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Désherbage : empêcher datura et ambroisie d'empoisonner le maïs

Dans certaines régions, il faut compter dorénavant sur les infestations de datura et d’ambroisie en cultures d’été. Le maïs constitue une culture où ces dangereuses adventices sont encore gérables. À condition d’employer la manière forte.

L'ambroisie se développe fortement dans le Sud-Ouest en plus d'être déjà bien installé dans la vallée du Rhône. © G. Omnès
L'ambroisie se développe fortement dans le Sud-Ouest en plus d'être déjà bien installé dans la vallée du Rhône.
© G. Omnès

Le Sud-Ouest les collectionne. Sur le maïs et d’autres cultures d’été, des adventices particulières envahissent certaines parcelles : daturas, lampourdes, ambroisies, pourpier, sicyos… Leur gestion est délicate. Les daturas et ambroisies focalisent toutes les attentions, du fait de leur forte expansion, de leur nuisibilité et des problèmes de santé publique que ces plantes peuvent générer.

« Le datura fait un retour en force ces dernières années. Cette espèce explose dans les zones de diversification du maïs avec des légumes de plein champ, mais pas seulement, observe Alain Rodriguez, spécialiste malherbologie à l’Acta. Avec ses levées très échelonnées, elle fait partie de ces adventices qui profitent de la diminution de la pression herbicide. C’est une plante très opportuniste, colonisatrice, capable de reconstituer des populations très rapidement. »

Le service VigieFlore mis en œuvre par la société Syngenta donne une idée du niveau de développement de certaines adventices car il repose sur une base de données de plus de 20 000 parcelles étudiées depuis quatorze ans. « Le datura est l’espèce qui a progressé le plus en quantité et en rapidité durant ce laps de temps. Elle est passée de 2-3 % en fréquence d’observation en 2005 à 20 % en 2018 au niveau national, présente Pascal Gautier, responsable développement transversal chez Syngenta. Dans le Sud-Ouest, 35 % des parcelles de maïs présentent du datura et 91 % des observations de cette espèce en France ont été faites dans cette région. »

Feuilles, tiges et graines de datura contiennent des molécules toxiques

Pourquoi s’inquiéter de cette forte progression ? « Le datura contient des alcaloïdes très toxiques à de très faibles quantités pour l’homme et les animaux d’élevage. Feuilles, tiges et graines : toutes les parties de la plante contiennent ces substances », souligne Sylvie Nicolier, ingénieur régionale Arvalis Ouest Occitanie. Des limites réglementaires existent sur ces substances avec des seuils très faibles à ne pas dépasser pour ces alcaloïdes et aussi en graines de datura dans les récoltes. Le datura exerce en outre une concurrence non négligeable vis-à-vis des cultures avec un impact sur le rendement.

« La destruction maximale est l’objectif contre le datura. » Ingénieur Arvalis spécialiste du désherbage, Valérie Bibard est catégorique. « La gestion de cette adventice passe déjà par le nettoyage des abords de parcelles et celui du matériel agricole, qui ne sont pas à négliger. » Heureusement, sur maïs, il existe de nombreuses solutions herbicides efficaces sur datura. Mais cette mauvaise herbe a la faculté de produire des levées échelonnées et ce, au-delà du stade 8-10 feuilles du maïs quand il n’est plus possible de traiter. En présence de cette adventice, Arvalis a établi plusieurs stratégies herbicides (voir tableau). Au-delà du stade 8 feuilles du maïs, il est possible de faire un traitement tardif avec des pendillards, comme sur des maïs pop-corn qui développent une couverture des rangs moins rapide que les autres maïs. Dans ce cas, il faut veiller à ne pas dépasser le stade limite réglementaire d’utilisation de l'herbicide utilisé.

Le maïs : culture nettoyante dans les secteurs légumiers

Quant au désherbage mécanique (binage, herse étrille…), il est efficace sur datura seulement si les plantes sont très jeunes et si des conditions sèches et d’ensoleillement suivent l’intervention pendant plusieurs jours. Alain Rodriguez note « l’efficacité moyenne à satisfaisante de faux-semis. Mais cela demande des semis tardifs de maïs en mai, ce qui n’est pas trop dans l’air du temps ». La rotation culturale avec l’introduction de cultures d’hiver est, en revanche, une stratégie qui fonctionne très bien contre le datura.

Pour Justine Sourisseau, directrice du GRCeta-SFA (sols forestiers d’Aquitaine), le datura est un problème majeur. « 70 à 80 % des parcelles sont concernées par le datura dans la zone que nous couvrons (40 500 hectares entre le Nord des Landes, la Gironde et le Lot-et-Garonne). Cette adventice est en expansion du fait de l’arrêt de plusieurs herbicides qui apportaient de la rémanence dans leur efficacité, mais aussi en raison de l’importance des cultures d’été dans notre secteur dont des cultures légumières (haricots, carottes, petit pois…). Ces dernières sont basses et ne couvrent jamais complètement le rang pour empêcher les levées de datura. Son contrôle y est difficile et le maïs constitue un peu la culture nettoyante, remarque Justine Sourisseau. Il reste plusieurs matières actives efficaces comme la mésotrione, la bentazone, la tembotrione… Nous conseillons des produits comme Adengo en prélevée, Callisto + bentazone à 4-5 feuilles du maïs. »

Une fois que le rang est couvert par la végétation, il n’y a pas de relevée de datura. « Malheureusement, les dégâts de gibier ne sont pas rares dans notre région, ce qui provoque ces redémarrages de l’adventice. Les sangliers font d’ailleurs partie des facteurs de multiplication du datura. »

L’explosion d'ambroisie ne se limite plus à la vallée du Rhône

En ce qui concerne l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’adventice ne se cantonne plus à son bastion d’origine, la vallée du Rhône. « Cette espèce est en train d’exploser dans le Sud-Ouest où elle devient courante », observe Alain Rodriguez. « Sur maïs, on peut intervenir en post-levée avec des associations de produits à base de bromoxynil, sulcotrione ou thiencarbazone-méthyl, précise Sylvie Nicolier. Ces interventions sont à renouveler pour gérer les levées échelonnées. » Un binage peut venir en complément. Il sera efficace sur des ambroisies peu développées. « La lutte préventive est primordiale contre cette espèce, ajoute la spécialiste d’Arvalis. Elle passe par une surveillance des bords de parcelle et des passages d’enrouleurs. Il faut également veiller à ne pas apporter de graines d’ambroisie via le matériel de récolte ou de travail du sol. » Contrairement à d’autres cultures d’été, le maïs demeure une espèce avec toute une panoplie de solutions de désherbage contre l’ambroisie, le datura et autres adventices…

Le datura contient des alcaloïdes très toxiques à de très faibles quantités pour l’homme et les animaux

Des stratégies pour viser des daturas jeunes sur la durée

Le désherbage peut commencer par un traitement renforcé de prélevée avec des produits à molécule antigerminative comme la mésotrione ou l’isoxaflutole qui peut être associée à un antigraminée racinaire pour gérer le reste de la flore. Cette intervention sera suivie d’un rattrapage en post-levée si besoin.

La première application peut être décalée en post-levée précoce au stade 2-3 feuilles du maïs, de façon à toucher les premières germinations et levées de datura. Dans ce cas, on associera la mésotrione ou l’isoxaflutole avec des matières actives racinaires et foliaires de type nicosulfuron, thiencarbazone-méthyl…

Concernant l’intervention de rattrapage après la prélevée ou la post-levée précoce, l’idéal est de reculer au maximum ce passage pour gagner en persistance d’action sur les levées échelonnées. Mais les plants de datura ne doivent pas dépasser 4 feuilles pour pouvoir les détruire. Jusqu’au stade 8 feuilles du maïs sont possibles des associations de sulfonylurée + tricétone, de dicamba + tricétone ou de sulfonylurée anti-dicotylédones + dicamba.

Source : Sylvie Nicolier, Arvalis.

AVIS D'AGRICULTEUR : Gilles Dufau, 235 hectares dans les Landes

« J’associe binage et désherbage localisé contre le datura »

« Le datura est apparu au début des années 2000 et il a progressé jusqu’à infester 30 % de nos parcelles. En non labour depuis 2000, j’observe que les pieds de datura regerment systématiquement dès que nous pratiquons un travail du sol. Par exemple, après un enfouissement de l’azote apporté au stade 6-7 feuilles du maïs, nous retrouvons des levées de datura au stade 9-10 feuilles du maïs. Quand on ne les traite pas, ces plants atteignent 2 m de haut. J’ai conçu une parade à cela tout en conservant une démarche d’agriculture raisonnée en recourant au binage et au désherbage chimique. Pour atteindre les levées de datura en particulier, la bineuse et l’enfouisseur d’azote sont équipés de buses pour des traitements localisés sur l’interrang. Depuis cinq ans, sur les parcelles de maïs touchées par cette adventice, je commence par un désherbage au moment du semis, localisé sur le rang avec le mélange Camix + Spectrum ou le produit Isard. Ensuite, je réinterviens avec l’herbicide Camix appliqué cette fois-ci sur l’interrang en même temps qu’un binage ou qu’un enfouissement d’azote à 5-6 feuilles du maïs. Les produits sont appliqués à demi-dose à l’hectare en désherbage localisé. Depuis que j’ai adopté cette stratégie, les parcelles sont beaucoup moins infestées en datura. Les levées de ces derniers dans les maïs après traitements ne donnent que des plants peu développés qui seront broyés et enfouis à la récolte. »

(1) L'EARL Dufau est composé de Gilles Dufau, son frère et son neveu, à Duhort-Bachen : 120 ha de maïs grain, 55 de maïs semences, 20 de tournesol semences, 20 de soja, 10 de haricot vert de plein champ.

AVIS D'AGRICULTEUR : Yannick Lamothe, 60 hectares à Solferino en Haute-Landes

« Les pendillards sont la solution sur maïs pop-corn »

« Sur notre exploitation familiale, nous cultivons 54 hectares de maïs pop-corn en Haute-Landes sur lesquels les daturas sont à éliminer à cause des alcaloïdes qu’ils contiennent. L’objectif est de ne pas avoir un seul pied de datura développé à la récolte car leurs graines peuvent contaminer les maïs, et la sève des parties végétatives peut aussi souiller les grains au moment de la récolte. En 2014, nous avons été en présence de pieds de datura de plus de 2 m de haut dans la végétation et nous avons eu l’obligation de les détruire par des moyens très onéreux en matériel et en main-d’œuvre. La production de maïs pop-corn est vulnérable à ce type d’adventice car la dessication des pieds que nous recherchons pour cette production avant la récolte en octobre se traduit par des plants de maïs desséchés fin-août qui laissent passer la lumière jusqu’au sol. Cela profite au développement des pieds de datura présents. Pour l’empêcher, nous utilisons dorénavant des pendillards adaptés sur des enjambeurs pour un traitement des adventices fin-juin sous la végétation du maïs. Ce traitement tardif avec le produit Camix retarde la levée des daturas dont le peu de pieds trouvés ne dépassent pas 20-30 cm de haut. Avant cette intervention, nous réalisons un désherbage léger au début de développement du maïs. Les épis de maïs sont récoltés en hauteur, ce qui esquive les daturas. En outre, pour assurer l’absence de traces de ces daturas dans les récoltes, une entreprise a développé une surveillance des parcelles par drones pour détecter les pieds qui nécessiteraient une destruction. »

AVIS D'AGRICULTEUR : Jean-Michel Gourjux, 290 hectares en Isère

« Le produit Calaris assure la destruction des ambroisies »

« La moitié de nos parcelles est concernée par l’ambroisie à feuille d’armoise, avec parfois des tapis de cette adventice en certains endroits. C’est une mauvaise herbe contre laquelle nous avons l’obligation de ne pas nous louper dans le désherbage, sinon les pieds d’ambroisie peuvent atteindre la hauteur des maïs en été. L’arrivée du produit Calaris a permis d’améliorer notablement leur contrôle, grâce à son efficacité et son action longue. Nous l’utilisons à 0,6 l/ha en mélange avec Elumis (0,5 l/ha) à 3-4 feuilles du maïs en visant des ambroisies au stade plantule. Avant cela, nous effectuons un traitement avec Camix à 2,5 l/ha après le semis du maïs. Avant l’arrivée de Calaris, il pouvait être nécessaire de faire deux rattrapages herbicides après l’application de prélevée et les ambroisies étaient moins bien contrôlées. En outre, pour maîtriser le salissement des parcelles, nous introduisons une céréale à paille dans la rotation tous les deux-trois ans. Nous implantons un couvert d’avoine et de trèfle après le maïs pour couvrir au maximum le sol et ainsi limiter le salissement. Et nous nettoyons systématiquement les engins agricoles dans les champs à l’issue des travaux de façon à ne pas contaminer davantage les parcelles. »

(1) EARL Decrozo est composé de Philippe et Jean-Michel Gourjux, à Villette-d’Anthon : 290 ha dont 65 de blé, 70 de maïs, 30 d’orge d’hiver, 22 de luzerne, 15 de colza, 15 de tomate industrielle, 45 de prairie.

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