la suite, je déciderai en fonction des caractéristiques des vaches obtenues. J’ai aussi acheté un taureau croisé frison irlandais x Jersiais x Rouge scandinave que je vais utiliser sur les génisses qui vont être mises à la reproduction prochainement et sans doute aussi pour le rattrapage des vaches."

Essayer de grouper les vêlages au printemps

Pour optimiser son système en profitant au maximum de la pousse de l’herbe, l’éleveur a également entrepris de regrouper les vêlages sur le printemps. « Lorsque je me suis installé, j’ai eu pas mal de vêlages d’automne-hiver sur les mois d’octobre, novembre et décembre. J’ai attendu le mois de mai pour ré-inséminer ces vaches dans l’objectif de les recaler sur la bonne période. Mais les taux de réussite à l’insémination n’ont pas été bons et je n’ai pas obtenu les résultats attendus », reconnaît l’éleveur. Le groupage des vêlages sur le printemps est cependant toujours d’actualité et c’est cette année sur les génisses que l’éleveur va s’appuyer. « Les génisses nées depuis octobre 2015 ne seront mises à la reproduction qu’à la mi-mai 2017. Et elles ne seront pas inséminées mais saillies par le taureau, ce qui devrait garantir de meilleurs résultats tout en me facilitant la tâche puisque à cette période, les génisses seront dehors. »

Fabrice a également fait évoluer l’alimentation des vaches. « Mais pas autant que je l’aurais voulu, reconnait-il. L’hiver dernier, compte tenu des stocks de maïs, j’ai distribué environ 9 kg de MS maïs par vache et par jour avec en moyenne 1,7 kg de correcteur azoté, soit un peu moins de 300 kg annuels chacune, pour une production légèrement inférieure à 7 000 litres (autour de 8 300 litres avant changement). Mon objectif en régime hivernal est de ne distribuer que 4 ou 5 kg de MS d’ensilage de maïs avec de l’enrubannage et du foin, de façon à limiter au maximum la complémentation, notamment azotée. À terme, il est fort possible que je passe sur un système complètement herbager. J’envisage une conversion en bio et vu le prix du correcteur, je souhaite pouvoir m’en passer. Les vaches ont terminé le maïs ensilé en 2015 au 15 janvier de cette année. Depuis, elles consomment les 3 hectares ensilés à l’automne dernier. Mi-avril, la quantité distribuée est de 4 kg de MS/j pour valoriser l’herbe présente dans les champs et j’ai enrubanné début avril 3,5 hectares sur les paddocks des vaches. »

Des formations pour conforter ses repères

Depuis un an et demi qu’il est installé, Fabrice Marchadour n’a pas compté ses heures, ni ménagé ses efforts qui commencent à porter leurs fruits. Les choses se mettent en place « même si je pensais que le nouveau système aurait été calé un peu plus rapidement, reconnaît le jeune éleveur. S’installer en changeant complètement le système de production en place est un peu stressant ». Pour conforter ses repères techniques, Fabrice a réalisé plusieurs formations : sur la gestion du pâturage, l’alimentation des vaches et génisses, le dressage d’un chien de troupeau — qu’il utilise désormais au quotidien — l’aromathérapie ou encore la méthode Obsalim. Dès son installation, il a intégré un groupe Agriculture écologiquement performante « qui me permet d’échanger avec d’autres agriculteurs ayant déjà mis en place ce type de système. » Depuis cette année, l’éleveur a aussi rejoint un groupe de formation « agriculture biologique. » Adhérent au service de remplacement, il est également membre de la Cuma de la commune voisine.

Des veaux au lait yoghourt pendant six mois

« Lorsque je me suis installé, mon prédécesseur n’élevait plus ses génisses depuis dix ans », explique Fabrice Marchadour. Le jeune éleveur a donc, en complément des vaches reprises au cédant, acheté des animaux pour constituer le cheptel en production et assurer le renouvellement, tout en commençant à élever ses propres génisses. « La première année, j’ai gardé 25 femelles nées entre l’automne 2015 et juin 2016 dont les premières vont être mises à la reproduction prochainement. À partir de cette année, seules une quinzaine de femelles seront conservées. » Les vaches dont l’éleveur ne veut pas garder la descendance sont inséminées en Blanc Bleu Belge.

Fabrice Marchadour a, dès le départ, opté pour un mode d’élevage des élèves simple et économe. « Mon objectif est de ne pas leur distribuer de concentré : elles ont donc du lait jusqu’à six mois avec du foin et de l’eau. » Enfin, plutôt du lait yoghourt distribué froid en un repas par jour, au seau à tétine puis dans un bac à tétines, d’abord à volonté puis limité à 2 l/j à partir de trois mois.

Côté éco

• Prix du lait (année civile 2016) : 294 €/1 000 l

• Marge brute : 232 €/1 000 l

• Coût alimentaire vaches (1) : 57 €/1 000 l 

                  avant changement : 130 €/1 000 l.

(1) Fourrages au prix de revient.

« Une trajectoire bien définie et des évolutions rapides »

Fabrice Marchadour avait dès le départ une idée très claire de la façon dont il voulait produire son lait, en s’appuyant sur un système herbager économe et des vêlages de printemps, façon ferme néo-zélandaise. Grâce à cette ligne directrice, il a choisi pour s’installer une structure adaptée et a pu très rapidement s’atteler aux évolutions nécessaires. S’il sait parfaitement ce qu’il veut en matière de système de production, l’éleveur reste néanmoins très ouvert au niveau des choix techniques et opérationnels sur l’exploitation. Avide de discussions et d’échanges, il s’est rapidement inséré dans son environnement local et a intégré des groupes de formation (chambre d’agriculture, contrôle laitier….). Changer de mode de production implique d’acquérir de nouveaux repères, de se remettre en cause. Bénéficier de l’expérience d’autres éleveurs ayant ouvert la voie permet d’éviter des erreurs et d’aller plus vite. Moins de deux ans après son installation, beaucoup de changements ont déjà été engagés et les résultats économiques sont, malgré le contexte difficile, très encourageants, notamment en ce qui concerne la baisse des charges opérationnelles. Ces premiers résultats sont de nature à rassurer l’éleveur et le conforter dans ses choix.

Isabelle Pailler, conseiller lait à la chambre régionale d’agriculture de Bretagne

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