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Fertilisation :quels équipements pour valoriser au maximum l’azote du lisier ?

Homogénéité du produit, logistique de transport, préservation des éléments fertilisants, limitation du tassement des sols… Les conditions matérielles à respecter pour valoriser le lisier sont nombreuses.

Connaître la valeur de son lisier, l’intégrer à son plan de fumure et l’épandre à la période la plus favorable est une chose. Apporter la dose voulue et surtout faire en sorte que le maximum d’unités d’azote atteigne les racines en est une autre. Le choix de la tonne et de son dispositif d’épandage est un élément clé de la valorisation du lisier. Ces dispositifs - rampes à pendillards, enfouisseurs - sont peu présents dans l’équipement individuel des élevages de bovins. Mais de plus en plus de Cuma et ETA en font l’acquisition. En revanche, on ne peut pas leur faire avaler n’importe quoi, sinon gare au bouchage. L’accroissement du gabarit des tonnes à lisier pose aussi des questions qui sont un peu enfouies sous le tapis mais qui mériteraient qu’on s’y penche. Comment limiter le tassement des sols ? Quel intérêt de faire passer à ces équipements coûteux plus de temps sur les routes qu’au champ ?

1 Malaxer régulièrement le lisier

 

 
La turbine d’expulsion, qui pousse le lisier à une pression de 3-4 bars, réduit le risque de bouchage. Mais « il ne faut pas pousser le bouchon » car elle ne peut pas tout accepter. © B. Griffoul

 

« En lisier de bovins, les éleveurs ont tendance à faire un broyage juste avant l’épandage pour casser la croûte et homogénéiser la fosse, explique Hervé Masserot, de la FDCuma de Mayenne et référent épandage des effluents pour la FRCuma Ouest. Mais il reste plein de matières organiques – foin, paille – qui posent problème à l’épandage, parfois même avec des buses à palette. » Quant aux nouveaux équipements de type rampe à pendillards, ils n’apprécient pas du tout. Et le conseiller machinisme de citer un constructeur : « En France, on veut pomper du fumier pour épandre du liquide ! » « Pour favoriser la dégradation des matières organiques, poursuit-il, il faut malaxer régulièrement le lisier - une fois par mois environ - soit avec un malaxeur derrière un tracteur, soit en équipant la fosse d’une pompe hacheuse. On peut aussi utiliser des additifs pour lisier ou pailler les logettes avec de la paille très broyée ou de la farine de paille, plus faciles à décomposer. » En tout cas, éviter de se dire : « On pousse tout dans la fosse et on verra plus tard ». Même si, au quotidien, c’est plus simple.

2 L’avenir compromis de la buse à palette

La buse à palette, très émissive en ammoniac, vit-elle ses dernières années ? Le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Loi Prépa) prévoit  de supprimer à l’horizon 2025 les équipements les plus émissifs. « Dans le plan d’action visant à baisser les pertes ammoniacales en France, la buse à palette est toujours affichée mais avec obligation d’enfouir immédiatement », relate Hervé Masserot. Difficile de dire aujourd’hui quel sera son sort. Si les objectifs de réduction des émissions ne sont pas atteints, les recommandations pourraient devenir obligation. Les eaux blanches et vertes ne seraient sans doute pas concernées par cette hypothétique interdiction (sauf si elles vont dans la fosse à lisier) car elles sont peu chargées en azote et donc peu émissives. « La buse à palette ne sera sans doute pas totalement interdite, mais limitée dans son utilisation et remplacée par un panel d’équipements peu émissifs », pronostique Hervé Masserot.

3 La rampe à pendillards amène le lisier au plus près du sol

 

 
Les rampes à pendillards répartissent le lisier en bandes au niveau du sol grâce à des tuyaux suspendus. Un équipement qui reste relativement émissif. © B. Griffoul

 

Si beaucoup d’éleveurs de bovins sont encore attentistes, Hervé Masserot constate que de plus en plus de Cuma réfléchissent à l’achat de ces nouveaux équipements, les subventions régionales apportant le coup de pouce nécessaire. La prise de conscience de la nécessité de réduire les émissions d’ammoniac et de ne pas laisser s’évaporer de précieuses unités fertilisantes commence à faire son chemin. Parmi les techniques qui permettent de réduire ces pertes : l’épandage avec une rampe à pendillard. La réduction des pertes d’azote ammoniacal est de l’ordre de 15 à 20 %. Quand elles s’équipent, c’est l’option qui a la faveur des Cuma de Mayenne, majoritairement constituées d’éleveurs laitiers. « C’est le système le plus polyvalent, décrypte le conseiller machinisme. Il permet d’épandre sur céréales en fin d’hiver. Avec un gabarit de 12 à 24 m, voire jusqu’à 36 m, il assure de bons débits de chantier. Il existe aussi des largeurs de 7,5 m pour des terrains difficiles. Les rampes à pendillards ont l’inconvénient d’être sensibles au bouchage et d’être un peu émissives en ammoniac. » Apparus plus récemment, les sabots, qui écartent la végétation pour déposer le lisier au sol, sont encore peu usités en élevage de bovins, indique le conseiller. Ils ont les mêmes inconvénients que les pendillards : bouchage et à peine moins émissifs (10 à 15 %).

4 L’enfouisseur injecte le lisier dans le sol

 

 
L’enfouisseur à disques du Gaec Battut (Puy-de-Dôme). Ces appareils injectent le lisier dans la limite de dosages acceptables (20 à 30 m3/ha). Au-delà, une partie du lisier reste en surface. © B. Griffoul

 

La solution la moins émissive consiste à enfouir le lisier dans le sol au-delà de 5 cm de profondeur. Les pertes d’azote sont inférieures à 5 %. « Nous commençons à avoir des demandes pour de l’enfouissement », indique Hervé Masserot. Il existe plusieurs types d’équipements plus ou moins polyvalents, qui seront choisis selon l’usage principal prévu. La largeur de travail se limite généralement à 6 mètres. Ils demandent davantage de puissance de traction que les rampes à pendillards et le débit de chantier est légèrement inférieur. Les enfouisseurs à dents permettent d’épandre le lisier et de déchaumer en un seul passage. Ils sont intéressants quand on épand du lisier avant l’implantation d’une culture. Les modèles à disques sont plus polyvalents dans la mesure où ils peuvent être utilisés avant culture (voire sur culture)  et sur prairie. Parmi les équipements à disques, deux lignes de produits se partagent le marché. Les matériels polyvalents, généralement de fabrication française, sont équipés de grands disques écartés de 50 cm, qui peuvent descendre jusqu’à 10 cm de profondeur. « On peut les utiliser aussi bien sur culture que sur prairie », précise Hervé Masserot. Des enfouisseurs spécialement étudiés pour les prairies sont proposés par des fabricants nordiques. Les disques sont plus petits et beaucoup plus resserrés (15 cm environ). « Ils ont les mêmes inconvénients que les pendillards avec des lisiers épais et descendent moins profondément (5 cm). Ils peuvent être utilisés avant culture, à condition que la parcelle ne soit pas déchaumée. »

5 Épandre sans tonne ?

L’alourdissement des tonnes à lisier met en danger la structure et la vie des sols. Sans parler des risques routiers. La compaction est provoquée à la fois par les pneus et par la charge à l’essieu. La première, visible, affecte les dix premiers centimètres. La deuxième, invisible peut se propager jusqu’à 50 cm de profondeur, voire plus. Quelles solutions ? « La charge aux essieux ne devrait pas dépasser 7 à 8 tonnes. Mais en France, on est souvent à 13 tonnes et plus. Il ne faut vraiment pas aller au-delà », recommande Hervé Masserot. L’autre solution : épandre sans tonne, avec une rampe alimentée par un tuyau souple et montée soit sur un tracteur, soit sur un automoteur. « Cette solution est encore très peu utilisée car le coût d’épandage est un peu plus élevé qu’avec un équipement classique et il est nécessaire d’avoir un parcellaire groupé pour pomper directement dans la fosse, ou de mettre en place une logistique pour amener le lisier (caisson en bord de champ…). Mais quelques agriculteurs, qui ont une part importante de cultures, commencent à s’y intéresser pour des raisons agronomiques. »

Les nouveaux dispositifs d’épandage coûtent-ils vraiment plus cher ?

Les équipements spécifiques alourdissent le coût d’achat d’une tonne à lisier. Le surcoût est de l’ordre de 35 à 50 000 € pour une rampe à pendillards de 12-15 m ou un enfouisseur de 6 m avec option DPA. Le tarif d’une tonne à lisier ainsi équipé atteint 110 à 150 000 €. Ce surcoût est souvent un frein à l’investissement. Mais il est à mettre en regard des unités d’azote qui ne seront pas perdues. Un lisier à 3 UN/t peut perdre 1 unité d’azote ammonial par volatilisation. Quand on épand 40 m3/ha, c’est 40 unités d’équivalent ammonitrate qui partent en fumée et qu’il faudra racheter sous forme minérale. La FRCuma Ouest a évalué des coûts d’épandage du lisier par type d’équipement qui tiennent compte des pertes d’azote ammoniacal. Ils sont calculés pour une tonne de 15,5 m3 qui épand 10 000 m3 par an. Ils sont équivalents : 3,30 €/m3 avec buse à palette, 2,97 € avec rampe à pendillards de 15 m, 3,15 €/m3 avec enfouisseur de 4 m. Un calculateur de coûts et temps d’épandage (Teplis), disponible gratuitement sur le site de la FRCuma Ouest, permet de comparer différentes solutions d’épandage.

Hervé Masserot, animateur à la FDCuma de Mayenne et référent épandage des effluents à la FRCuma Ouest

« Rapprocher le stockage du lisier des parcelles »

 

 
Hervé Masserot, animateur à la FDCuma de Mayenne et référent épandage des effluents à la FRCuma Ouest. « Il faut rapprocher le stockage du lisier des parcelles. » © DR

 

« Il va falloir se poser sérieusement la question de la logistique du transport du lisier. On veut tout faire le même jour : pomper, transporter, épandre. Pour compenser le temps passé sur la route, on s’équipe de gros gabarits. De tels équipements devraient être optimisés au champ plutôt que de leur faire faire de la route. Le débit moyen de chantier observé avec une tonne de 24 m3 est de 50 m3 par heure. Avec peu de temps de transport, il pourrait atteindre 90 à 100 m3. Il ne viendrait à l’idée de personne d’aller vider le grain à la coopérative avec la moissonneuse-batteuse ! Le système est au taquet. Nous devrions réfléchir à des solutions de nature à rapprocher les lieux de stockage des parcelles. Par exemple, remettre en service des anciennes fosses de bâtiments inutilisés ou installer des poches à lisier sur des îlots de parcelles. On pourrait ainsi effectuer le transport à l’avance avec des tonnes plus dépouillées et le jour J, quand les conditions climatiques sont favorables, optimiser l’épandage. »

 

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