En Irlande : « J’ai doublé ma production laitière en dix ans »
Bob Hovenden a développé un système classique en Irlande, avec un maximum de pâturage et des vêlages groupés. Il a beaucoup investi pour produire près d’un million de litres de lait en 2017.
Bob Hovenden a développé un système classique en Irlande, avec un maximum de pâturage et des vêlages groupés. Il a beaucoup investi pour produire près d’un million de litres de lait en 2017.
« C’est bon pour la pousse de l’herbe », annonçait en juin dernier avec un large sourire Bob Hovenden en marchant sous une pluie orageuse aussi violente que passagère. Installé à Durrow dans le centre de l’Irlande, l’éleveur peut compter sur 800 mm d’eau par an. À l’instar de la plupart des exploitations laitières irlandaises, le pâturage occupe une place centrale dans son système. Et les vêlages sont très saisonnés. « En 2016, j’ai commencé à tarir mes vaches le 25 novembre pour des vêlages prévus la première semaine de février. Le dernier groupe a été tari le 17 décembre. Elles sont taries pendant 56 jours, voire 70 jours pour les primipares ou les vaches qui ne sont pas en état », indique Bob Hovenden.
Contrairement à 5 000 producteurs laitiers irlandais sur un total de 17 500 (6,5 milliards de lait produits en 2015-2016 (+ 18,5 %), Bob n’a pas choisi de réduire sa production dans le cadre du plan européen d’aide à la réduction volontaire et temporaire de la collecte laitière. Ayant vécu la fin des quotas comme « une libération », l’éleveur entend même appuyer sur l’accélérateur lors de la campagne laitière 2016-2017.
Du lait acheté jusqu’à 50 centimes d’euros par litre
« Nous avons toujours connu des hauts et des bas mais je pense que le futur sera bon d’autant qu’avec la fin des quotas on peut enfin se projeter dans l’avenir. Lors des dix dernières années qui ont précédé la fin des quotas, j’ai dépensé beaucoup d’argent pour acheter 250 000 litres de lait supplémentaires que j’ai payés entre 28 et 50 centimes d’euros par litre. Mais en 2017, je vais augmenter l’effectif de mon troupeau d’environ 25 vaches pour produire 150 000 litres de lait supplémentaires sans devoir acheter le lait », se réjouit l’éleveur. L’augmentation de l’effectif à 150 vaches traites se fera par croît interne.
« J’élève toutes mes génisses et je garderai le nombre nécessaire pour produire ma nouvelle référence. » La stratégie de Bob Hovenden est en phase avec la volonté affichée par l’Irlande de produire 50 % de lait en plus en 2020 (environ 7,5 milliards de litres de lait) par rapport à 2010. Mais, avec seulement 4,5 millions d’habitants, l’Irlande joue avant tout la carte de l’exportation (85 à 90 % du lait produit).
Augmenter la productivité par vache grâce à la génétique
Pour gérer l’augmentation de l’effectif de son troupeau sur une surface constante (50 ha d’accessibles aux vaches) tout en simplifiant son travail, Bob Hovenden compte optimiser la conduite de ses prairies. Ces dernières sont implantées avec un mélange à base de plusieurs variétés de ray-grass hybrides et de trèfle blanc. « Jusqu’ici, je faisais du pâturage tournant avec des paddocks d’environ 1 hectare. Mais cette année, je vais faire des paddocks de 1,5 à 2 hectares que les vaches pâtureront trois fois avant de changer de paddock. » Son objectif à terme est de produire jusqu’à 16 t de MS/ha/an d’herbe grâce à un meilleur management des prairies, le renouvellement de 10 % de leurs surfaces tous les ans et en continuant d’apporter 210 unités d’azote. Chaque année, l’éleveur récolte 700 t de MS d’ensilage de maïs.
L’amélioration du potentiel génétique de son troupeau est également un levier utilisé par l’éleveur. « Mon troupeau est essentiellement de race Frisonne anglaise. Ce sont des petites vaches rustiques et bien adaptées au pâturage. Mais pour augmenter le niveau de production par vache, j''utilise aussi quelques taureaux Holstein. » Les génisses sont inséminées et vêlent à 22-24 mois. L’excédent est vendu entre 1 200 et 1 500 euros.
Mais, si Bob Hovenden est plutôt de nature optimiste, il attend la fin de la crise avec impatience. " J’ai survécu à la crise du lait en maîtrisant mes charges. J’ai par exemple optimisé les apports de concentrés et je me suis contenté d’assurer les travaux de maintenance au niveau de l’exploitation. Nous avons également repoussé notre projet d’investissement pour améliorer notre système de distribution d’eau dans les prairies. Et grâce au bon management de l’herbe, nous avons livré un lait riche en matière utile. Mais il ne faudrait pas que la crise dure encore longtemps."
L’exploitation en 2016
70 ha dont 50 ha d’accessibles au troupeau
800 000 l de lait
125 vaches à 6 000 l
500 kg de concentré par vache
2 UMO
290 euros/1 000 l (270 euros/1 000 l en moyenne chez Glanbia en 2015-2016 et 300 euros/1 000 l pour du lait à 36 de TB et 33 de TP en décembre 2016) : prix moyen du lait
4 000 euros/vache : niveau d’endettement
Glanbia soutient la hausse de production
Bob Hovenden livre son lait à Glanbia. La première coopérative laitière de l’île (2,2 milliards de litres de lait collectés), a investi 280 millions d’euros entre 2014 et 2016 notamment pour augmenter sa capacité de transformation (cheddar, beurre, poudre de lait infantile…). « Nous envisageons d’augmenter notre collecte de plus de 50 % en 2020 par rapport à 2010. Nous mettons 22 conseillers à disposition de nos 4800 adhérents pour les aider à progresser sur le plan technique parce qu’il existe encore des marges de progrès pour augmenter la production laitière par vache », indique Audrey O’Shea, directrice du développement durable de Glanbia.
La coopérative a par ailleurs débloqué une enveloppe de 100 millions d’euros pour permettre à ses adhérents d’emprunter à un taux inférieur à celui pratiqué par les banques avec des remboursements modulables selon le prix du lait. Un tiers de cette enveloppe est destiné à financer des projets d’investissements en bâtiments, matériel, cheptel… et le reste à des rachats de crédits contractés par les éleveurs auprès de leur banque. Bob Hovenden n’a pas encore emprunté d’argent dans le cadre de ce programme dénommé Milk Flex ni renégocié les taux d’intérêt avec sa banque. "Jusqu’ici, je n’ai pas eu de problèmes de trésorerie, mais il ne faudrait pas que la crise dure", indique l’éleveur. Par ailleurs, ce dernier n’a pas voulu engager une partie de sa référence dans le système de contrat proposé par Glanbia. D’une durée de trois ans, et limité à 30 % des livraisons d’une exploitation, ce contrat vise à garantir une marge aux producteurs au-dessus de leur coût de production. Mais il ne garantit pas un prix supérieur à celui du marché.