Comment booster le taux protéique par l'alimentation ?
Améliorer le taux protéique sans hausse des coûts ni des rejets d'azote dans l'environnement. C'est l'équation à rechercher pour profiter pleinement des primes au TP.
Améliorer le taux protéique sans hausse des coûts ni des rejets d'azote dans l'environnement. C'est l'équation à rechercher pour profiter pleinement des primes au TP.
Beaucoup de facteurs jouent sur le taux protéique (TP) : l'alimentation, la race, la génétique, le stade de lactation, la saison, les conditions de vie de la vache. L'alimentation est un levier fort sur lequel on peut agir. Mais comment augmenter le TP sans accroître les pertes d'azote ? « Pour éviter le gaspillage d'azote, on cherche à améliorer la valorisation des protéines », plante Jérôme Larcelet, consultant nutrition chez Seenorest.
Viser 35 % d'efficacité des protéines
On cherche donc à améliorer l'efficacité des protéines ingérées, qui est le rapport entre les protéines laitières produites (TP g/kg x kg de lait) et les protéines brutes ingérées (% MAT x kg MSI). « En moyenne dans les troupeaux, ce rendement est de 27 - 28 %. Cela correspond à un élevage où les vaches produisent 30 kg de lait à 32 g/kg de TP, pour une ration à 15 % de MAT et 23 kg MSI. Et on peut réussir à atteindre 35 %», illustre Jérôme Larcelet. En améliorant l'efficacité des protéines, on obtient « une meilleure performance laitière (lait et TP), une meilleure performance économique et environnementale ».
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Bien couvrir les besoins en énergie
Pour augmenter le TP, la première chose indispensable est de couvrir les besoins en énergie. L'objectif est d'apporter 0,90 - 0,95 UFL/kg MSI par la ration. Et de veiller à un bon équilibre entre les PDI et les UFL, avec un rapport PDI/UFL compris entre 100 et 110. Puis, un point supplémentaire d'UFL par jour amène normalement 0,6 g/kg de TP, d'après la bibliographie.
Apporter suffisament de PDIA
Pour faire du TP, il faut aussi des PDIA (protéine by-pass non dégradées par le rumen) et des PDIM (protéines microbiennes produites dans le rumen). Plus le niveau de production d'une vache augmente, plus ses besoins en PDI augmente. « Mais la production de PDIM par le rumen n'est pas extensible à l'infini », indique Jérôme Larcelet. Pour une vache à 20 litres, il faut 1 400 g PDI, dont 800 g peuvent être couverts par les PDIM. Pour une vache à 40 litres, il faut 2 400 g PDI, dont 1 200 g sont couverts par les PDIM. Le reste doit être couvert par des PDIA. Un apport suffisant de PDIA est indispensable, d'autant plus avec de hauts niveaux de production.
Équilibre entre protéine dégradable et by-pass
Dans des aliments à même teneur en MAT, les protéines sont différentes. Il faut évaluer la part de protéines by-pass (PDIA) et la part de protéines dégradables dans le rumen (qui donnent les PDIM) .
Pour produire un maximum de PDIM, l'objectif est une ration qui apporte entre 90 et 110 g de PDI, une BPR (balance protéique du rumen) comprise entre 0 et 15, et de l'urée qui ne doit pas dépasser 0,8 % de MSI.
L'apport de PDIA conseillé va de 35 à 50 g/kg MSI, en fonction de la production laitière (lire paragraphe précédent). Et l'objectif est un rapport PDIA/PDIE > 40-45 %.
« Si on amène trop de protéines dégradables dans le rumen, le rumen est saturé et l'azote excédentaire est transformé en ammoniac et en urée. C'est non seulement du gaspillage d'azote, mais en plus cela fait consommer plus d'énergie à la vache. L'efficacité protéique diminue et l'impact environnemental se dégrade », souligne Jérôme Larcelet.
De la lysine et de la méthionine
Les acides aminés essentiels (dont la vache a besoin et qu'elle ne sait pas synthétiser) qui sont les plus limitants sont la lysine et la méthionine. Il faut des formes digestibles dans l'intestin, donc protégées des dégradations ruminales, et un apport équilibré entre les deux acides aminés : lysine/méthionine = 2,9 (2,7 à 3,6). Le besoin journalier est fonction de la production laitière. On ne peut pas couvrir tous les besoins en acides aminés essentiels avec uniquement des fourrages et des matières premières simples (non protégées).
Le tourteau de soja apporte plus de lysine et de méthionine que le tourteau de colza. Le fait de tanner les tourteaux protège les protéines de la dégradation dans le rumen et améliore donc l'apport de lysine et de méthionine digestible. « On peut réussir à couvrir les besoins en acides aminés essentiels uniquement avec des tourteaux tannés, notamment du tourteau de soja tanné. On peut aussi couvrir les besoins avec des acides aminés de synthèse », indique Jérôme Larcelet. Le tannage par chauffage et ajout de sucre fonctionne bien. Les retours d'expérience sont moins bons concernant le tannage par ajout de tanins végétaux ou d’huiles essentielles, souligne le conseiller.
Avec l'utilisation des acides aminés protégés de synthèse ou des tourteaux tannés, il est possible de réduire l’apport de correcteur azoté grâce à une meilleure efficacité des protéines à 35 %, d’augmenter la production laitière, d’augmenter le TP entre 0 et 1,44 g/kg de lait, de baisser les rejets d'urée.
Les besoins en PDIA augmentent fortement avec de hauts niveaux de production laitière
Le saviez-vous ?
La vache ne valorise pas bien les protéines qu'elle ingère. Dans le lait, on retrouve en moyenne 28 % des quantités de protéines ingérées. L'azote excrété dans l'urine et les fécès, représente 40 % de l'apport. Les 32 autres pourcents servent à l'organisme de la vache.
À retenir
Pour trouver une ration vache laitière performante, sur le plan économique et environnemental, il faut être attentif à la composition en acides aminés essentiels du correcteur azoté plus qu’à sa teneur globale en azote.
Exemple d'une prime au TP incitative
La coopérative Prospérité fermière (PF) rémunère le taux protéique du lait (TP) au delà de la grille Criel de Nord Picardie Ardennes. La grille prévoit un prix du TP de 5,39 €/g lait pour un taux supérieur à 32 g/l. PF y ajoute 2 €/g pour un taux compris entre 33 et 34. Et une prime de 3 €/g pour un TP au-dessus de 34 g/l. Si le TP est inférieur à 32 g/l, la grille Criel prévoit une pénalité de 5,39 €/g. PF applique une pénalité supplémentaire (-1 €/g) si le TP est inférieur à 30.
En moyenne, un producteur de lait à la Prospérité fermière livre un lait à 33,27 g/l de TP. Ce qui fait une prime de 7,4 €/1 000 l. Les TP moyens annuels par producteur sur 2019 vont de 29,8 g/l à 36,2 g/l. Soit un impact sur le prix du lait qui va de -13,1 € à +29,2 €/1 000 l.