En Irlande, l’intérêt des prairies multi-espèces boosté par le changement climatique
Les Irlandais commencent à souffrir de périodes brèves mais marquées de sécheresses estivales, notamment en 2018. Or, leur système est extrêmement sensible à l’arrêt momentané des pluies.
« Le développement racinaire de leur ray-grass anglais est relativement faible parce qu’il n’avait pas vraiment besoin d’aller chercher l’eau en profondeur, explique Luc Delaby, chercheur Inrae. Les exploitations irlandaises sont d’autant plus sensibles à l’irrégularité ou au déficit de pluie que les chargements en animaux sont élevés ». D’où l’idée de commencer à tester des prairies multispécifiques pour améliorer la robustesse des prairies.
Les résultats de travaux récents menés dans deux centres de recherche du Teagasc devraient contribuer à susciter de l’intérêt pour ce type de prairies sur l’île émeraude. À commencer par les essais réalisés entre 2018 et 2019 par Guylain Grange, en thèse au centre de recherche de Johnstown Castle. « Notre projet visait à mesurer l’impact de la diversité des espèces sur la performance de la prairie, sur la possibilité de réduire les apports d’engrais azotés et sur la résistance potentielle des prairies à la sécheresse. »
Des rendements toujours supérieurs avec moins d’azote
Les microparcelles de prairies multi-espèces étaient à base de RGA, fléole, trèfle blanc, trèfle violet, chicorée et plantain. Premier constat du chercheur : « Les mélanges recevant 150 kg d’N/ha sont plus productifs que le ray-grass anglais pur à 300 kg d’N/ha, grâce non seulement aux trèfles, mais aussi aux plantes diverses (plantain et à la chicorée). Lorsqu’une sécheresse de deux mois est simulée, ces plantes diverses maintiennent mieux leur rendement. Un mélange en conditions sèches produit au moins autant qu’une monoculture de ray-grass en conditions favorables avec une pluie régulière et une double fertilisation azotée », expose Guylain Grange.
Cette supériorité de rendement se retrouve d’ailleurs quelles que soient les conditions climatiques. « Un large panel de mélanges prairiaux contenant entre 25 et 80 % de légumineuses ont toujours eu un meilleur rendement que du ray-grass anglais pur ayant reçu deux fois plus d’azote. »
Restait à confirmer ces résultats obtenus sur microparcelles à l’échelle d’une exploitation. « La traduction de microparcelles à l’échelle d’une exploitation est en cours depuis trois ans à Johnstown Castle où la production laitière (quantité de matière utile/ha) reste exactement la même pour un mélange multi-espèces comparé à un mélange ray grass-trèfle blanc, malgré une réduction de 120 kg d’N/ha/an. »
Plus de lait produit en cas de sécheresse estivale
L’essai a également été transformé par les travaux d’Alann Jezequel, en thèse à Moorepark. Lors de la sécheresse estivale de 2022 (à relativiser en regard de celle vécue dans l’Hexagone), les prairies multi-espèces (ou de RGA-TB) ont permis d’obtenir plus d’herbe et de meilleure qualité qu’un RGA pur.
L’impact sur les performances du troupeau a été significatif. « La production laitière du troupeau de Irish Holstein-Frisonne (1) a été significativement supérieure pour les lots pâturant une prairie multi-espèces (5000 kg) ou de RGA-TB (4870 kg) par rapport au lot RGA pur (4730 kg) », indique Alann Jezequel.
En revanche, en 2021, l’été a été poussant. La quantité et qualité de l’herbe étaient au rendez-vous. La production laitière a été équivalente quel que soit le type de prairie pâturée autour de 5600 – 5700 kg/vl avec 350 kg de concentrés. Les essais vont se poursuivre pour confirmer ces résultats et produire des références sur la gestion des prairies multi-espèces.
Le saviez-vous ?
« Depuis 2022, un programme gouvernemental visant à optimiser les coûts de production permet aux agriculteurs d’acheter des sacs de semence de mélanges d’espèces avec une subvention de 50 € par sac de 25 kg », explique Guylain Grange. Les éleveurs ne sont plus à convaincre. Les entreprises de semences ont du mal à s’approvisionner pour satisfaire la demande en mélange. »