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Poudres de lait réengraissées, Afrique de l'ouest
Filière lait : comment rendre les exportations laitières responsables ?

Les poudres MGV sont des poudres de lait écrémé réengraissées en matières végétales, notamment huile de palme pour l’essentiel importée d'Asie. La France n'est pas un gros contributeur à ce marché d'exportation qui déstabilise les filières de lait local en Afrique de l'ouest. De ce fait, elle pourrait donner l'exemple en arrêtant la production et la commercialisation de ces poudres. La France pourrait imaginer une relation « responsable » avec les producteurs locaux qui ne soit pas basée sur la guerre des prix.

Le Grand ouest de la France exporte du lait vers l'Afrique de l'ouest. Ces exports s’inscrivent dans un contexte de fortes différences de productivité entre nos pays. En effet, en France, une vache produit en moyenne 26 litres par jour, tandis qu'une vache en Afrique de l'ouest produit entre 2 et 5 litres par jour. En outre, les soutiens techniques et financiers sont plus favorables aux producteurs français.

Les poudres MGV sont des poudres de lait écrémé réengraissées en matières grasses végétales

À cela s'ajoute, depuis dix ans, l'inondation du marché ouest africain par les poudres de lait réengraissées. Ces poudres sont constituées à partir de lait écrémé et réengraissées en matières grasses végétales (MGV), "d'huile de palme essentiellement", enseigne Steven Le Faou, consultant indépendant chez Jokkoo Conseil. "Elle est importée en grande partie d'Asie et ajoutée en Europe." Trois pays européens sont leaders sur ce marché des poudres MGV, l'Irlande, la Pologne et les Pays-Bas.

Poudre de lait écrémé réengraissée en matières végétales d'origine irlandaise.

 

Les poudres MGV concurrencent directement le lait local

"Cette poudre, dite low cost, ajoute Abdelmajid Ali Dandakoé, ingénieur agroéconomiste nigérien et chef du projet Nariindu Iram-Karkara au Niger, est moins chère par rapport à la poudre de lait entière, alors que la filière lait local est en pleine construction dans nos pays". Pour Benoît Rouyer, directeur économie et territoire au Cniel, "on  vend un produit qui risque d'être considéré comme un produit laitier, alors qu'il ne l'est pas. Il y a donc risque de tromperie vis-à-vis des consommateurs locaux".

Abdelmajid Ali Dandakoé, ingénieur agroéconomiste nigérien et chef du projet Nariindu Iram-Karkara au Niger,

 

La France ne représente que 4 à 8% de ce marché

Si la France n'est pas un gros contributeur à ces poudres MGV, puisqu'elle a produit 4 à 8% des poudres européennes exportées sur les dix dernières années vers la Communauté économique des États d'Afrique de l'ouest (Cédéao), les spécialistes s'accordent pour dire qu'elle pourrait donner l'exemple. "Nous sommes des intervenants sur le commerce mondial des produits laitiers, rappelle Benoît Rouyer, sur 10 litres produits, la France exporte 4 litres. Donc on ne peut pas se désintéresser de l'impact du commerce des produits laitiers sur le développement des filières laitières dans les pays émergents".

Benoît Rouyer, directeur économie et territoire au Cniel

 

Les coopérateurs sont favorables à l'arrêt de ces pratiques

"Les ONG viennent nous mettre en évidence cette problématique de concurrence déloyale, souligne Christophe Miault, producteur de lait et administrateur de la coopérative Terrena et du Cniel. Il a déjà eu des discussions avec des coopérateurs "ils m'ont dit n'allez pas préempter ces marchés-là, parce qu'on n'est pas à l'aise avec, si on peut s'en passer, eh bien, il faut s'en passer".

Christophe Miault, producteur de lait et administrateur Terrena et Cniel.

 

Ce que demandent les acteurs des filières laitières africaines

Les producteurs de lait africains demandent plutôt aux transformateurs d'investir dans la collecte du lait local. Au Niger, ils revendiquent l'incorporation d'au moins 10% de lait local dans leurs produits. Ils attendent aussi plus de formations et un accès facilité aux financements, "c'est une épine au pied des éleveurs", révèle Abdelmajid Ali Dandakoyé. "Près de la moitié de la population vit d'une activité agricole, pointe Steven le Faou, priver les éleveurs de leur source de revenu, revient aussi à avoir un impact négatif sur le développement de cette région".

Formation au Mali.

 

Quel intérêt pour la France de stopper les poudres MGV ?

"Comment se démarquer de nos concurrents ? Par rapport aux Irlandais ou aux Polonais qui eux jouent la carte de la concurrence prix, pourquoi ne pas jouer la carte de la concurrence qualité et miser sur ce marché d'après-demain", suggère Steven Le Faou. Pour lui, "être capable de tisser des relations avec les opérateurs locaux qui soient durables et qui ne soient pas simplement basées sur une guerre des prix", est aussi politique: "Faire un acte diplomatique important dans une région instable où notre relation est en question depuis au moins une dizaine d'années, soit, "la diplomatie du lait".

Steven Le Faou, consultant indépendant chez Jokkoo Conseil.

 

Les producteurs français veulent s'engager pour en finir avec les poudres MGV

"Je vais proposer en tant qu'administrateur du Cniel, si les industriels sont d'accord et s'ils veulent pousser jusque-là, de bannir de leur mix les poudres réengraissées en France", déclare Christophe Miault, à l'issue d'une table ronde réunissant les acteurs de la filière lait des deux continents, au Space, le 13 septembre 2022. "On a une envie, poursuit l'éleveur, c'est que la France puisse dire d'une seule voix, on ne fait plus de réengraissement de poudre à l'intérieur des filières des vrais laitiers, ceux qui produisent et transforment le lait". En effet, si certains opérateurs extérieurs à l'interprofession achètent des poudres écrémées françaises pour les réengraisser par la suite, Christophe Miault souhaite "qu'on arrive aussi à mettre un peu au pilori des gens qui pourraient de notoriété publique réengraisser des poudres dans le dos de la filière".

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