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Comment réagir face à un cas clinique de paratuberculose en élevage laitier

La révélation d’un cas clinique de paratuberculose doit conduire à mettre œuvre deux mesures essentielles : la détection et l’élimination des animaux infectés, et une prévention rigoureuse de la contamination des veaux et génisses de renouvellement. C’est à ce prix que son éradication dans un élevage infecté peut être envisagée.

Au cours d’une visite de suivi de reproduction, l’éleveur nous montre une vache maigre, âgée de 4 ans. Elle a vêlé depuis une quinzaine de jours et présente une diarrhée chronique depuis sa mise bas. L’examen clinique ne révélant aucune autre anomalie, une suspicion de paratuberculose s’impose. Pour confirmer le diagnostic, une prise de sang est effectuée et envoyée au laboratoire d’analyses départemental. Une recherche d’anticorps (reflétant la réponse de l’organisme à l’infection) est demandée ; un résultat positif nous parvient quelques jours plus tard.

Face à cette situation, la seule solution est la réforme anticipée de cette vache et son abattage, sa maigreur n’étant pas encore assez marquée pour l’empêcher. Il existe pourtant des antibiotiques qui pourraient être efficaces. Mais leur utilisation est interdite en médecine animale car ils sont réservés au traitement de la tuberculose humaine.

234 € de perte par animal infecté

La paratuberculose est l’une des principales maladies d’élevage. Ses conséquences économiques dans les élevages infectés sont loin d’être négligeables. Aux réformes anticipées et mortalités (directes ou suite à euthanasie), viennent s’ajouter des baisses de production laitière, une sensibilité accrue aux autres infections en particulier aux mammites, ainsi qu’une baisse de la fertilité. La perte par animal infecté est évaluée en France à 234 euros. Des liens ont été évoqués entre l’agent de la paratuberculose et une maladie digestive humaine, la maladie de Crohn, sans certitudes bien établies pour le moment.

La partie émergée de l’iceberg

L’identification d’un cas clinique dans un élevage est la partie émergée de l’iceberg. Pour un animal qui exprime des symptômes, la proportion d’animaux infectés sans aucun signe peut être considérable. Au cours de l’évolution de l’infection, les bovins vont commencer à excréter les bacilles paratuberculeux essentiellement dans leurs bouses sans que l’on puisse suspecter quoi que ce soit. Une autre caractéristique de cette bactérie est sa résistance dans le milieu extérieur, en particulier dans les sols acides ; elle peut durer plusieurs mois, voire dans certaines conditions plus d’un an. Ainsi, lorsqu’on la détecte, la maladie s’est le plus souvent durablement implantée dans l’élevage. Son éradication est une entreprise de longue durée qui demande beaucoup de rigueur. Elle est envisageable en élevage laitier mais beaucoup plus difficile à mettre en œuvre en élevage allaitant où les contacts mère-veau sont inévitables.

Dans notre cas, la révélation d’un cas clinique a été l’occasion de mettre en place un plan de prophylaxie visant à l’éradication de cette maladie. Il repose sur deux leviers majeurs : le dépistage et l’élimination des infectés, et une prévention rigoureuse de la contamination des veaux et génisses de renouvellement.

Performance limitée des tests de détection

Un des principaux freins à la lutte efficace contre la paratuberculose est la performance limitée des tests de détection des animaux infectés. Il existe trois principaux types de tests :

- la recherche du bacille dans les bouses, par culture ou par biologie moléculaire [PCR],

- la recherche d’anticorps par prise de sang : elle est d’autant plus fiable qu’elle est utilisée lors de manifestations de troubles cliniques. Elle est beaucoup moins intéressante pour détecter les infectés subcliniques,

- la recherche d’immunité par test cutané.

Seuls les deux premiers sont régulièrement utilisés, le dernier manquant trop de fiabilité. Mais ces tests ne détectent qu’environ 50 à 60 % des animaux infectés, ce qui impose donc leur emploi régulier et répété, voire combiné, pour optimiser les niveaux de détection.

Dans le cadre d’une éradication de la maladie, tout animal positif à un de ces tests doit être isolé et réformé le plus rapidement possible. Sa progéniture doit également être éliminée, le danger qu’elle soit infectée étant très élevé, vu les diverses voies de contamination entre la mère et le veau. Enfin, lors d’achat d’animaux de renouvellement, vu la limite des tests de détection de la paratuberculose, seule une garantie à l’échelle du troupeau devrait être prise en compte.

Prévenir les chaînes d’infection

Parallèlement à la détection et l’élimination des animaux infectés, il est essentiel de réduire voire supprimer l’exposition des veaux et des jeunes génisses. Cette mesure majeure implique :

- une hygiène particulièrement soignée du box de vêlage,

- la séparation immédiate (dès la naissance) des veaux des adultes,

- la distribution de colostrum ou de lait non contaminés donc issus de vaches identifiées comme saines. Attention aux « banques » de colostrum,

- l’élevage séparé des génisses de renouvellement du cheptel adulte,

- l’absence de pâturage des jeunes sur des prairies amendées avec un engrais organique (fumier et a fortiori lisier) depuis moins d’un an.

C’est à ce prix que l’éradication de cette maladie peut être envisagée sur le long terme dans un élevage infecté.

Plusieurs années entre la contamination et les signes cliniques

° La paratuberculose est due à une bactérie Mycobacterium avium subs paratuberculosis, communément appelée MAP. Elle appartient à une famille bactérienne particulière, les mycobactéries, dont fait également partie l’agent de la tuberculose (bovine ou humaine, c’est le même). Ce sont des bactéries responsables d’infections qui se développent très progressivement dans un organisme pour aboutir à une issue régulièrement fatale. Cette maladie touche une proportion importante d’élevages bovins, un peu partout en France. Elle n’est pas propre aux bovins et affecte diverses espèces de ruminants, en particulier les ovins et les caprins.

° Chez les bovins, l’infection par MAP provoque une inflammation chronique d’une large portion de l’intestin grêle, qualifiée d’entérite granulomateuse. Elle occasionne petit à petit la perte des capacités d’absorption de cet organe. Les deux conséquences majeures sont une diarrhée liquide chronique et un amaigrissement de plus en plus marqué. Cette affection évolue vers un affaiblissement progressif de l’animal qui débouche inéluctablement vers la mort.

° Un des aspects primordiaux de cette maladie est son caractère insidieux. Les animaux s’infectent dans leur jeune âge, lors des premières semaines (mois) de vie et ne vont exprimer la maladie qu’à l’état adulte, essentiellement vers l’âge de 3 à 5 ans, souvent dans les jours qui suivent le vêlage. Il y a donc un délai de plusieurs années entre la contamination et les signes cliniques, donc une incubation particulièrement prolongée. De plus, les animaux commencent à excréter l’agent infectieux avant d’exprimer des symptômes, et parfois longtemps avant. Il faut préciser que la contamination entre animaux adultes n’est qu’exceptionnelle.

A retenir

Le veau peut se contaminer de trois façons :

- par léchage de support (trayons) ou consommation d’aliment souillés par de la bouse de bovins infectés

- directement dans le ventre de leur mère infectée par passage de la bactérie à travers le placenta

- par consommation de colostrum ou de lait d’une vache infectée.

Un vaccin pour des cas exceptionnels

Aucun vaccin contre la paratuberculose n’est homologué en France mais des vaccins efficaces existent dans d’autres pays européens. Ils peuvent faire l’objet d’importation et d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) après avis favorable des autorités sanitaires publiques (DDETSPP). Chez les bovins, la vaccination interfère avec le dépistage de la tuberculose, son emploi est donc limité à des cas exceptionnels où l’impact de la maladie devient insupportable. En revanche, chez les petits ruminants, cela peut constituer une solution particulièrement intéressante.

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