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Des prairies multiflores à valeur santé

Des parcelles sont implantées avec des espèces connues pour leurs vertus médicinales. Ces plantes soutiennent la santé du troupeau sur le plan digestif comme de la prévention contre les parasites.

Qu’on les appelle prairies multiflores ou prairies pharmacies (marque Eilyps) ou parcelle alicament, leur but est le même : donner aux animaux un accès à une diversité de plantes à intérêt santé. «C’est une parcelle, avec une flore diversifiée, composée d’espèces qui soutiennent la santé, la digestion, la lutte contre les parasites », explique Pauline Woehrlé, responsable agriculture biologique et durable chez Eilyps. Un peu comme une tisane à brouter. « Certaines plantes prairiales contiennent des métabolites secondaires dont les effets sur la santé humaine et animale ont été montrés scientifiquement », fait remarquer Anne Poutaraud, ingénieur de recherche au laboratoire agronomie et environnement de l’Inra.

C’est en travaillant sur les alternatives thérapeutiques naturelles que l’équipe d’Eilyps s’est intéressée à des travaux menés à l’université de l’Utah et en Angleterre autour de la gestion parasitaire des agneaux grâce aux espèces pâturées. S’il y a un intérêt pour les petits ruminants, cela peut fonctionner aussi avec les vaches, s’est dit Pauline Woehrlé. Il est aussi connu que les animaux auraient la capacité à choisir des plantes qui les aident en termes de santé. « Mais ils n’y ont plus forcément accès. Par leur diversité, les prairies pharmacies leur redonnent accès à des plantes connues pour leurs effets bénéfiques », complète Pauline Woehrlé. Les prairies pharmacies sont une alternative pour prévenir les problèmes de santé du troupeau, un outil de plus dans la panoplie de prévention. « Nous utilisons déjà des médecines alternatives, par exemple au tarissement. Nous avons implanté une parcelle de prairie pharmacie pour creuser cette piste de la prévention par les plantes », explique Denis Planchais, éleveur à Noyal-sur-Vilaine (35).

Améliorer le confort digestif

Pour donner accès à ces plantes d’intérêt, l’idée est de les implanter dans une prairie où les vaches iront pâturer. Parmi ces plantes, il y a celles connues pour leurs bienfaits digestifs : pimprenelle, achillée millefeuille... Et celles qui diminuent la pression parasitaire grâce à leur teneur en tanins : centaurée noire, sainfoin… Le point commun de ces espèces est d’être riches en métabolites secondaires : flavonoïdes, polyphénols, tanins. " La diversité des espèces donne aussi des systèmes racinaires différents, qui puisent des oligoéléments à plusieurs profondeurs. Par exemple, sur des essais réalisés en juin sur une dizaine de parcelles, il y avait deux fois plus de calcium et de phosphore dans une prairie pharmacie que dans une pâture habituelle. On y trouve aussi des métabolites antioxydants intéressants pour améliorer le statut oxydatif », souligne Pauline Woehrlé. Christophe Lemesle, éleveur en bio à Argentré-du-Plessis (35), est l’un des premiers à avoir implanté une telle prairie. Il a rapidement noté une amélioration du taux cellulaire. « C’est peut-être dû à une meilleure immunité, avance-t-il. On a tout à gagner à avoir des vaches plus résistantes. Ces prairies y participent. »

 

 

Un hectare pour cinquante vaches chez Denis Planchais

Les prairies pharmacies doivent aussi rester productives. « Le but est de concilier production laitière et soutien à la santé », souligne Pauline Woehrlé. « Ce n’est pas facile de quantifier l’effet sur la santé, mais quand les vaches étaient dans cette parcelle, elles ne décrochaient pas en lait, confirme Denis Planchais. En plus, cet été, certaines espèces, comme la chicorée, sont restées vertes et sont reparties facilement. »

Les prairies pharmacies sont valorisées en pâturage, à raison d’un hectare pour cinquante bovins. Cette parcelle est intégrée dans la rotation des paddocks et les vaches y passent une journée de pâturage toutes les deux ou trois semaines. « D’avril à mi-juin, la prairie pharmacie est intégrée dans la rotation des parcelles, témoigne Denis Planchais. Tant qu’elles sortent, les vaches continuent d’y aller régulièrement. » Certains éleveurs préfèrent que les vaches aient accès à une petite surface chaque jour, en implantant la prairie pharmacie de façon transversale en bas des paddocks. Et pour l’hiver ? « Les flavonoïdes ne se conservent pas tous et pas très bien, prévient Pauline Woehrlé. La chicorée ne sèche pas donc il n’est pas possible de faire du foin. Mais on peut envisager de faire de l’enrubannage. »

Des essais conduits dans sept élevages

Dans leur pâturage, les animaux ont la faculté naturelle de sélectionner les plantes qu'il leur faut. " Mais cela est très dépendant de leurs conditions d'élevage. Quand une vache rencontre une nouvelle plante, elle va l’essayer. Si elle lui procure un effet positif, elle l’enregistre et l’adopte dans ses habitudes de pâturage ", remarque Pauline Woehrlé. Des essais ont été conduits dans sept élevages afin de regarder les consommations relatives de chaque espèce et dans quel ordre les animaux les consomment. Au début, c’est le lotier qui est consommé car il est très appétent. Puis la chicorée et le plantain, eux aussi très appétents. En dernier, les vaches vont vers la pimprenelle et l’achillée, « car leur goût est différent, leur odeur moins connue ». « Il y a peu de refus », confirme Denis Planchais.

Les prairies pharmacies peuvent être complétées par des haies elles-aussi diversifiées auxquelles les animaux auront accès depuis les pâtures ou les champs. « Les arbres ont des racines profondes, des feuilles riches en oligoéléments, explique Pauline Woehrlé. Une espèce comme le noisetier est riche en tanins. » Il faut aussi laisser se développer la flore locale, le gaillet hérissé a des vertus galactogènes, le pissenlit est riche en vitamine A. Autant de plantes à redécouvrir.

Affiner l'intérêt santé des plantes

Si des travaux scientifiques ont été conduits sur l’impact d’une plante face à un problème de santé particulier et montrent l’intérêt de la phytothérapie, ils n’en sont qu’à leur début pour analyser l’impact d’une multiplicité de plantes, comme il y en a dans les prairies pharmacies ou les prairies naturelles. Pour l’instant, ce sont surtout les retours d’éleveurs qui montrent l’intérêt des plantes à valeur santé. Des essais conduits sur les agneaux ont montré que, même si le nombre d’œufs de strongles n’avait pas diminué suite au pâturage de telles prairies, leur croissance avait été supérieure de 17 % à celle du lot témoin.

« Dans une prairie, la composition en métabolites secondaires est complexe, reconnaît Anne Poutaraud, de l'Inra. Nous recherchons des marqueurs prairiaux (potentiel antioxydant, composition et teneur en certains métabolites secondaires) reliés à la santé animale. Il faut également affiner les besoins en antioxydants. En effet, trop d’apport en antioxydants pourrait avoir un effet inverse, prooxydant. » Pour continuer à optimiser les prairies sous un angle santé animale, Eilyps poursuit ses travaux d’analyse et teste ce printemps les teneurs en flavonoïdes et en tanins condensés.

À savoir

° Si une plante lui procure un effet positif, la vache l’adopte dans ses habitudes de pâturage
° Il existe aussi une certaine transmission intergénérationnelle et entre pairs

Un mélange de 15 à 17 espèces

C’est en Angleterre qu’Eilyps a trouvé un semencier avec qui élaborer différents mélanges. Cette entreprise, qui travaille depuis quinze ans sur la diversité des espèces pâturables, a concocté un mélange avec des espèces classiques comme le ray-grass ou la luzerne, d’autres comme la chicorée ou le plantain qui apportent aussi de la productivité et d’autres espèces à valeur santé.

Un équilibre a été trouvé autour de 15 à 17 espèces fourragères et d’intérêt santé, pour concilier une ingestion maximale et le coût des semences. Car la diversité des espèces stimule la consommation mais ces semences coûtent assez cher. Le mélange « prairie pharmacie » revient à 130 € pour 6,5 kg de semences. Ce à quoi il faut ajouter 22 kg de semences fourragères classiques pour une prairie implantée pour au moins quatre ans. Le mélange est disponible en bio comme en conventionnel.

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