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« Gagner en autonomie protéique en gérant mieux l'herbe »

Chez Yannis Collet, dans les Côtes-d'Armor. Plus de prairies pour pâturer et faucher, passage à la fauche précoce, moins de lait par vache... Autant de leviers qui ont permis d'améliorer nettement l’autonomie protéique et de diviser par 2,5 le coût alimentaire.

Yannis Collet, éleveur dans les Côtes-d'Armor. « Développer l'herbe et le pâturage répond à mes objectifs économiques, de bien-être des animaux, et du mien avec 35 heures de travail d'astreinte par semaine en hiver et 26 heures en période de pâturage. »
Yannis Collet, éleveur dans les Côtes-d'Armor. « Développer l'herbe et le pâturage répond à mes objectifs économiques, de bien-être des animaux, et du mien avec 35 heures de travail d'astreinte par semaine en hiver et 26 heures en période de pâturage. »
© C. Pruilh

« À partir de 2010 et des premières communications sur la réduction des charges alimentaires via l'autonomie protéique, développer le pâturage me trottait dans la tête », se souvient Yannis Collet, éleveur dans les Côtes-d'Armor. C'est en 2016 que Yannis commence à prendre un virage important vers l'autonomie protéique, en reprenant 7 hectares contigus à la ferme. La surface de pâturage accessible aux 46 vaches monte alors à 24 hectares. Entre 2015 et 2020, le pâturage est ainsi passé de 25 ares par vache à 40 ares. « Ces 7 hectares d'herbe m'ont aussi permis de m'engager dans une MAEC SPE 28/55 (28]]>% maximum de maïs dans la SFP et 55]]>% minimum d'herbe dans la SAU) en 2017. »

Au total, la surface en herbe a progressé en cinq ans de 20 à 33 hectares, au détriment du maïs dont la surface est passée de 15 à 8,6 hectares en 2021. Pour réaliser cette transition vers plus d'herbe notamment pâturée, Yannis a adhéré au Cedapa (association pour un développement agricole plus autonome), s'est formé et participe à des groupes d'échange.

Du pâturage presque toute l'année

L'herbe pâturée représente ainsi la moitié de ce que consomme le troupeau en un an. Et c'est l'unique fourrage durant trois mois, d'avril à juin. Même en hiver, les vaches sortent. « Ici, le sol est très portant ; le pâturage dure presque toute l'année. En cette fin janvier, je commence à déprimer les parcelles. Les vaches passent en général deux fois avant début avril et la forte pousse de l'herbe », précise Yannis.

 

 
Le troupeau est resté en prim'Holstein, avec un minimum de complémentation, car Yannis Collet ne veut pas descendre en-dessous de 6 500 litres par vache, pour sortir un minimum de chiffre d'affaires.
Le troupeau est resté en prim'Holstein, avec un minimum de complémentation, car Yannis Collet ne veut pas descendre en-dessous de 6 500 litres par vache, pour sortir un minimum de chiffre d'affaires. © C. Pruilh

 

Les prairies pour le pâturage, en ray-grass anglais-trèfle blanc, donnent 9 tMS/ha. Les paddocks font 1,5 hectare. L'éleveur utilise le fil avant mais pas le fil arrière. Les vaches restent dans un paddock jusqu'à six jours maximum. « Je ne veux pas plus les découper. Avec des paddocks plus petits, quand il faut faucher, les piquets gênent davantage. Il faudrait plus de chemins, plus d'abreuvement. C'est un investissement et du temps d'entretien. »

Yannis a aussi évolué d'une fauche tardive pour assurer le stock, à une fauche précoce pour chercher de la qualité. « Je fauche avant les premières fleurs de trèfle violet. Mon objectif n'est pas forcément de faire une fauche ultra précoce, mais plutôt de viser un optimum de quantité et qualité. »

L'éleveur a arrêté le ray-grass d'Italie, semé chaque année en dérobée avant maïs. Il implante désormais une association ray-grass hybride-trèfle violet pour quatre ans, dédiée à la fauche. « Cette association est très bien pour la fauche car elle sèche facilement, et elle se montre également adaptée pour du pâturage de fin de saison. »

Autre changement à venir : l'éleveur va arrêter l'ensilage l'herbe et passer à 100 % en enrubannage, pour les vaches et les génisses. « Je préfère, car la récolte peut être plus étalée dans le temps, et c'est plus pratique à distribuer. » Yannis réalise un enrubannage sec (45,9 % MS). « Je laisse bien préfaner, pour être entre un enrubannage et un foin. Il est très appétent. Même s'il y a une perte d'UF, la valeur reste bonne (0,88). Et pour la valeur protéique, le résultat est meilleur avec un fourrage plus sec (PDIN de 106 et PDIE de 78). Je ne mets jamais de conservateur et cela fonctionne très bien. »

Passer de 150 g/l à moins de 100 g de correcteur

Avant 2015, le silo de maïs n'était jamais fermé. Depuis, avec plus de quantité et de qualité d'herbe, l'éleveur peut fermer quatre mois le silo de maïs pendant la pleine pousse de l'herbe. Pendant ces quatre mois, il n'y a pas de correcteur azoté ; juste un peu de concentré énergétique : le blé autoconsommé de l'exploitation. Si l'été est trop chaud et sec comme en 2022, l'enrubannage est distribué en bâtiment. Puis le silo de maïs est rouvert, la part d'enrubannage augmente au fur et à mesure que le pâturage se réduit, et la quantité de correcteur et de concentré augmente. Et inversement à l'approche du printemps. « Je supprime le correcteur azoté dès que l’herbe pâturée dépasse une demi-ration. Au printemps, les vaches produisent 25 litres par jour rien qu’à l’herbe. »

L'évolution du système fourrager a permis à Yannis, déjà économe en concentrés (150 g/l pour 8 000 l/VL/an en 2015), de descendre à 100 g/l pour 7 500 l/VL en 2021 (correcteur azoté et blé autoconsommé). Avant, il achetait 1 200 kg de concentrés par vache et par an. En 2020, l'éleveur a amené 800 kg de concentrés. Le correcteur est un aliment du commerce à 42 % de MAT, composé de tourteaux de soja, colza, tournesol.

En 2022, plus que 46 g/l de concentrés

« Depuis fin 2021, avec l'inflation, Yannis Collet a encore baissé les concentrés, fait remarquer Denis Follet, conseiller à la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor. Il a diminué encore le correcteur azoté et il ne donne plus de blé en période de pâturage. Sur 2021-2022, il a apporté 283 kg de concentrés par vache et par an, soit 46 g/l pour des vaches à 6 500 l/VL. » De plus, en 2022, « je n'ai pas distribué de concentré pendant l'été et à l'automne. J'ai fait confiance à la ration enrubannage-maïs, puis à la reprise du paturage après les premières pluies de septembre », ajoute Yannis.

L'éleveur ne souhaite pas baisser davantage en lait, pour sortir un minimum de chiffre d'affaires. « Je ne cherche pas à aller plus loin dans l'autonomie, mon système actuel me parait cohérent et résilient. »

Aller chercher la nouvelle MAEC ?

Le système de Yannis pourrait néanmoins encore évoluer s'il cherchait à entrer dans une nouvelle MAEC, avec 70 % d'herbe sur la SAU et 18 % de maïs sur la SFP. L'éleveur devrait alors implanter plus de prairies et réduire la surface en culture de vente et/ou celle de maïs. « J'hésite encore. Je peux accepter des baisses de lait ponctuelles sans toutefois remettre en cause mon système qui me permet de passer sans encombre les périodes difficiles, que ce soit baisse du prix du lait ou aléas climatiques. »

Fiche élevage

En 2021-2022

91% d'autonomie protéique, contre 70 % en 2015

91% de la MAT provient de l'exploitation, 1,5 % de la région, 1 % de France et 7,5 % est importée (Devautop)

56 ha de SAU, dont 33 ha de prairies, 11 ha de blé et de colza, 5,5 ha de maïs ensilage et 6,5 ha de maïs grain

+22 % d'herbe dans la SFP

46 vaches prim'Holstein à 6 500 l/VL/an à 43,2 de TB et 31,9 de TP. En 2015, le rendement laitier était de 8 000 l/VL

À retenir

Développer le pâturage toute l'année

Augmenter la place de l'herbe dans le système

Réaliser des fauches précoces de RGH TV à l'optimum qualité/quantité

Accepter de baisser en lait

Ne pas augmenter la charge de travail

Côté éco

En 2021-2022

46 €/1 000 l de coût alimentaire. Il a baissé de 70 €/1 000 l par rapport à 2015

137 €/1 000 l de charges opérationnelles. Elles ont baissé de 60 €/1 000 l par rapport à 2015

Les génisses pâturent à partir de 6 mois

Les génisses pâturent 3 ha à partir de l'âge de 6 mois. De mi-décembre à fin mars, elles sont affouragées en ensilage d'herbe et en foin. Entre 15 jours et 6 mois, elles reçoivent en plus de la paille, un aliment complet du commerce. « Je continue d'en acheter car il permet de bien développer les génisses pour pouvoir les inséminer à partir de 15 mois », précise Yannis Collet.

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