Changement climatique : trois éleveurs, trois stratégies
L’année fourragère 2019 a été déficitaire en Lorraine. Témoignages de trois producteurs de la Meuse qui réfléchissent à l’évolution de leurs systèmes, actuellement, et à l’horizon de quatre à cinq ans.
L’année fourragère 2019 a été déficitaire en Lorraine. Témoignages de trois producteurs de la Meuse qui réfléchissent à l’évolution de leurs systèmes, actuellement, et à l’horizon de quatre à cinq ans.
Rodrigue Jacquot, 70 laitières et 70 allaitantes sur 220 ha à Dugny-sur-Meuse
« Miser davantage sur les cultures de printemps »
« Habituellement, je récolte 7,5 t d’herbe à l’hectare. En 2019, c’était davantage 5,5 à 6 t/ha. J’ai fait la plus mauvaise année de maïs ensilage de ma carrière à 6-7 t/ha. J’ai implanté des dérobées qui ont été arrosées en août. Cela m’a fait une petite bonification de 2 t/ha. J’ai peur d’être court en fourrages au printemps. Je n’ai pas pu acheter de pulpes de betteraves. Je me suis rattrapé avec du maïs grain. Je sème du méteil seigle-vesce ou ray-grass anglais-trèfle dans toutes les parcelles destinées à recevoir du maïs ensilage. J’aurai une coupe au printemps, mais cela peut handicaper le maïs à venir. Je pense aussi au sorgho et au méteil. Je mise plus sur les cultures de printemps que sur les cultures d’été, qui vont dépendre des opportunités de l’année. »
Hubert Basse, 70 laitières sur 130 ha à Bonzée
« Penser à l’agroforesterie »
« Mes terres sont séchantes. J’ai systématiquement un couvert en place. J’ai notamment mis de la luzerne et augmenté ma surface de prairies temporaires de 35 ha. Ma surface fourragère augmente de 5 % par an. Elle m’a permis de passer l’aléa climatique en 2018 et 2019, mais pas de faire du stock. J’ai rentré du maïs épi et je n’ai pas eu besoin d’acheter de l’aliment à l’extérieur. Je réfléchis à l’éventualité de me lancer dans l’agroforesterie et faire pâturer à terme sous les arbres. Je regrette que l’on manque de données sur la productivité de l’herbe, les associations, les couverts, les espèces qu’il faut privilégier en fonction de l’usage : pâture ou fauche. Au-delà, je crois que le partage dans le détail des expériences vécues par chacun et la réflexion en groupe sont des moyens de s’adapter. »
Marc Gambette, 40 laitières sur 90 ha à Foamix
« Augmenter la productivité par vache »
« Certes, nos habitudes sont bouleversées, mais je reste serein car l’agriculteur a toujours dû gérer des aléas climatiques. Cela donne à notre métier une dynamique qui nous fait réfléchir à des solutions ,même s’il n’y en a pas de toutes faites. En octobre 2018, j’ai pu récolter des Cipan. Ce n'est pas le cas en 2019, car je n'ai pas pu entrer dans la parcelle. Je m’interroge si je dois faucher plus de surface. Dans les quatre à cinq ans, je dois faire en sorte d’avoir plus de stocks. J’ai constaté des rendements de maïs ensilage qui allaient du simple au triple dans le même terroir. Il faut creuser cette question pour expliquer cette différence. Je suis à l’affût de toutes les informations qui me permettront de choisir les meilleures variétés de maïs ensilage dans ma situation. Je pense aussi à diminuer l’âge au premier vêlage, à réformer les animaux improductifs et à augmenter la productivité par vache. Je vais devoir être plus pointu sur la croissance de mes génisses et la quantité de concentrés distribuée au troupeau. »