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« Depuis vingt ans, nous améliorons par étape notre empreinte carbone »

L'EARL de la Gueffière, en Mayenne, en est à son troisième diagnostic carbone. Engagé dans le label bas carbone, il espère vendre des crédits carbone. Voici huit leviers actionnés en vingt ans.

« Depuis que je me suis installé en 1997, je m'intéresse aux économies d'énergie et à l'efficacité énergétique, tout en améliorant les résultats technico-économiques de la ferme », dépeint Christian Masserot, associé avec son épouse dans l'EARL de la Gueffière, en Mayenne. Dès son installation en 1997, Christian Masserot fait planter 700 mètres linéaires de haies ; « il ne restait pas assez de haies suite au remembrement ». Et il passe à 25 mois d'âge au premier vêlage.

1 - Un recours important à la Cuma

Un premier diagnostic « carbone » - ou plutôt « énergie » - est réalisé en 2008, avec l'outil Planete. Il mesure en équivalent fioul les consommations d'énergie, directes et indirectes, de tous les ateliers d'une exploitation agricole. « Beaucoup de choses entrent en ligne de compte, comme le bâtiment et le matériel. La surmécanisation dégrade la note, les matériaux utilisés influencent le résultat... Des éléments dont ne tient pas compte Cap2'ER mais qui jouent pourtant sur les émissions indirectes de CO2 », souligne l'éleveur. Dans son cas, le recours très important à la Cuma a joué favorablement.

2 - Peu d'engrais, du sans-labour

Le résultat de l'EARL est meilleur que la moyenne du groupe de dix-sept fermes équivalentes. « Outre la mécanisation, je mettais déjà peu d'engrais minéraux (64 €/1 000 l de moins), j'étais déjà en sans-labour... », indique Christian Masserot. L'exploitation bénéficie de sols limoneux profonds à plus de 50 % de matière organique, et l'éleveur a toujours privilégié les amendements (effluents, chaux) à la fertilisation minérale.

Lire aussi : « Notre exploitation va vendre des crédits carbone »

L'EARL valorise les effluents d'élevage - lisier et fumier - sur toute la SFP. « Les vaches restent peu en bâtiment (logette paillée, 4 kg de paille) ; elles circulent librement du bâtiment aux prairies. Même l'été, les vaches préfèrent être dehors ; il y a des arbres isolés dans les parcelles. » Ce faible temps passé en bâtiment, avec peu d'effluents à gérer, est favorable au bilan carbone et au bilan azote.

3 - De la luzerne et plus de prairies

Suite à ce diagnostic, de la luzerne a été implantée pour économiser du correcteur azoté et améliorer la santé des vaches. « J'ai essayé de cultiver de la féverole et du pois, mais j'ai arrêté car les protéagineux sont plus délicats à réussir que la luzerne, et surtout à cause d'une contrainte travail ; je me suis retrouvé seul sur l'exploitation en 2012. La luzerne aussi demande du travail, mais elle est plus performante sur nos terres et on s'entraide avec un autre éleveur copropriétaire du matériel de fenaison. » La surface en prairie a augmenté et a atteint 46 hectares en 2013, pour près de 600 000 litres de lait produits (74 vaches).

4 - Un système productif efficace

Puis un Cap2'ER (la toute première version) est réalisé avec les données de la période 2012-2013, sur proposition de la laiterie Bel. « Mon empreinte nette ramenée au litre de lait était plutôt bien placée, grâce à mon score sur les émissions brutes par litre de lait », résume Christian Masserot. Ce bon score s'explique par l'efficacité de l'atelier lait, avec une bonne productivité des vaches (8 400 l/VL) et des surfaces (12 200 l/ha SFP). Les surfaces en prairie et en luzerne permettent d'être économe en concentrés, dans la moyenne du groupe. « Nous avons la chance d'avoir de bonnes terres profondes. Les rendements d'herbe sont bons (12 tMS/ha en moyenne), en fauche notamment. »

Le Cap2'ER de l'époque estime que le stockage de carbone est faible et ne compense que 7 % des émissions brutes. « À l'époque, il n'y avait que 19 mètres linéaires de haies par hectare de SAU ; et beaucoup d'herbe, mais surtout des temporaires. »

5 - Plus de légumineuses

Après ce diagnostic, Christian Masserot engage deux évolutions pour faire des stocks de fourrage riche en protéines, et baisser ainsi les achats d'aliments pour les vaches. « La surface en luzerne a encore augmenté. Elle a atteint près de 6 hectares en 2019. J'ai cultivé des légumineuses quasiment en pur sur environ 5 hectares : trèfle violet, trèfle blanc et un peu de ray-grass hybride. Cela m'a permis de réduire les concentrés aux vaches laitières, de 202 à 147 g/l en 2019. »

6 - Baisser le taux de renouvellement

Christian Masserot veut aussi faire baisser le taux de renouvellement. « En 2013, il était de 45 %. J'élevais beaucoup de génisses, car je vendais une quinzaine de génisses amouillantes par an. Depuis trois ans, il n'y a plus de marché, donc je fais du sexage pour assurer le renouvellement, avec un objectif de 30 %. Le reste des vaches est inséminé en croisement viande. Aujourd'hui, avec l'agrandissement du troupeau, nous sommes encore entre 35 et 40 %. » D'ici deux ans, nous devrions atteindre notre objectif.

7 - Améliorer la valorisation de l'herbe

Avec le pâturage tournant dynamique, les éleveurs espèrent gagner deux mois de pâturage par an et libérer ainsi deux hectares de maïs fourrage.
Avec le pâturage tournant dynamique, les éleveurs espèrent gagner deux mois de pâturage par an et libérer ainsi deux hectares de maïs fourrage. © C. Masserot

Un Cap'2ER de niveau 2 est réalisé en 2019 pour évaluer où en est l'EARL, à deux associés depuis l'installation de l'épouse de Christian Masserot. Les résultats de la ferme sont similaires à ceux de 2013. Le stockage du carbone est un peu mieux noté, mais la marge de progrès reste importante. « Mais avant de planter des haies, notre priorité était d'améliorer la valorisation de l'herbe », souligne l'éleveur. Avant, le pâturage était tournant, mais environ trois jours par parcelle. Il y a trois ans, les éleveurs mesurent la hauteur d'herbe pour gérer les entrées de paddocks. Puis, « il y a deux ans, nous avons essayé de tourner chaque jour, mais ce fut un échec car nous n'étions pas équipés ». En 2021, ça y est : 33 paddocks d'un hectare sont installés ; 600 mètres de chemins sont bétonnés ; le réseau d'abreuvoirs (un pour deux paddocks) est posé avec un débit suffisant pour alimenter toutes les parcelles. « Nous allons pouvoir faire du vrai pâturage tournant dynamique. Et nous devrions gagner deux mois de pâturage : un mois en fin d'hiver et un mois à l'automne. Cela nous permettra de libérer deux hectares de maïs fourrage environ. »

Enfin, depuis septembre 2020, l'épandage du lisier se fait avec des pendillards. « On a vu la différence sur les rendements, la pousse de l'herbe. » De quoi améliorer encore l'efficacité du système.

8 - Passer en 100 % colza

L'EARL est passée d'un mix tourteau de soja (70 %) et colza (30 %) à du tourteau 100 % colza tanné. « Le problème de disponibilité en tourteau de soja non OGM, qui je pense va durer, nous a poussés à mettre en place ce levier dès l'automne 2020. Nous avons baissé en lait (300 l/VL environ). Et la hausse des taux n'a pas suffi à compenser l'effet de cette baisse de volume sur le produit lait. »

Costie Pruilh

L'EARL entre dans le label bas carbone

« Depuis vingt ans, nous améliorons par étape notre empreinte carbone »

« Vendre des crédits carbone est plus une reconnaissance qu'une vraie rémunération », estime Christian Masserot. L'EARL de la Gueffière fait partie des 70 exploitations laitières que l'APBO – Association des producteurs Bel Ouest – a engagées dans le label bas carbone. Cette démarche nationale vise à rémunérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur les fermes, par la vente de crédits carbone. Via l’APBO (le portage des dossiers doit être réalisé par un collectif), les éleveurs font réaliser un diagnostic Cap2'ER et choisissent un plan d'actions. Les émissions qui pourront être évitées grâce aux leviers choisis sont évaluées, et pourront être valorisées via la vente de crédits carbone, par France Carbon Agri Association (FCAA).

L'EARL a choisi six leviers : optimiser encore le taux de renouvellement ; améliorer la valorisation de l'herbe avec le pâturage tournant dynamique pour réduire la surface en maïs et le correcteur acheté ; passer d'un mix tourteau de soja (70 %) et colza (30 %) à du 100 % colza – « C'est ce levier qui a le plus d'impact sur la réduction des émissions de GES », commente Christian Masserot ; réduire encore le travail du sol ; passer 7 hectares de prairies temporaires en prairies permanentes pour stocker davantage de carbone dans le sol ; planter des haies : 500 à 900 mètres linéaires (ml), soit 4,5 à 8 ml/ha de SAU en plus.

Ces leviers devraient permettre d'éviter 170 tonnes d'équivalent CO2 à l'échelle de l'exploitation, grâce à 113 tonnes d'émissions de GES évitées et 59 tonnes de carbone stockées.

Quand une tonne de CO2 évitée est vendue, 30 euros reviennent à l'agriculteur, 5 euros reviennent au porteur de projet (l'APBO ici) et 3 euros à FCAA. « À environ 30 euros par tonne, on peut espérer toucher 5 000 euros à la fin de l'engagement, en 2024-2025 », évalue Christian Masserot. Une évaluation à mi-parcours en 2022 permettra de débloquer une avance sur la vente des crédits carbone, et un dernier diagnostic Cap2'ER évaluera le reste de crédits carbone à verser. « Si un éleveur a moins réduit ses émissions nettes que prévu, il touchera moins de crédits. C'est le porteur de projet – l'APBO ici – qui porte le risque financier. Il engage de l'argent pour réaliser les dossiers, mais n'est pas sûr de se rembourser au final si les éleveurs baissent moins que prévu leurs émissions », souligne Anne-Claire Daneau, de l'APBO.

Chiffres clés

L'EARL en 2019

2 associés, 2 apprentis et un salarié occasionnel
111 vaches à 8 100 l/VL/an (moyenne économique)
126 ha de SAU, dont 84 ha de SFP et quelques céréales autoconsommées
53 ha de prairies, soit 31 ha de prairies permanentes et 22 ha de prairies temporaires, dont 5 ha de trèfles ; 6 ha de luzerne et 26 ha de maïs.
19 ml/ha de SAU de haies et des arbres isolés dans les prairies permanentes.
0,69 kg eqCO2/l lait d'empreinte nette, dont 0,77 kg d'émissions brutes de GES.

Très bon sur l'énergie électrique

La consommation d'électricité ne pèse pas dans l'empreinte carbone car l'énergie nucléaire n'émet pas de carbone. Par contre, le diagnostic Cap2'ER l'enregistre comme indicateur de performance environnementale.

Chez Christian Masserot, dès 2008 (diagnostic Planete) cet indicateur ressort très bien. « C'est lié au fait que la salle de traite (2x6), le tank à lait et le chauffe-eau étaient bien dimensionnés. » Suite au diagnostic Planete, un prérefroidisseur a été installé.

L'EARL a mis en place du photovoltaïque en 2017 (9 kW vente et 3 kW autoconsommés). « Aujourd'hui, nous mettons en place un autre projet de 20 kW qui sera opérationnel en janvier 2022. Cela représentera une économie d'environ 40 % sur la facture d'électricité de l'atelier lait. » Même si ce projet a peu d'impact sur l'empreinte carbone, il amène une contribution positive : la production d'énergie renouvelable locale.

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