Détruire une prairie sans labour ni glyphosate, c'est possible
Une enquête menée dans le cadre du projet Praigly auprès de dix fermes montre que des solutions mécaniques existent pour détruire une prairie sans labour ni glyphosate.
Une enquête menée dans le cadre du projet Praigly auprès de dix fermes montre que des solutions mécaniques existent pour détruire une prairie sans labour ni glyphosate.
La destruction d’une prairie se fait aujourd’hui majoritairement par labour et, dans moins d’un tiers des cas, avec du glyphosate. « Mais le glyphosate, déjà très réglementé, pourrait à terme être interdit, rappelle Elodie Roget, d’Arvalis. De plus, il y a une demande sociétale de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. Le labour n’est pas non plus une panacée, car il accentue le risque d’érosion et n’est pas adapté aux sols superficiels, argileux ou très caillouteux.» Arvalis-Institut du végétal, avec l’Institut de l’élevage, la ferme expérimentale La Blanche maison (50) et l’AFPF ont donc engagé le projet Praigly, dont l’objectif est d’évaluer des méthodes alternatives de destruction de prairie.
Dix éleveurs de bovins, dont sept en bio, ayant une expérience de destruction de prairies sans glyphosate ni labour, ont notamment été enquêtés et ont fait ressortir différents leviers. Plusieurs passages d’outils travaillant à moins de 10 cm de profondeur et qui scalpent les plantes ou extirpent les racines permettent de détruire une prairie.
Les outils à dents et/ou à disques
Certains outils utilisés en déchaumage peuvent servir à détruire une prairie. Les outils à disques, avec deux rangées de disques montés en V ou en X, mélangent la terre et les débris végétaux sur au moins 10 cm. Les plantes déracinées sont ramenées en surface et sèchent au soleil. Les outils à dents, ou cultivateurs, peuvent aussi être utilisés. Selon la forme des dents, ils scalpent les parties aériennes et racinaires ou arrachent les plantes. Le travail doit se faire à moins de 5 cm de profondeur. Le mieux est que les dents soient équipées de socs « patte d’oie » permettant de travailler le sol sur toute la largeur à la bonne profondeur, juste sous le plateau de tallage. L’horizon de sol travaillé est émietté et les végétaux légèrement enfouis. Des scalpeurs de précision spécifiques peuvent aussi être utilisés. Ils conservent une bonne structure de sol et une couverture végétale limitant l’érosion, mais sont difficiles à utiliser en sol caillouteux. Certains outils équipés de dents et de disques font le travail des deux outils en un seul passage. Plus lourds qu’un outil à dents ou à disques seuls, ils nécessitent néanmoins plus de puissance.
Les outils auto-animés ou les fraises rotatives
Les outils auto-animés, constitués de deux rotors horizontaux perpendiculaires à l’avancement et munis de lames, travaillent à 5 cm. Le premier rotor tourne à la vitesse d’avancement du tracteur et entraîne le second rotor trois fois plus vite par un jeu de pignons. Ce type d’outil, qui déchire et déracine les végétaux, nécessite une vitesse de travail de 10 à 15 km/h. Les outils animés avec un axe horizontal rotatif, ou fraises rotatives, sont animés par la prise de force du tracteur. L’axe horizontal est muni de lames ou de dents de formes variables. Les lames coudées à angle droit ou incurvées (rotavator) permettent de scalper le couvert mais peuvent lisser le fond de travail si le sol n’est pas assez ressuyé. Leur débit de chantier est faible (vitesse 4-5 km/h), avec une consommation élevée de fuel.
Contrôler la profondeur de travail
Le choix d’une technique et son efficacité dépendent du type de sol, de l’état du couvert, du temps disponible avant l’implantation de la culture suivante, de la période de destruction et du nombre de passages possible. La précision du travail, en particulier le contrôle de la profondeur, est essentielle. Les agriculteurs insistent notamment sur le fait que le scalpage doit se faire sous le plateau de tallage, en laissant le minimum de terre sur la plante. Il détruit la plupart des plantes hormis les vivaces (rumex, chardon, pissenlit…). Les outils doivent donc être équipés d’un moyen de contrôle de la profondeur de travail, tel qu’une roue de jauge ou un rouleau.
Plusieurs passages sont nécessaires
En moyenne, plus de cinq passages d’outils, semis inclus, sont nécessaires pour venir à bout des repousses. Le besoin en traction est par contre plus faible qu’en labour et le dessèchement de la prairie plus rapide. Quatre agriculteurs croisent les passages d’un même outil. En plus de l’outil principal utilisé, d’autres matériels peuvent compléter le travail pour faire un faux-semis, brasser la terre et les débris végétaux, décompacter le sol sous les zones de scalpage et préparer le lit de semence. Les outils à disques et le rotavator ayant tendance à créer une semelle sous l’horizon travaillé, les éleveurs fissurent souvent celle-ci avec un outil à dents.
La météo est déterminante
La météo est déterminante pour l’efficacité des outils. Idéalement, plusieurs jours de soleil après le travail du sol sont nécessaires pour assécher les végétaux. En fin d’automne ou au printemps, du fait de conditions humides, le déracinement des plantes peut avoir une efficacité limitée, notamment sur les graminées qui ont la capacité à repiquer après avoir été déracinées. Attention : des conditions séchantes assèchent aussi le lit de semence de la culture suivante. Une destruction précoce est également importante pour avoir le temps de passer plusieurs fois les outils dans de bonnes conditions. Cela favorise aussi la dégradation des résidus, ce qui facilite l’implantation de la culture suivante.
Mise en garde
Ces interventions mécaniques montrent certaines limites sur des espèces ayant des organes de conservation (rhizomes) ou de multiplication végétative (stolons). L’agrostis stolonifère et le chiendent rampant sont notamment assez réfractaires à ces méthodes de destruction.
Avis d'éleveur : Julien Guéneau, du Gaec Les Jonquilles (120 VL en bio, Vendée)
« Un méteil en dérobé et deux passages de fraise »
Des expérimentations en cours
Des essais comparant différentes techniques de destruction des prairies sont menés dans le cadre du projet Praigly sur trois ans jusqu'en 2022. Les stations Arvalis de Bignan (56) et La Jaillère (44) testent la destruction d’une prairie temporaire avant maïs (destruction précoce, destruction tardive pour pourvoir récolter l’herbe, implantation à l’automne d’un méteil dans la prairie avant sa destruction). La station Arvalis de St-Hilaire-en-Woëvre (55) et la station La Blanche Maison (50) étudient différentes modalités de rénovation d’une prairie permanente (semis de colza en dérobée au printemps, semis sous couvert de méteil à l’automne, travail superficiel, destruction électrique). En 2021, deux autres essais compareront l’efficacité de différents outils de travail superficiel du sol pour la destruction de la prairie.