Dans un élevage de 110 vaches : Une série d’avortements liés à l’introduction de la BVD
Dans le Pas-de-Calais, le troupeau du Gaec D-D n’avait jamais été en contact avec le virus de la BVD. Son introduction, en baissant fortement l’immunité des animaux, a permis le développement en sourdine de la néosporose.
Dans le Pas-de-Calais, le troupeau du Gaec D-D n’avait jamais été en contact avec le virus de la BVD. Son introduction, en baissant fortement l’immunité des animaux, a permis le développement en sourdine de la néosporose.
La BVD est une maladie d’origine virale très contagieuse qui se présente de deux façons différentes en élevage bovin. D'une part, la maladie des muqueuses, une forme clinique qui touche peu d’animaux dans un troupeau mais qui est très grave pour l’individu, entrainant une mortalité élevée. D'autre part, la forme BVD, assez fréquente : elle se développe de manière insidieuse avec un impact important au niveau du troupeau. Sous cette forme BVD, on observe des troubles de reproduction ou une immunodépression entrainant l’apparition fréquente de maladies opportunistes.
Voici, au travers de l’exemple du Gaec D-D, un cas concret d’expression de la forme BVD. Il montre combien cette maladie sournoise peut être impactante. Ce Gaec entre époux avec un salarié conduit en deux lots un troupeau de 108 vaches avec un bon niveau de production (26 kg pour les plus de 100 jours de lactation et 34 kg pour les moins de 100 jours). Le troupeau est conduit en deux lots dans une stabulation à logettes ave tapis et un DAC pour les démarrages de lactation. Les génisses vêlent à 26 mois, et l’IVV tourne autour de 390 jours. L’élevage est en suivi repro régulier, et n’achète pas d’animaux. Les boucles BVD posées sur les veaux à la naissance sont sans retour positif depuis 18 mois. Il y a en moyenne 3 à 4 avortements par an.
Un plan avortement mis en place
Fin octobre 2019, la clinique vétérinaire est appelée à plusieurs reprises pour avortement. Des prises de sang sont à chaque fois réalisées, et au bout de trois avortements, nous réalisons un plan avortement qui consiste en des prélèvements de sang sur six animaux dits « à problème » de reproduction ou ayant avorté. Les résultats orientent vers deux pathologies différentes, la néosporose et la fièvre Q. Différents examens complémentaires (prélèvements par écouvillon de col de vache avortée et contenu stomacal d’avorton) écartent la fièvre Q, même si sa présence ne fait aucun doute. La clinique s’est mise rapidement en relation avec le GDS afin de sonder le troupeau, d’abord les débuts de lactation : sur 44 animaux prélevés, 21 sont positifs en néosporose.
66 % d’animaux positifs à la néosporose
Suite à ces résultats (mais aussi à la naissance d’un veau « nain »), un plan néosporose sur deux ans est mis en place avec le GDS. Le plan prévoit des prises de sang la première année sur tous les animaux de plus de 6 mois, et la deuxième année sur tous les jeunes de la première année et les négatifs (une aide financière est prévue pour les analyses et les réformes). Des prises de sang sont donc réalisées sur tous les animaux de plus de 6 mois d’âge. Résultat : sur 175 animaux prélevés, 115 sont positifs, 45 négatifs et 15 douteux.
Avec un tel taux de positifs (66 %, mais 98 % dans les 6-18 mois !), la réforme des positifs est impossible à mettre en place. Nous avons donc décidé de diminuer la prévalence de la néosporose dans l’élevage sur une durée plus importante, en croisant les animaux et en achetant régulièrement des génisses de 3 à 4 semaines dans un élevage sain (et en effectuant une prise de sang avant la vente). Quelques animaux destinés à la réforme et négatifs ont aussi finalement été réinséminés.
Deux veaux positifs à la BVD en janvier
Mais tout ceci ne nous dit pas pourquoi la néosporose a brutalement été la cause d’un épisode d’avortements important dans l’élevage. L’explication est venue début janvier 2020 quand, à notre surprise, deux veaux sont revenus positifs après le bouclage BVD. Le troupeau était en équilibre face à la néosporose, et l’introduction du virus de la BVD dans ce troupeau totalement naïf a fortement baissé l’immunité globale. Elle a entrainé un pic d’avortements (14 lors de l’épisode) sur une période assez courte. Ceci coïncide justement avec une dégradation des résultats de réussite à l’IA depuis deux mois, observée lors de nos passages en suivi de reproduction.
L’origine de la contamination semblerait être des contacts en pâture, mais les animaux à l’engraissement ayant pu être responsables avaient déjà été abattus lors de l’enquête épidémiologique. La naissance de veaux IPI a lieu après le début des avortements car pour donner un IPI, la mère doit rencontrer le virus de la BVD entre 30 et 150 jours de gestation, le virus aurait donc été introduit dans le troupeau entre juillet et novembre 2019. Il a ainsi entraîné de la mortalité embryonnaire précoce, des avortements puis une baisse d’immunité permettant à la néosporose et, dans une moindre mesure, à la fièvre Q d’exprimer leur potentiel clinique. Les éleveurs ont d’ailleurs observé que la qualité des colostrums mesurée habituellement au réfractomètre était en forte baisse. La forte prévalence de la néosporose n’a pas été remarquée avant car peu d’avortements étaient déclarés, l’éleveur reconnaissant une certaine sous-déclaration de ces avortements.
Un impact financier important
Depuis, une vaccination du troupeau contre la BVD a été mise en place. L’introduction régulière de génisses permet d’assurer un renouvellement correct, mais l’impact financier de l’introduction de la BVD et du développement en sourdine de la néosporose reste énorme. Les avortements se font de plus en plus rares mais sont désormais systématiquement déclarés. Il sera certainement nécessaire de sonder la fièvre Q par la suite.
Les deux chiens présents dans l’élevage (les chiens sont les hôtes définitifs de la néosporose) s’en sont tirés indemnes, mais ne se déplacent plus dans la stabulation ou près des silos. Ceci pour éviter que les chiens se contaminent par l’ingestion d’annexes fœtales d’animaux positifs par exemple, et que les vaches se contaminent alors en ingérant aliments ou eau de boisson souillés par leurs déjections (contenant des ookystes de Neospora).
La bonne coopération entre éleveurs-vétérinaires-GDS et le laboratoire d’analyses, et une relation de confiance établie de longue date grâce au suivi régulier, ont en tout cas permis de passer cet événement sanitaire presque sereinement.
Mise en garde
Les deux voies d’entrée principales du virus de la BVD dans un troupeau sont le voisinage de pâture et les achats d’animaux, surtout sans quarantaine stricte. À l’intérieur d’un troupeau, la circulation du virus est variable... de foudroyante dans un troupeau qui n’a jamais été en contact avec le virus (dit naïf) et de grande taille, à très limitée dans un petit troupeau ayant déjà des vaches séropositives. Les pertes financières peuvent être très importantes et sont estimées de 5 à 160 euros pas bovin par an
Ce qu’il faut savoir sur la BVD
° Deux voies de transmission. Une transmission entre les animaux par voie oronasale (dite horizontale), entraînant une virémie chez l’animal contaminé et la réexcrétion ensuite par celui-ci dans les sécrétions nasales et respiratoires, les matières fécales, le lait et les sécrétions génitales. Et une transmission directe au fœtus dans le ventre de sa mère (dite verticale), avec possibilité de naissance d’un veau IPI (infecté permanent immunotolérant).
° Trois sources de contamination :
- les IPI (infectés permanents immunotolérants (+++)) extrêmement contaminants ;
- les animaux infectés transitoires (+-) ;
- les veaux de vaches achetées pleines et non testés à leur naissance dans l’élevage d’arrivée (+) : une vache négative à l’achat en recherche virale peut malgré tout donner naissance à un veau IPI.
° Trois méthodes de diagnostic :
- par prise de sang pour recherche d’anticorps ou d’antigène(virus) ;
- par prélèvements sur avortons ;
- dans certains départements (comme le Pas-de-Calais), par dépistage des IPI à la naissance par prélèvements de cartilage lors du bouclage auriculaire.
° Lorsqu'un animal gestant rencontre le virus de la BVD, soit il avorte et c'est possible à tout stade de la gestation. Soit il donne naissance à un veau malformé. Soit il donne naissance à un veau IPI qui, lui, sera extrêmement contaminant pour l'élevage. Soit l'infection peut être inapparente en fin de gestation mais avec une production d'anticorps par l'animal.